Personne n’en a parlé, ou si peu… Depuis le 1er janvier 2019, le tribunal des affaires sociales (TASS) de Lille et son cousin, le tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI), ont été rayés de la carte judiciaire. Ils sont fondus dans un « pôle social » au sein du tribunal de grande instance (TGI).
Ce secteur de la Justice n’est pas considéré comme « noble » : loin des ambitions des magistrats les plus en vue et des avocats les plus en voix, loin des yeux du ministère, qui ne prenait même pas la peine, jusqu’à une date récente, de collecter les statistiques et de suivre les résultats de ce « contentieux ». C’est le domaine des litiges entre particuliers et caisses de sécurité sociale ou d’allocations familiales, des différends entre salariés et employeurs, à propos d’accidents du travail ou de maladies professionnelles… Des « petites affaires » mais de celles qui font mal, ajoutant aux douleurs des blessures les tourments de la procédure. Les mots « amiante », « béquilles », « prothèse », « chômage » courent les rapports d’expertise et les procès‐verbaux…
9 800 dossiers à la naissance
En 2016, le gouvernement a lancé une réorganisation des TASS et des TCI. Leur surcharge était patente (2 670 dossiers en attente de jugement au TASS de Lille à cette époque, soit le troisième stock en région après ceux de Rhône‐Alpes et de Marseille) et leur fonctionnement « hybride », mélangeant les personnels de plusieurs administrations, posait problème.
« Conformément aux instructions du ministère, nous avons mis les bouchées doubles pour réduire au maximum le stock de notre TASS pendant les exercices 2017 et 2018, indique Xavier Puel, président du tribunal de grande instance de Lille. Il n’y a pas eu le même empressement partout en France. Par ailleurs, nous avons repris tous les dossiers TCI du département, ceux de notre ressort mais aussi ceux de Douai et Valenciennes ». Cet effort n’a pas empêché le nouveau « pôle social » de Lille de se présenter à la naissance avec un bagage de 9 800 dossiers !
Une réduction du stock à marche forcée ?
Au terme de sa première année d’existence, où en est‐on ? « La situation est saine », affirme Hedwige Soileux, juge coordinatrice du pôle lillois. En septembre 2019, un peu plus de 6 000 affaires, anciennes ou nouvelles, étaient en cours. On est donc loin de la thrombose constatée par Mediacités à Lyon où le tribunal social est noyé sous 15 000 dossiers. D’autant que le nombre de dossiers lillois a sans doute encore baissé aujourd’hui. La magistrate explique que pour un dossier entrant, un dossier et demi est soldé. Quitte à aller même un peu trop vite ? « C’est au point que le président du TGI m’a demandé de freiner », avoue‐t‐elle. « Au‐delà d’un certain rendement, une justice de qualité ne peut plus être rendue », déclare en écho Xavier Puel, le président en question.
A Lyon, la nouvelle “justice du quotidien” noyée sous 15 000 dossiers
Ce rythme de marche forcée est d’ailleurs critiqué par plusieurs avocats que Mediacités a interrogés. Si certains dossiers ont connu un petit coup d’accélérateur, d’autres sont purement et simplement radiés par Hedwige Soileux et ses confrères, car jugés inactifs. « Les particuliers, assistés ou non d’un conseil, doivent alors redémarrer la procédure à zéro, ce qui prend entre douze et dix‐huit mois », regrette Patrick Ledieu, avocat particulièrement impliqué dans le contentieux social.
La longueur des procédures en question
La question de la durée des procédures est sensible. Elles apparaissant toujours interminables aux justiciables. Et les délais posent de réelles difficultés à des personnes en attente d’une indemnisation, d’une allocation ou de l’élémentaire prise en compte de leur condition de victime. « Il y a affaire et affaire, expose Hedwige Soileux. Certaines sont simples, portent sur des sommes peu importantes et se règlent en huit à douze mois. D’autres demandent beaucoup de démarches et d’échanges entre les parties. Etablir si un employeur est ou non responsable d’une « faute inexcusable » à l’égard d’un employé accidenté peut prendre deux ans. »
« Les avocats n’ont pas toujours une compétence suffisante dans les matières sociales »
Et puis, glisse la magistrate, ce sont les avocats qui mènent les procédures. Soit ils sont prêts à plaider le jour de l’audience, soit ils ont besoin de délais, qui leur sont accordés. De notoriété publique, les relations sont fraîches entre la juge coordinatrice du pôle social et quelques‐uns de ses interlocuteurs défenseurs. « Je suis là pour faire tourner le service public », réplique celle qui accepte l’appellation de « magistrate atypique ». Hedwige Soileux assume aussi un propos tenu il y a quelques années : « Les avocats n’ont pas toujours une compétence suffisante dans les matières sociales ». Pour compenser ce déficit, elle anime des formations à l’intention des membres du Barreau de Lille…
Des locaux inadaptés
Mais ce qui a vraiment lesté la première année d’application de la réforme, c’est une insuffisance de moyens. Difficultés matérielles d’abord. Le TGI lillois a dû se serrer dans son vénérable palais de Justice pour accueillir les éléments du pôle social, dont une partie était logée auparavant dans un immeuble du quartier de Moulins. Et les installations ne sont pas idéales. L’ascenseur qui dessert la salle de débats du troisième étage est trop étroit pour transporter de gros fauteuils roulants. Au rez‐de‐chaussée, les séances consacrées aux cas d’incapacité ont souffert d’un manque cruel de confidentialité. Pour y remédier, depuis quelques semaines, les justiciables passent chacun leur tour et les spectateurs sont priés de ne pas entrer dans la salle… petite entorse au principe de publicité des débats.
Départs de greffiers en série
Les ressources humaines font également défaut. Xavier Puel a calculé que trois magistrats supplémentaires auraient dû être affectés à Lille pour faire face à l’émergence du pôle social ; il n’a obtenu qu’un poste. Des mouvements temporaires au sein du TGI, d’une chambre à une autre, ainsi que le recours à des magistrats honoraires, permettent cependant la tenue d’une douzaine d’audiences par semaine. Le pire état des lieux se rencontre au greffe, ce rouage capital de toute juridiction, chargé de composer les dossiers, de convoquer les parties au tribunal, de mettre en forme les jugements.
Avant la réforme, la plupart des personnes qui assuraient ces tâches étaient mises à disposition, sous forme de vacations, par le ministère de la santé et la Sécurité Sociale. Invitées à intégrer le ministère de la Justice d’ici au 30 juin prochain, quelques‐unes ont accepté, d’autres ont préféré regagner leur administration d’origine, au régime plus avantageux.
« Travailler une matière aussi complexe avec un personnel volatil n’est pas un bonne chose, tranche Xavier Puel. C’est comme si une équipe de football était composée de joueurs ne parlant pas la même langue et ayant chacun une conception particulière de leur sport ». Au terme de ces valses‐hésitations, en décembre 2019, le greffe du pôle social avait perdu plus de la moitié de ses forces vives (de 17 à 7,7 équivalents temps plein)… Qu’en sera‐t‐il en ce début d’année ? « Nous ne pourrons pas tenir toutes nos audiences et nous risquons de reprendre du retard », redoute la coordinatrice du pôle social.
« Nous ne pourrons pas tenir toutes nos audiences et nous risquons de reprendre du retard »
Dès aujourd’hui, les particuliers engagés dans une action, ainsi que leurs conseils, s’agacent de dysfonctionnements à répétition. « Quand nous introduisons un recours auprès du pôle social, nous n’avons pas d’accusé de réception, rapporte Vincent Musungu, juriste à la fédération du Nord des accidentés du travail et des handicapés (FNATH). Et au moment de l’audience, certains de nos adhérents ne reçoivent pas leur convocation ».
L’avocat Patrick Ledieu cite d’autres anecdotes. « Avec une cliente aveugle que j’accompagnais, nous avons découvert sur place que l’audience n’aurait pas lieu, sans plus de renseignements. Un autre de mes clients a été convoqué un jour quand moi je ne l’étais pas ». Son confrère Jérôme Pollet considère sévèrement les passages devenus obligatoires devant des commissions de recours amiable. « Vous ne m’ôterez pas de l’idée que ces préalables sont un peu faits pour fatiguer les gens, les noyer dans la procédure et finalement les dissuader d’aller au bout de leur affaire ».
Amélioration possible ou « justice au rabais » ?
Faut‐il jeter le bébé avec l’eau du bain et condamner la réforme ? « Elle n’a pas été bien préparée, les décrets d’application ne sont pas encore tous publiés mais elle va évoluer et peut s’améliorer à condition que des moyens lui soient attribués », pense Hedwige Soileux. Ce qui compte dans la nouvelle donne, selon le président du TGI, Xavier Puel, c’est « la reconnaissance de l’importance et de la spécificité de la justice sociale ». Pas d’accord, objectent des avocats lillois comme Eve Thieffry et Vincent Potié : en l’état, la nouvelle juridiction sociale produit toujours « une justice au rabais pour de petits justiciables ».
Il y a une cerise, amère, sur ce gâteau encore mal digéré du pôle social : le dispositif d’appel des décisions rendues à Lille a été fixé à Amiens. Les habitants de la métropole (comme ceux relevant des pôles sociaux de Douai, Valenciennes, Arras ou Boulogne‐sur‐Mer) doivent se déplacer là‐bas pour contester un jugement. « No comment », répond Xavier Puel questionné sur la pertinence de cette organisation.
Le défenseur Jérôme Pollet est plus prolixe : « C’est chronophage, c’est difficile pour les avocats qui interviennent à rémunération limitée, dans le cadre de l’aide judiciaire, et c’est pénible et coûteux pour des justiciables souvent malades et démunis ». Si un contentieux requiert bien de la proximité, n’est‐ce pas le contentieux social ? La désignation de la cour d’appel d’Amiens serait‐elle une décision purement « politique », ayant pour toile de fond la fusion des régions Nord‐Pas‐de‐Calais et Picardie ? La laborieuse réforme du pôle social n’avait pas besoin de ces « considérants » supplémentaires…
je ne suis aucunament étonné des propos tenus dans ce résumé si révélateur
je trouve inadmissible de ne pas prendre en considération le soucis des personnes handicapées dont je fais partie
on passe devant un juge mais on sait très bien que les demandes sont très souvent refusées
je sais de quoi je parle
une lassitude est une évidence concernant la MPDH qui se fout royalement des cas et personnes convoquées
j ai vu des personnes très handicapées venir se déplacer en ambulance couchée et repartir en pleures suite à certaines décisions nègatives bien évidemment
pauvre france mais de qui ces gens puissent se permettre de telles choses
c est scandaleux et honteux et aucune reconnaissance envers des personnes handicapées
le gouvernement claque des millions d euros pour rétablir le confinement , certe c est logique et notre dame de paris million par millions
je suis honteux d etre dans ce monde injuste , vraiment