Mediacités sort son livre blanc pour engager l’acte II de la démocratie locale

Les signes de fragilité de notre démocratie se multiplient – y compris au niveau local. Pour inverser la tendance, Mediacités et l’Observatoire de l’éthique publique se sont associés pour proposer une refonte approfondie de nos règles du jeu démocratiques.

Département des Yvelines-BY-ND-10
La démocratie locale ne séduit plus. Photo DR.

« Il faut saisir l’opportunité des élections municipales de 2020 pour donner un nouveau souffle à la démocratie locale. » Cette phrase introduit le « Livre Blanc pour une démocratie locale rénovée » que Mediacités co‐signe avec l’Observatoire de l’éthique publique. De façon originale, un journal en ligne d’investigation locale et un observatoire d’experts ont décidé de mêler observations de terrain et compétences juridiques pour aboutir à un corpus de 27 mesures immédiatement transposables en droit. Car il faut changer les règles du jeu démocratique. Il y a urgence. 

2020‐02 – Livre blanc democratie locale – WEB – HD

Un à un les signaux passent au rouge. L’abstention, qui a longtemps épargné les élections municipales, croît de scrutin local en scrutin local (36,5 % pour les municipales de 2014). Le sentiment de lassitude des maires gagne (51 % indiquaient ne pas être sûr de rempiler un an avant l’échéance). Même leur proximité légendaire envers leurs concitoyens s’étiole. Quand on les interroge sur l’identité de leur maire, les Français ne sont plus que 51 % à pouvoir citer son nom. Dans les années 1980, la proportion était de près de 80 %… 

Notre démocratie, qui devrait être notre joyau, ne brille plus. Pis ! Elle suscite la méfiance voire de dédain. De nombreux problèmes s’accumulent pour expliquer cette fatigue démocratique. La complexité de l’action publique, le défaut croissant de représentativité des élus, l’éviction des citoyens de la décision… Il est impossible d’en rester à ce constat, à se résigner aux accusations du « tous‐pourris » qui mine notre démocratie.

Du Manifeste au Livre Blanc

Le Livre Blanc est le prolongement naturel du Manifeste pour une démocratie locale réelle, publié par Mediacités en novembre dernier. Il propose de nouvelles règles du jeu dans quatre domaines :

  1. Renforcer les règles déontologiques des élus locaux
  2. Dynamiser la démocratie locale par l’implication citoyenne
  3. Réorganiser le fonctionnement des collectivités locales
  4. Accroître la transparence sur la vie locale et son financement.

L’idée n’est pas tant de renforcer les contraintes qui pèsent sur nos 500 000 élus que de fixer un cadre précis pour leur venir en appui. Les manquements au devoir de probité ne concernent que 70 élus locaux par an en France. En revanche, il y a encore trop de zones grises qui font prendre des risques aux élus. Il n’existe ainsi aucun référentiel précis pour le remboursement des frais ou de code de conduite pour les cadeaux reçus dans l’exercice de son mandat ; les règles de prise illégale d’intérêts sont peu claires ; les formations de sensibilisation aux risques de corruption quasi‐inexistantes ; le régime des incompatibilités entre fonction d’élu et certaines professions insuffisant…

Ces dernières années, les avancées en matière d’éthique ou de prévention de la corruption sont intervenues à l’échelon national. Qu’il s’agisse, par exemple, de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, créée à la suite de l’affaire Cahuzac ; du registre des lobbies auprès de l’Assemblée nationale ; ou de l’attribution de la présidence de la commission des Finances à un élu de l’opposition. Il est temps de transposer certains des outils, qui ont fait preuve de leur efficacité, à l’échelon local.

Plus largement, il importe d’introduire une culture de la transparence, de l’implication et du contrôle citoyen tout au long des mandats locaux. Aider à l’émergence de contre‐pouvoirs citoyens, c’est la base même de la démocratie. Car, comme le dit le sociologue Julien Talpin, la démocratie c’est avant tout le conflit… Le bon conflit. Celui qui réveille les consciences et permet de trouver les compromis.

  • On parle de loi pour améliorer la transparence, de loi pour rétablir de la confiance mais quand on y regarde de plus près, les conditions de l’élu local pour remplir son rôle de contrôle de l’exécutif se dégrade de plus en plus. Ces lois ressemblent à de la poudre aux yeux qu’à chaque nouveau mandat on sème pour endormir les citoyens.…
    Un exemple concret : avant l’informatisation des organismes de contrôle tel que les comptables publics (2016), la Chambre Régionale des Comptes, il était possible à un élu d’avoir accès aux factures auprès de ces organismes dès le transfert des factures au sein de ces organismes environ 2 mois après l’émission de la facture pour le comptable public et au cours de l’année N‑2 à la CRC. Aujourd’hui ce n’est malheureusement plus le cas, les factures émises et payées en 2018 ne sont ni visibles chez le Comptable public en charge de la gestion de la commune, ni à la CRC ce qui signifie qu’un élu qui veut vérifier les dépenses effectives faites en 2018 par l’exécutif municipal ne pourra le faire qu’environ 2 ans plus tard soit peut être à la fin de l’année 2020 alors que le mandat sera écoulé depuis plusieurs mois. Sin on en croit ces deux entités, c’est de la faute à l’outil informatique .…..
    Alors que l’informatique est censé améliorer les délais de gestion et faciliter les contrôles, il allonge sérieusement les délais d’accès à l’information, retarde ainsi ses contrôles et les rend totalement inopérants en périodes électorales.
    Voilà la réalité des faits, voilà comment les gouvernements ont amélioré la transparence et espèrent rétablir la confiance.…. Les mesures prônées dans ce livre blanc semblent intéressantes pour améliorer notre démocratie. Néanmoins, ce livre blanc risque d’être bien gris avant qu’il ne soit mis en œuvre avec une réelle motivation d’efficacité par nos responsables politiques.…
    Ils auront tôt fait de nous concocter un nouvel écran de fumée.…

  • Bonjour,
    chapeau pour ce travail salutaire. Il eût été intéressant de l’envoyer à toutes les listes municipales en demandant un engagement pour mise en oeuvre de ces propositions car tout le monde ne lit pas votre journal en ligne. Juste une remarque ou deux : vous abordez l’implication citoyenne et le rôle de contre pouvoir nécessaire mais vous ne dites rien des dispositifs existants instaurés par la loi Vaillant ou autre : conseils de quartier, CIL (comité d’initiative locale), conseils citoyens en politique de la ville, etc., toutes instances dont la sociologie élitaire vieillissante façon petits notables locaux et la marginalisation de leur rôle ridiculement futile portent gravement atteinte à la démocratie citoyenne. Il faudrait impérativement les renouveler avec une part de tirage au sort, une indemnité pour frais de garde d’enfants afin de permettre aux parents de participer. Il faudrait également leur attribuer un budget de fonctionnement.
    Un autre point me semble important : la mise en place d’une commission composée d’élus et de citoyens tirés au sort + experts indépendants pour la rédaction des cahiers des charges d’appels d’offres et un contrôle de l’attribution des marchés pour ouvrir cette boîte noire que constituent les marchés publics.
    Enfin, à la métropole de Lyon où je siège dans l’opposition, la commission permanente n’est composée que de membres de l’exécutif, instaurant ainsi un mélange de genre désastreux sur la plan démocratique entre la fonction exécutive et délibérative.
    Bien à vous,

  • Il me semble qu’un des points essentiels du dysfonctionnement des collectivités locales est rarement abordé dans les débats franco‐français : au niveau local en France, la séparation des pouvoirs de Montesquieu n’existe pas, il n’y aura donc jamais de démocratie possible malgré tous les référendums d’initiative populaire, consultations, et autres rafistolages.
    * le président de l’assemblée régionale est le chef de l’exécutif régional,
    * le président de l’assemblée départementale est le chef de l’exécutif départemental,
    * le président de la communauté de communes est le chef de l’exécutif communautaire,
    * le président de l’assemblée communale est le maire chef de l’exécutif communal.
    Nous nous gargarisons de la séparation des pouvoirs au niveau de l’État, mais c’est le néant au niveau local.
    Tant que la constitution ne sera pas refondue pour permettre aux assemblées représentatives de citoyens de contrôler l’exécutif local, de le rendre responsable devant l’assemblée des élus, ce ne seront que des bouts de ficelles qui contribueront encore davantage au discrédit du système actuel.
    Le système actuel est consubstantiel à la République jacobine qui a coupé la tête des Fédéralistes : un pouvoir central fort, et en face des provinces, des « territoires vaincus », administrés par des potentats redevables au pouvoir central de sa cécité sur les pratiques locales. A l’extérieur de l’Hexagone, ça s’appelle la « France‐Afrique », dans l’Hexagone la « décentralisation » bien qu’antérieur à la « décentralisation ».
    La République jacobine a envoyé la troupe et la guillotine pour mater la rébellion de Lyon, Marseille ‚Bordeaux et autres cités accusées de « contre révolutionnaires » alors que fédéralistes, elle a construit des citadelles pour les contrôler et non les protéger, elle a encouragé l’existence de 36000 communes pour diluer le pouvoir des métropoles régionales. C’est le « centralisme démocratique ».
    La République jacobine a été bâtie ainsi : sur la liberté de corruption au niveau local de 36000 communes en échange de la vassalité à Paris. S’il y avait une vraie démocratie locale en France, le système s’effondrerait.
    L’impossibilité du contrôle réel des assemblées élues sur les exécutifs locaux, sur les présidents de région, départements, intercommunalités, communes, sape le fondement de la démocratie au niveau de l’Etat. Mais est‐ce que l’Etat jacobin survivrait à une réelle démocratie locale ? D’où les rafistolages.

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Par Jacques Trentesaux

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