Les épisodes de pollution de décembre et janvier derniers ont marqué les esprits, à la fois par leur intensité et par l’instauration – une première à Lyon ! – de la circulation alternée. A coup sûr, ils seront à nouveau de toutes les conversations avec le retour des chaleurs estivales. On se souvient du casse‐tête provoqué par l’arrivée des vignettesanti‐pollution juste après le pic de décembre. Ce que l’on sait moins, c’est que derrière la pollution atmosphérique liée au trafic routier, la plus médiatisée, arrive en deuxième position (pour les émissions de dioxyde d’azote) celle liée à l‘activité industrielle. Les usines étant par ailleurs, les premières responsables des émissions de dioxyde de soufre.
Commençons par un point positif : Atmo, l’association régionale de surveillance de la qualité de l’air, dresse un bilan plutôt rassurant pour la région. En 2016, si l’on excepte le fameux décembre noir, l’indice de qualité de l’air y a même été jugé globalement « bon » et les émissions de polluants par les installations industrielles diminuent. « Au niveau de la région comme à celui de la métropole lyonnaise, on observe une baisse assez importante des niveaux de polluants de typologie industrielle (benzène, composés organiques volatiles, dioxyde de soufre, etc.) ces dix dernières années », note Linda Maupetit, référente territoriale Ain‐Isère‐Rhône de l’association. Les émissions de dioxyde de soufre (reconnaissables à la couleur jaune et la forte odeur d’œuf pourri de ces nuages) ont ainsi baissé de 67% en dix ans. Quant à celles de dioxyde d’azote (dont 26% proviennent des usines à l’échelle de l’agglomération lyonnaise), elles ont chuté de moitié sur la même période.
Les industriels scrutés par la Dreal
Il faut dire que, durant la dernière décennie, dans la lutte contre la pollution atmosphérique, les pouvoirs publics n’ont pas oublié les grands industriels. Leurs émissions de polluants sont encadrées. Un arrêté préfectoral d’autorisation limite la quantité que chaque usine peut rejeter dans l’atmosphère annuellement. Tandis qu’un autre arrêté – ministériel, celui–là – fixe depuis décembre 2014 les différents seuils de pollution s’appliquant aux différents secteurs, avec des contraintes en fonction du niveau d’alerte. Chaque usine est censée déclarer ce qu’elle émet annuellement. Et la préfecture peut, si elle le juge nécessaire, diligenter des contrôles, menés par la Direction régionale environnement aménagement logement (Dreal), « le gendarme des usines ». Les agents de cette instance inspectent inopinément ou non les installations industrielles afin de vérifier si les émissions de polluants sont conformes aux quotas. En cas de dépassement, la Dreal publie un arrêté de mise en demeure, sorte de rappel à la loi, qui impose à l’industriel de revenir à ses valeurs limites dans un délai imposé. Voilà pour la théorie.
Initier un contrôle citoyen
Sur le papier, le système semble plutôt bien huilé et sévèrement encadré. Sur le papier… Mais qu’en est‐il dans la réalité ? Comme à Mediacités nous aimons bien vérifier ce que l’on nous dit, nous avons voulu savoir si les industries rhodaniennes et celles des départements limitrophes (les nuages polluants font peu de cas des limites administratives) restent dans les clous.
Comment avons‐nous procédé ? En farfouillant sur le site internet tentaculaire du ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, nous avons découvert « la base des installations classées », soit un méga classeur recensant toutes les usines de France et les éventuelles mises en demeure préfectorales dont elles ont pu faire l’objet ces dernières années. Petite précision importante : ne sont flashés que les sites industriels qui ont été inspectés par la Dreal. Ce qui signifie qu’une installation qui n’a reçu aucune missive de l’Etat est soit irréprochable, soit elle n’a tout simplement pas été contrôlée.
Avec patience, nous avons commencé à identifier quelques pollueurs de Rhône‐Alpes réprimandés par la Dreal (à noter que certains ont corrigé leur infraction depuis leur mise en demeure préfectorale). Parmi eux :
- La société Elyde, installée à Champagne‐au‐Mont‐d’Or, interpellée en février 2013 par la Dreal. « Malgré différentes demandes de l’inspection des installations classées », le chauffagiste de La Duchère ne transmettait pas ses bilans de rejets atmosphériques.
- Dans la Loire, Oi Manufacturing France, fabricant d’emballages en verre basé à Veauche, a été rappelé à l’ordre le 9 juillet 2015, après une visite de la Dreal – en décembre 2014 ! – qui avait remarqué de nombreux dépassements dans les rejets atmosphériques.
- L’usine Sita Rekem (collecte, traitement et élimination des déchets), au sud de Rousillon, est flashée par la patrouille de la Dreal le 26 juin 2014 pour « non‐conformité chronique des rejets en oxyde d’azote ».
- Sa voisine Osiris est elle sermonnée le 5 février 2013 car les limites de rejet de poussières de sa chaudière sont « régulièrement dépassées ».
- Plusieurs sites sont épinglés pour ne pas avoir contrôlé les émissions atmosphériques ou avoir omis de les communiquer aux services de l’Etat. C’est le cas de Dorure Metal (DM Sarl) à Montagny, du fabricant de produits métalliques Stoca à Vénissieux ou encore de Cofely GDF Suez à Rilleux‐la‐Pape.
- La papeterie de Vizille, en Isère, Vicat, avait payé cher son non respect des recommandations de la Dreal en 2010. Deux millions d’euros avaient été consignés « auprès du Trésorier Payeur Général de l’Isère » le temps que l’usine procède aux installations demandées dans l’arrêté.
Problème : rien que pour Rhône‐Alpes, 4620 sites industriels sont recensés. Nous n’avons pas pu tous les vérifier. C’est là, chers lecteurs, que vous pouvez intervenir si vous le souhaitez. L’union ne fait‐elle pas la force ? Pour compléter la carte régionale des pollueurs‐tricheurs, nous vous invitons à mener l’enquête à nos côtés. Vérifiez par vous‐même que les usines qui vous entourent respectent bien leurs quotas. Pour cela, rien de plus simple :
Étape 1 : Rendez‐vous sur cette page :
[http://www.installationsclassees.developpement-durable.gouv.fr/rechercheICForm.php].
Étape 2 : Choisissez la région, le département, indiquez la ville et, éventuellement, le nom précis de l’entreprise recherchée si vous le connaissez (sinon, ne mettez aucun nom). Puis lancez la recherche.
Étape 3 : Dans la liste des résultats, cliquez sur le nom de l’entreprise recherchée.
Étape 4 : Rendez‐vous en bas de la page, dans la partie « Textes publics disponibles » où sont recensés tous les arrêtés préfectoraux liés à l’usine, y compris ceux concernant d’éventuelles mises en demeure. Il est alors possible de les consulter pour constater quelles irrégularités ils concernent. Si aucun arrêté de mise en demeure n’apparaît, c’est que l’entreprise a respecté ses quotas… ou qu’elle n’a pas été contrôlée (la date de dernière inspection est indiquée dans la fiche, mais – sacrée limite – ne dit pas si le contrôle était inopiné ou pas).
Étape 5 : Si vous mettez la main sur un arrêté de mise en demeure concernant la pollution atmosphérique, téléchargez‐le puis envoyez‐le nous en pièce jointe à l’adresse pollution.mediacites@gmail.com, en précisant dans votre email :
- Le lien de la fiche de l’établissement (copier‐coller l’URL de la page de la fiche),
- le nom de l’usine concernée,
- la commune sur laquelle elle se trouve,
- enfin, si vous le souhaitez, laissez‐nous votre nom pour figurer parmi les signataires de la première enquête participative de Mediacités.
Toutes les informations que vous nous enverrez nous permettront de compléter au fur et à mesure cette carte interactive :
(dernière mise à jour : 6 juin 2017)
Bonne enquête !
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