« Tout le monde attend “la vague”. Mais moi je parlerais plutôt de marée : on ne voit pas l’eau monter et d’un coup on est au milieu de l’océan. » A l’hôpital Edouard Herriot, le vaisseau amiral des Hospices civils de Lyon (HCL), dans le 3e arrondissement, Jérôme*, infirmier, prend sa première pause de la journée. Le bruit d’une clope qu’on allume s’immisce dans le téléphone. Juste une, promis, « après je remets mon masque », souffle‐t‐il. Ces dernières semaines, il veille sur « la ligne Maginot », comme il a baptisé l’hôpital de Grange‐Blanche, conçu dans les années 1930 comme un ensemble de pavillons reliés entre eux par des galeries souterraines, utilisées en partie aujourd’hui. « Même le virus se perd là‐dedans », ironise Jérôme. Mais la forteresse est assiégée. Mercredi 1er avril, l’établissement accueillait à lui seul 167 patients atteints du Covid‐19, dont 57 dans les unités de réanimation ou de soins continus, regroupés sous la dénomination « soins critiques ».
« On a été très réactifs », raconte un agent technique en charge de la logistique. En quelques semaines, les équipes ont poussé les murs et réorienté plusieurs services vers l’accueil de patients « Covid+ ». Une partie du pavillon N, qui devait être progressivement vidé pour des travaux de rénovation, a été réaménagée pour installer des lits à destination des cas les moins graves. Mais l’inquiétude demeure, notamment pour les services de gériatrie, qui constituent un quart des lits des HCL. « On s’attend à vivre un moment terrible », souffle un soignant de l’hôpital Pierre Garraud (Lyon 5e).
Rhône : 70% des lits en soins critiques utilisés
La situation ne sera peut‐être pas aussi catastrophique. Aux Hospices civils de Lyon, qui rassemble la plupart des hôpitaux publics de l’agglomération lyonnaise, entre 7500 et 8000 médecins et soignants sont en service chaque jour. Une partie d’entre eux bataille sans relâche contre le Covid‐19. Le 2e CHU de France après l’AP-HP, à Paris, joue un rôle crucial : il coordonne l’ensemble des établissements publics et privés de la Métropole et du Nord‐Isère (Vienne et Bourgoin‐Jallieu) et accueille plus de la moitié des hospitalisations du territoire liées à l’épidémie.
« Nous n’avons pas été submergés par une vague et je ne pense pas qu’on le sera »
« A Lyon je pense qu’on est en train de limiter la casse pour l’instant », évalue prudemment Thomas Rimmelé, chef du service d’anésthésie‐réanimation d’Edouard Herriot. « Tous les patients sont pris en charge normalement en réanimation. Ce soir [mercredi] nous ne sommes qu’à 70% de nos capacités en soins critiques dans le Rhône. Nous n’avons pas été submergés par une vague et je ne pense pas qu’on le sera. L’effet du confinement va commencer à jouer », estime‐t‐il …