Jean Tirole : les failles d’un prix Nobel

Auréolé de son prix Nobel d’économie, Jean Tirole est un personnage intouchable. Pourtant, certaines de ses prises de position radicales créent le malaise et divisent la communauté des économistes. La semaine prochaine, Mediacités se penchera sur le business lucratif du célèbre chercheur.

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Jean Tirole, le 13 octobre 2014, à Toulouse. Photo: Frédéric Scheiber.

Une victoire pour la France, une fierté pour Toulouse. Depuis que Jean Tirole a reçu le prix Nobel il y a trois ans, les médias lui ont, pour la plupart, tressé des lauriers. Profitant de ce tapis rouge, l’économiste s’est présenté au public comme un libéral modéré. « S’il s’agit de laisser faire le marché, alors je suis anti‐libéral », a‑t‐il clamé sur plusieurs plateaux de télévision et radio.

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Pourtant, un fond idéologique beaucoup plus radical se dessine quand on examine dans le détail ses prises de positions. Avec pour mot‐clef : la marchandisation, des biens, des services, voire… de l’humain. Un raisonnement qui n’est pas sans provoquer un certain malaise – y compris dans le cercle des économistes.

Pour Jean Tirole, la morale est une ennemie du commerce des organes

Pour Jean Tirole, ce n’est pas la marchandisation qui pose problème, ce sont les réticences morales vis à vis de la marchandisation. Dans son esprit, l’extension du marché peut concerner des domaines très divers… comme le commerce des organes, pourtant prohibé. Oui, vous avez bien lu ! Sur ce sujet, Jean Tirole cite régulièrement un autre nobélisé, Gary Becker. Lequel est « un des créateurs de la théorie du « capital humain » dans sa version la plus réactionnaire, explique Michel Husson, économiste et chercheur associé à l’Institut de Recherche Economiques et Sociales (IRES). Sa démarche consiste à appliquer l’analyse économique à tous les aspects de la vie sociale, notamment le crime et la famille. Pour lui, les comportements des individus s’expliquent toujours par un calcul ».

Gary Becker avait conceptualisé un marché des organes provenant de personnes mortes mais également vivantes, allant jusqu’à évaluer le prix d’un rein ou d’un foie. Faut‐il créer un marché des organes humains ou rester au stade du don ? Sur la question, Jean Tirole n’a eu de cesse de reprendre cet argument de Gary Becker : « Les opposants au commerce des organes ne peuvent se targuer de moralité, car ce faisant, ils font mourir des milliers de personnes ». En 2011, dans un discours prononcé sous les ors de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, Jean Tirole est allé plus loin. Ce jour là, l’économiste a défendu l’idée d’inciter par de l’argent des personnes pauvres à subir l’ablation d’un organe : « Dans l’hypothèse d’école où l’on pourrait instituer un commerce bien contrôlé des organes en offrant une somme d’argent importante à des gens du tiers‐monde, il est certain que des réticences se manifesteraient toujours, alors qu’il s’agirait somme toute d’un accord commercial passé à la …

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Par Frédéric Dessort

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