Mediacités lancera fin septembre Radar, une application pour suivre l’action des mairies et des métropoles à Lille, Lyon, Nantes et Toulouse. Les lectrices et lecteurs seront au coeur du dispositif pour vérifier si leurs élu·e·s tiennent leurs (nombreuses) promesses. Notre objectif : faire progresser la transparence des institutions locales.
On y a passé tellement de temps qu’on les connaîtrait presque par coeur. Depuis quelques semaines, les journalistes de Mediacités se sont (re)plongés dans les programmes des maires et des président·e·s de métropole élu·e·s à l’été 2020. L’enjeu ? Recenser l’intégralité de leurs engagements pour vérifier s’ils seront tenus dans les six années du mandat à venir.
Au total, nous avons répertorié près de 1 300 promesses pour les huit institutions des quatre villes couvertes par Mediacités — chaque ville comptant une mairie et une métropole. Des données qui viendront alimenter Radar, notre nouvelle application pour comprendre l’action des élu·e·s à l’échelle locale.
Promesses ténues
Nous avons choisi de retenir uniquement les engagements pris par les listes victorieuses aux élections municipales et aux élections métropolitaines. Simple comme un copier/coller me direz‐vous ? Si seulement…
Prenez l’exemple de Damien Castelain : élu président de la Métropole Européenne de Lille le 9 juillet 2020, son groupe politique « Métropole Passions Communes » n’a jamais rendu public son programme. Ni sur son compte Twitter, ni ailleurs. N’étant pas élu au suffrage direct, Damien Castelain s’est contenté de remettre un document de campagne aux élus dont il briguait les suffrages, ainsi qu’à certains journalistes locaux. Ses projets ont été rédigés par une poignée de proches et n’ont fait l’objet d’aucun débat public et contradictoire.
« J’ai eu le nez creux à 1h du mat. Tout est sauvegardé en lieu sûr. »
D’autres se sont faits plus facétieux. C’est le cas de Jean‐Luc Moudenc (LR), réélu maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole. Dès le lendemain du second tour des élections municipales, le 29 juin 2020, son équipe a tout simplement rendu inaccessible son site web de campagne, où se trouvaient ses 302 engagements pour le mandat 2020–2026. C’était sans compter sur la prévoyance de notre rédacteur en chef à Toulouse, Gael Cerez, qui nous écrivait à l’issue d’une longue soirée du second tour : « Heureusement, j’ai eu le nez creux à 1h du mat. Tout est sauvegardé en lieu sûr ».
À la fin du mois de juillet, nous avions compilé l’intégralité des engagements de nos nouveaux responsables politiques locaux. Encore fallait‐il leur donner du contexte pour que les lectrices et lecteurs les retrouvent aisément sur notre future application. Nous avons ainsi attribué une thématique à chacune des promesses et une courte explication quand elles semblaient floues.
Surtout, nous avons indiqué quelle institution avait la compétence pour accomplir tel ou tel engagement. Ce que se gardent bien de détailler nos élu·e·s ! Exemple avec le programme de Martine Aubry pour la ville de Lille, qui propose « [l’]instauration de la gratuité progressive des transports en commun dès 2020 aux moins de 18 ans, étudiants, seniors, et personnes en situation de handicap »… sans rappeler que les transports sont gérés par la Métropole Européenne de Lille. Une institution dont elle n’a pas brigué la tête — préférant rallier la majorité menée par Damien Castelain, comme vous le racontait Mediacités — et qui a donc peu de chance de voter cette mesure.
Délibérés délivrés
Radar ne va pas seulement mesurer l’avancement des promesses locales. Nous allons également numériser, avec vous, les décisions actées lors des conseils municipaux et métropolitains. L’objectif ? Transformer des procès‐verbaux difficilement lisibles en des graphiques et des cartes pour comprendre ce que votent vos élu·e·s au quotidien.
Certes, les grandes villes et les métropoles publient l’intégralité des délibérations du conseil municipal ou métropolitain sur leur site web. Mais trouver la décision qui vous intéresse relève plutôt du chemin de croix. Déjà, les institutions peuvent tarder à rendre ces actes publics – par exemple, à la date du 10 septembre 2020, la mairie de Lille n’a toujours pas publié les décisions du conseil municipal du 10 juillet. Ensuite, il faut souvent naviguer sur des interfaces vieillissantes et brouillonnes pour trouver une délibération précise.
Si finalement vous y êtes parvenu·e, vous pouvez alors accéder à un fichier au format PDF aussi difficile à lire qu’une ordonnance du Conseil d’État. Autant d’obstacles qui vous font passer l’envie de connaître les positions de vos élu·e·s sur des dossiers pourtant clés pour votre vie quotidienne : subventions, marchés publics, aménagements urbains, etc.
« Rien qu’en juillet 2020, 17 conseils municipaux et métropolitains se sont tenus dans nos villes »
Comment rendre ces décisions compréhensibles et facilement accessibles ? C’est la question que nous avons posée à l’agence WeDoData, spécialisée dans le traitement et la visualisation de données complexes. Après avoir analysé des dizaines de délibérations dans nos villes, nos deux équipes sont arrivées à la même conclusion : il nous faut faire appel au public pour collecter les informations clés de ces délibérations.
Une fois ingérées dans un programme informatique fait maison, toutes ces données seront automatiquement visualisées sur des graphiques. Vous pourrez ainsi connaître, en un coup d’oeil, l’assiduité des élu·e·s, les thématiques les plus abordées dans les délibérations ou encore les quartiers les plus mentionnés dans les conseils municipaux et métropolitains.
Dans quelques jours, nous vous proposerons donc de prendre part à un chantier inédit à l’échelle locale : la numérisation des décisions prises en conseil municipal et métropolitain. Et nous avons déjà du pain sur la planche : depuis juillet 2020, pas moins de neuf conseils municipaux et huit conseils métropolitains ont eu lieu à Lille, Lyon, Nantes et Toulouse. La route vers la transparence de nos institutions locales est encore longue, mais nous comptons bien l’emprunter. Vous embarquez avec nous ?
Ce projet est juste essentiel à la démocratie locale. S’il vous plaît, trouvez un moyen (si ce n’est pas encore le cas) de rendre cette application libre (au sens du logiciel libre) ! Nous en avons toutes et tous besoin dans nos communes qui ne sont pas couvertes par vos équipe. Quitte à s’associer à des médias locaux reconnus. Merci 🙂