Pesticides en Loire‐Atlantique : colère, honte et oubli, la triple peine des victimes

[ÉPISODE 5/5] Dans ce dernier volet, nous tentons de soulever un couvercle qui résiste encore : celui qui pèse sur les victimes des pesticides. A commencer par les agriculteurs eux mêmes, plus souvent malades que les autres et confrontés à des procédures complexes, comme au tabou règnant au sein de la profession.

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Le siège de la Mutualité sociale agricole (MSA) de Loire-Atlantique, à Saint-Herblain, près de Nantes. / © Photo : Google Streetview

Cinquième et dernier épisode de notre grande enquête sur les pesticides en Loire‐Atlantique. Où l’on s’intéresse aux victimes des pesticides et notamment aux premières d’entre elles : les agriculteurs. Plus fréquemment touchés que le reste de la population par certaines pathologies (maladie de Parkinson, lymphomes, cancers de la prostate), ils doivent batailler pied à pied pour les faire reconnaître comme maladies professionnelles. Mais aussi, entre fidélité au métier et culpabilité, lutter contre le silence qui pèse encore sur le sujet au sein de la profession.

 
Épisode 5 : Colère, honte et oubli, la triple peine des victimes des pesticides
« Quand je parle de ma maladie, ça fait un blanc dans la conversation. Une fois, un collègue agriculteur m’a dit qu’on ne faisait pas d’omelette sans casser des œufs. Il y a l’idée que c’est le prix à payer pour nourrir le monde… Apparemment, j’ai fait partie des œufs à casser. » Jean‐Christophe Richard, actuel président de la Confédération paysanne (syndicat agricole minoritaire) en Loire‐Atlantique, a failli mourir d’un lymphome non‐hodgkinien (LNH) il y a vingt ans. Il avait alors 30 ans et travaillait depuis plusieurs années comme « technico‐commercial » à vendre des pesticides aux agriculteurs de Charente, de Bretagne puis de Loire‐Atlantique.

« Quand j’atteignais mes objectifs, j’étais augmenté. J’ai fini cadre », poursuit Jean‐Christophe. Jusqu’à la découverte d’une tumeur, suivie de six mois de chimiothérapie et quinze jours de coma « entre la vie et la mort ». « Mes premiers médecins ne comprenaient pas que je puisse développer ce genre de cancer à cet âge‐là. » Plus tard, « un médecin‐conseil de la MSA m’a dit “Ne cherchez pas, ce sont les pesticides”. Il l’a dit, mais ne l’a jamais écrit. A l’époque, ce n’était pas reconnu comme maladie professionnelle. Maintenant, c’est trop tard. » Alors au choc de la maladie, succède « la colère ».

« Quand je suis sorti de ma formation, je n’avais aucun doute ! On nous disait que tout était maîtrisé, testé. En fait, on était formaté. J’ai appris à mes enfants à être plus critiques, rebelles. Mais je n’ai pas honte, non. Et le garagiste qui vendait des diesels, alors ? Et le médecin qui a prescrit du Mediator ? On a tous gobé des trucs. » Après sa maladie, Jean‐Christophe a décidé de bifurquer « pour ne plus toucher de phytos ». En 2006, il s’est associé en GAEC à deux éleveurs laitiers bio. Et il a tourné la page. « Mais sans doute que j’aurais pu continuer longtemps, sans la maladie, c’est vrai. Il m’a fallu un coup de marteau sur la tête pour changer. »
« Il n’y a pas de mystères ! On sait ! C’est prouvé ! »
« C’est douloureux d’accepter l’idée qu’on n’a pas réagi assez vite, qu’on s’est laissé faire », commente Gilles Ravard, agriculteur aujourd’hui retraité à Pornic. Lui aussi a souffert de ce lymphome non‐hodgkinien, « la maladie des agriculteurs » comme lui a expliqué un ami médecin. Diagnostiqué en septembre 2017 et aujourd’hui en rémission, il a obtenu une reconnaissance de sa maladie professionnelle un an plus tard.

« Ça a été rapide, j’ai eu de la chance. La moyenne c’est plutôt trois ans. Mais il m’a fallu deux mois pour me décider à lancer la démarche. Je me disais “C’est moi qui ai choisi cette forme d’agriculture”, etc. On a quand même un …

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Par Julie Reux

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