« Cela devenait étouffant. Je pense que je l’ai toujours eu dans un petit coin de ma tête depuis toutes ces années. Et un jour, c’est une évidence, il faut que ça sorte. » Nathalie Collin, 52 ans, a accepté de revenir auprès de Mediapart sur la plainte qu’elle a déposée contre l’ancien ministre Jean‐Michel Baylet. Une nouvelle étape dans ce qu’elle considère être un « processus de libération » pour enfin admettre « qu’elle est une victime ».
Une enquête confiée à la brigade de protection des mineurs a été ouverte le 9 juin 2020 des chefs de viols sur mineur de 15 ans et agressions sexuelles sur mineur de 15 ans. D’après nos informations, confirmant celles de l’AFP, l’actuel maire PRG de Valence‑d’Agen, 74 ans, a été entendu le 25 février à Paris.
Sollicité à plusieurs reprises par Mediapart, Jean‐Michel Baylet n’a pas donné suite. Il est présumé innocent. Dans un communiqué, le propriétaire et président du groupe de presse La Dépêche du Midi a fait savoir par l’intermédiaire de son avocat Me Jean‐Yves Dupeux avoir « formellement contesté ces allégations mensongères et apporté toutes les précisions nécessaires » sur ces faits « qui se seraient déroulés il y a quarante et un ans ». « Il est ressorti libre de toute procédure judiciaire et sans mise en examen après avoir répondu à toutes les questions que l’enquêteur pouvait formuler », précise son conseil (voir notre Boîte noire).
Cette audition libre fait suite à la plainte déposée le 12 août dernier par Nathalie Collin, la fille d’Yvon Collin, ancien sénateur, longtemps très proche de Jean‐Michel Baylet avant que les deux camarades du Parti radical de gauche (PRG) se brouillent.
Interrogée ce jour‐là pendant près de quatre heures dans les locaux de la brigade des mineurs, la plaignante a relaté ses souvenirs d’enfance. Des « flashs » de ce qu’elle pensait être « une grande histoire d’amour » avec Jean‐Michel Baylet alors qu’elle avait douze ans et lui trente‐cinq. Elle explique aussi avoir mis du temps à comprendre qu’il s’agissait de « viols », selon les termes qu’elle emploie : « Au‐delà d’être l’employeur de mon père, il est progressivement devenu l’ami incontournable de la famille, l’ami de confiance, celui dont on pense que l’on n’aura jamais rien à craindre », explique‐t‐elle dans un témoignage écrit envoyé à son avocate.
Après un très long cheminement, Nathalie Collin revisite les souvenirs de cette époque. Les week‐ends passés avec Jean‐Michel Baylet, le contexte des années 1980 où, « comme ce que décrit Camille Kouchner » dans son livre‐événement La Familia grande (Seuil, 2021), tout le monde « est nu » dans un environnement « très festif ». « À ces occasions, j’étais seule avec lui. Il avait trente‐cinq ans, il n’avait pas d’enfant. Moi je n’avais que douze ans, et j’étais une enfant », expose‐t‐elle en accusant l’ancien ministre de l’avoir « régulièrement violée » lors de différents séjours qu’elle situe entre 1980 et 1984.
Elle se souvient par exemple de ces vacances qu’elle a passées en compagnie de ses parents, et en Grèce, dans la maison familiale et sur le bateau de Jean‐Michel Baylet. D’autres amis sont présents. « J’ai des souvenirs de quelques ébats dans sa chambre, sur son lit, sur le bateau », peut‐on lire sur le procès‐verbal d’audition consulté par Mediapart.
« Pour les ébats, il y avait des masturbations de lui sur moi, moi sur lui, je ne me souviens pas clairement. Il y avait des baisers. Il n’y a jamais eu de pénétration pénienne. Il m’a pénétrée avec ses doigts. J’ai des souvenirs de son lit dans sa chambre en Grèce », confie Nathalie Collin à la capitaine de police, tout en décrivant minutieusement la chambre en question. « Je pense que dans sa chambre, je devais arriver en maillot de bain mais je ne me souviens pas comment je finissais par être entièrement nue. Est‐ce lui qui me déshabillait ou moi ? J’ai l’image de moi nue et je le vois également nu », ajoute‐t‐elle.
La plaignante détaille ensuite ses vacances à Font‐Romeu (Pyrénées‐Orientales), lorsqu’elle apprend à skier et obtient ses trois étoiles. Elle se souvient d’avoir été seule avec l’ancien sénateur avant que sa sœur et son père ne les rejoignent. Elle évoque un nouvel épisode lors du trajet pour y aller avec Jean‐Michel Baylet selon les déclarations faites à la police. « Il s’était donc arrêté au bord de la route pour me caresser. Je ne sais plus s’il m’avait déshabillée en entier, je ne pense pas, mais suffisamment pour avoir accès à mon sexe. Une voiture a ralenti en passant près de nous et du coup il a tout arrêté et on est reparti. […] Je me souviens, on était parti en De Tomaso, une voiture de sport. »
Lors de son …