« Ici, c’est un luxe de prendre soin de nos enfants. » Devant l’école primaire Gabriel Garcia Lorca de Vaulx‐en‐Velin, Leïla Yahyaoui contient à peine sa colère. Un sentiment d’abandon ne la quitte plus depuis le parcours d’obstacles qu’elle a dû traverser avec sa fille, aujourd’hui âgée de 8 ans. Son récit, des dizaines d’autres familles l’ont vécu ici : un enfant qui entre en CP, des premières difficultés d’apprentissage qui s’accumulent doucement jusqu’à ce que les enseignants lui suggèrent d’aller voir un orthophoniste, puis le début de la galère.
A Vaulx‐en‐Velin, ou près de 20% des élèves souffrent de troubles du langage, seule une poignée d’orthophonistes prennent encore de nouveaux patients. Le plus souvent avec des délais d’attente à rallonge… quand il y a encore une liste d’attente. « Je suis allée frapper à toutes les portes, j’ai appelé partout. On me disait qu’il n’y avait rien avant un an, parfois deux. Pour un enfant en CP, on ne peut pas attendre aussi longtemps ! », se souvient Leïla Yahyaoui.
« Soit on laisse notre enfant couler, soit on fait des kilomètres »
Faute de mieux, la jeune femme trouve une place dans un cabinet du 3e arrondissement de Lyon. Une heure aller‐retour en voiture, presque le double en transports en commun. « J’ai trois enfants. Je faisais les trajets pour ma fille, avec les embouteillages sur le périphérique. Et en rentrant, il fallait encore donner le bain à tout le monde, faire à manger, les coucher… C’est épuisant, mais on n’a pas vraiment le choix. Soit on laisse notre enfant couler, soit on fait des kilomètres », lâche la jeune femme, qui a depuis trouvé une autre place plus près, à Décines.
200 enfants en attente
Combien d’enfants patientent ainsi à Vaulx‐en‐Velin ? Au printemps dernier, le collectif Enfants en souffrance, qui rassemble des familles, des enseignants et des professionnels du secteur médico‐social, a sondé les écoles primaires pour tenter de mesurer la pénurie. Verdict : au moins 200 enfants étaient en attente d’un rendez‐vous chez un orthophoniste au mois d’avril.
L’embouteillage concerne l’ensemble du secteur médico‐social. Toujours selon les chiffres du collectif, 87 enfants attendent une place en Services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), 25 n’avaient pas d’accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH) en milieu scolaire, 51 enfants auraient besoin d’un bilan en centre de référence des troubles du …