[POINT DE VUE] Plusieurs initiatives de collectifs et de médias indépendants émergent pour réclamer des réformes de fond : transparence des dépenses versées par les collectivités locales aux médias, réforme des aides à la presse, lutte contre la concentration de la presse... Autant de débats cruciaux à l'aube de la présidentielle.
« On ne communique pas sur les montants de nos plans médias. » Cette réponse laconique du service de presse du conseil régional Provence‐Alpes‐Côte d’Azur a eu le don d’escagasser nos confrères et consœurs de Marsactu. Ils venaient de révéler comment Karine Le Marchand devait toucher 117 460 euros de la région pour rénover la maison aixoise qu’elle venait d’acheter et en faire l’emblème de la rénovation énergique. Cette subvention, à laquelle la célèbre animatrice de L’Amour est dans le pré, sur M6, a finalement renoncé suite au tollé suscité par l’article, s’inscrivait donc dans un « plan média » d’un montant inconnu… Un contrat considéré comme classique par le conseil régional car semblable à ceux signés « au même titre avec La Provence ou tout autre média avec lequel nous travaillons ».
« Cette réponse nous semble indigne d’une démocratie », tonnent nos confrères et consœurs dans l’appel qu’ils viennent de lancer pour plus de transparence sur les aides aux médias des collectivités publiques. Mediacités s’associe d’autant plus volontiers à cette réaction salutaire qu’elle rejoint nos vieux combats. Dans notre « Manifeste pour une démocratie locale réelle », publié en amont des municipales de 2020, nous allions même plus loin. Nos doléances ? Transparence totale sur l’ensemble des subventions publiques, sur les frais des élus, établissement d’un registre des lobbys locaux, encadrement de la presse territoriale afin de garantir un meilleur équilibre entre propagande institutionnelle et information et plafonnement des dépenses de communication des collectivités.
Interdire la pub commerciale dans les journaux de collectivités territoriales
D’après un rapport de la Cour des comptes de 2013, le budget publicité et relations publiques des collectivités locales françaises s’élève chaque année à 1,5 milliard d’euros, dont un tiers pour la seule propagande territoriale. La presse de collectivités locales enfle à mesure du déclin de la presse. Les aides directes des collectivités aux médias locaux se multiplient elles‐aussi dans l’opacité totale sous des formes diverses : achats de publicités, partenariats, sponsorisation d’événements… Autant d’entailles à la nécessaire indépendance de la presse locale sur lesquelles personne ne semble s’offusquer… ou presque.
Le Spiil, Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne dont Mediacités est membre, a mis les pieds dans le plat en octobre 2019 en allant jusqu’à proposer l’interdiction pure et simple de toute publicité commerciale dans les journaux de collectivités locales. Ceci pour éviter des distorsions de concurrence avec des médias indépendants locaux mais aussi de limiter les risques de favoritisme ou de conflits d’intérêts entre annonceurs et exécutifs locaux. La mesure semble utopique et naïve ? Elle figurait déjà en bonne place dans le rapport du député Jean‐Pierre Giran de 2012 sans que rien ne se passe.
« Zemmourisation du débat public »
C’est notamment par un surplus de transparence que notre démocratie bien fatiguée se renforcera. En la matière, le bilan de la présidence Macron est bien terne. La prochaine loi sur l’organisation des pouvoirs locaux, par exemple, ne fait aucune place à la démocratisation de la vie publique alors que des avancées toutes simples pourraient être effectuées. La démocratie française se grandirait aussi à réformer de fond en comble son système inique et obsolète des aides à la presse afin de soutenir le pluralisme et la presse indépendante.
Celle‐ci se débat vaille que vaille mais souffre le plus souvent d’une grande fragilité. Dans un appel récent, 86 médias – dont Mediacités – se sont dressés face à « un système médiatique dominant qui vient de nous infliger deux mois de « zemmourisation » du débat public ». Leur credo : faire vivre une information libre et pluraliste « car elle est la condition de la démocratie » à l’heure où la presse n’a jamais été aussi concentrée. C’est aussi celui du collectif Informer n’est pas un délit, qui s’apprête à proposer quatre mesures concrètes (réforme de la loi de 1986, création d’un statut pour les rédactions, d’un délit de trafic d’influence en matière de presse…) afin de « mieux encadrer l’actionnariat des médias et éviter le piège des intérêts partisans ».
Autant d’initiatives qui, nous l’espérons, parviendront à alimenter les débats lors de l’élection présidentielle.
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