A moins de trois kilomètres du centre‐ville d’Albi, on trouve des champs, de rares maisons, une ferme, des animaux, une autre ferme. On se croirait presque en pleine campagne. Quelques mètres plus loin, on distingue des lotissements, quelques commerces, un rond‐point et des petits immeubles dont l’architecture rappelle celle des villes nouvelles érigées dans les années 1970. Ici, nous sommes à la Renaudié, un des douze quartiers de la préfecture du Tarn. Ce quartier, en situation d’enclave, se trouve à l’Est de la ville, excentré, coupé de la trame urbaine par la route nationale Toulouse‐Rodez à l’Ouest, par le Tarn au Nord, par la route de Millau au Sud et enfin par la zone industrielle de Montplaisir à l’Est. La route de Saint‐Juéry, une des plus empruntées du Tarn, très encombrée et qui génère un bruit assourdissant, constitue le principal axe structurant du quartier. C’est ici qu’un imposant complexe commercial d’une dizaine d’hectares doit voir le jour, sur des terres cultivées au milieu desquelles trône une ferme du 18e siècle. Le projet est très contesté, notamment en raison de la multiplication des zones commerciales en périphérie de la ville, qui provoque la désertification commerciale du centre‐ville.
On recense près d’un million de mètres carrés alloués aux zones commerciales périphériques dans l’agglomération d’Albi
Largement relayé dans la presse locale, nationale et même internationale, le phénomène de déprise commerciale du centre‐ville d’Albi est un fait, avec un pourcentage de vitrines vides assez important – plus de 10% selon un rapport de l’Institut pour la Ville et le Commerce et même plus de 15% si on élargit le périmètre de prospection au‐delà du secteur historique. C’est inquiétant, dans la mesure où PROCOS, la fédération des grandes enseignes, considère qu’un taux de vacance qui dépasse les 10% est « très élevé » et témoigne d’un « déclin de la commercialité ». A cela, s’ajoute une offre commerciale de plus en plus pauvre dans les quartiers anciens qui contraste avec une abondance d’enseignes aux contours de la ville. On recense ainsi près d’un million de mètres carrés alloués aux zones commerciales périphériques dans l’agglomération d’Albi, soit l’équivalent de 120 fois la taille de la principale place de la ville, celle du Vigan. Cette véritable ceinture grise symbolise le déséquilibre pointé du doigt dans un récent rapport de l’Inspection générale des finances consacré à « la revitalisation commerciale des centres‐villes » et dans lequel on apprend qu’il « ne peut y avoir de vitalité commerciale en centre‐ville sans […] un équilibre à préserver entre périphérie et centralité ». L’implantation d’un énième pôle commercial à la Renaudié semble donc totalement injustifiée dans un tel contexte.
Pire, elle risque d’aggraver une situation commerciale délicate dans et hors de la ville car si la vacance commerciale touche fortement le centre‐ville et les quartiers anciens, elle touche aussi la périphérie, avec des taux record dans certaines zones, comme à Puygouzon où près d’un tiers des cellules commerciales sont vides ou encore dans la galerie marchande du Géant Casino de Caussels qui affiche un taux comparable. Ce constat ne semble pas alerter les élus concernés. Bien au contraire car près de 10 000 mètres carrés supplémentaires alloués à des petites et moyennes surfaces de vente doivent voir le jour à proximité du Leclerc de Lescure d’Albigeois. C’est donc près de 20 hectares de surfaces commerciales qui sont actuellement en projet dans l’agglomération albigeoise.
Un projet incompatible avec celui d’autosuffisance alimentaire
Un tel projet n’est pas seulement une absurdité économique. C’est également une absurdité écologique, surtout dans une ville qui fait la promotion de l’agriculture urbaine et qui affiche sa volonté d’atteindre son autosuffisance alimentaire d’ici à 2020. Ces initiatives, portées par Jean‐Michel Bouat, 6e adjoint au maire délégué au développement durable, à l’agriculture urbaine et à l’eau ont eu un écho retentissent dans les médias locaux et nationaux. Grâce à ces mesures, l’élu entend revenir à « la vocation nourricière de la terre » en privilégiant des modes de culture biologiques, inspirés de la permaculture. L’objectif affiché est de permettre « l’approvisionnement des ressources alimentaires pour l’ensemble des Albigeois dans un rayon de 60 km ». Malgré le tapage publicitaire, les réalisations, elles, sont maigres. Concrètement, aujourd’hui, un seul maraîcher est en mesure de vendre sa production et la surface allouée au projet municipal est dérisoire, quelques hectares. Face à ce constat, une journaliste de Reporterre n’a pas hésité à qualifier le projet albigeois d’autosuffisance de « pipeau » et rappelle – en se basant sur les estimations de l’association Terre de liens– qu’il faudrait près de 18 000 hectares de terres arables à Albi pour mener à bien ses objectifs de relocalisation de sa consommation alimentaire. Malgré tout, les acteurs locaux continuent de favoriser l’artificialisation des terres agricoles et Jean‐Michel Bouat ne fait pas exception. A l’instar de ses collègues de la majorité municipale, il a soutenu fermement l’implantation de Leroy Merlin. (…) Finalement, malgré l’inutilité du projet au regard de la saturation de l’offre commerciale dans l’agglomération et l’absurdité de bétonner 15 hectares de terres arables, l’arrivée de Leroy Merlin semble inévitable.
Lire l’article complet sur le blog de Florian Jourdain, blogueur albigeois qui dénonce la multiplication des zones commerciales en périphérie de la ville et la désertification du centre‐ville de la préfecture du Tarn. Lire aussi son ancien blog, également consacré à la périphérisation de la ville, ici. |
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