8 avril 2020. Cela fait trois semaines que la France est confinée pour enrayer la propagation de l’épidémie de Covid‐19. Au conseil départemental de la Haute‐Garonne, toute la haute administration est sur le pont pour assurer la continuité des services. Chaque jour, Bertrand Looses, le directeur général des services (DGS) réunit les six directeurs généraux délégués pour faire un point sur la situation. Sa cheffe de cabinet, tout comme la responsable de la gestion de crise Covid, sont également de la partie. Soit neuf personnes au total.
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Les réunions se tiennent le matin, dans une grande salle, avec au milieu une table sur laquelle trône une « pieuvre téléphonique », un système d’audioconférence qui permet de réunir plusieurs interlocuteurs autour d’une même conversation. Certains directeurs sont présents. D’autres travaillent à distance, depuis leur domicile. « Chaque fois que quelqu’un se connectait ou se déconnectait, sa présence était signalée par un bip et une petite musique », indique un participant requérant l’anonymat.
Ce 8 avril justement, un directeur général délégué est interloqué par « un bruit parasite, incongru » lors de la réunion. « C’est bizarre, j’ai l’impression qu’il y a quelqu’un d’autre que nous à cette réunion », s’exclame-t-il. D’autres directeurs généraux assurent eux aussi avoir entendu un son similaire lors de précédentes réunions. Un doute s’installe. Quelqu’un écouterait‐il les conversations des grands directeurs du Département ?
Un directeur de cabinet très à l’écoute…
Le lendemain, le 9 avril 2020, un technicien participe à la réunion et se connecte en même temps que tous les participants. Bingo ! Il repère un numéro inconnu qui n’a pas été invité à se connecter. Quelqu’un « espionne » donc les réunions du comité de direction générale… Bertrand Looses, le DGS, est informé en direct. « Il a demandé à la personne de décliner son identité sur le champ, en lui indiquant que nous savions qu’il nous écoutait », rapporte un des participants à la réunion. Pas de réponse.
Un autre haut fonctionnaire relate la suite : « On a entendu alors un bip avec la petite musique. Quelqu’un venait de raccrocher et ce n’était aucun d’entre nous ». Le technicien extrait aussitôt le numéro de téléphone. Un des directeurs généraux le reconnaît illico. Surprise ! C’est celui d’Eric Daguerre, le directeur de cabinet du président Georges Méric.
Les participants sont médusés et scandalisés par la méthode de surveillance employée. « C’est d’autant plus incompréhensible qu’à la fin de chaque réunion, nous lui faisions – à lui et au président Méric – un compte‐rendu en bonne et due forme. Il n’y avait aucune décision sensible prise pendant ces réunions, tout était transparent », s’étonne encore ce directeur.
… Et au caractère bien trempé
Eric Daguerre occupe à ce moment‐là un rôle clé au sein du conseil départemental de la Haute‐Garonne. Comme l’a déjà raconté Mediacités, cet avocat de formation, natif d’un hameau de Cintegabelle, a été collaborateur de Pierre Cohen à Toulouse Métropole et a travaillé aux côtés de Claude Raynal. Nommé en 2015 par Georges Méric en tant que directeur de son cabinet, il est très proche de Sébastien Vincini, devenu vice‐président à l’époque et aujourd’hui président du département.
Haute‐Garonne : dans l’ombre de Georges Méric, le duo qui “tire les ficelles”
Le quadragénaire est réputé rugueux. Certains agents le qualifient volontiers de « clivant et autoritaire ». Un caractère bien trempé, dont lui‐même reconnaissait la « fermeté » dans le portrait que Mediacités lui avait consacré en avril 2019 : « Je sais qu’on parle souvent d’autoritarisme à mon sujet. J’ai souvent été capitaine au rugby et j’aime être précis et rigoureux. Mais la performance passe par le travail en équipe et la complémentarité des profils. J’assume de savoir faire preuve de fermeté, mais pas dans la contrainte ni la brutalité. »
Une démission refusée
« Daguerre veut tout savoir, tout contrôler, tout maîtriser, glisse l’une de ses connaissances. En mars 2020, avec l’épidémie de Covid, il s’est retrouvé écarté des réunions du comité de direction générale. Il n’a visiblement pas supporté cette situation, il s’est donc mis à les espionner pour que surtout rien ne lui échappe. »
D’après un habitué de ces réunions, « on a fini par établir que son téléphone s’était connecté depuis deux semaines. Il avait les codes, se branchait une demi‐heure avant et attendait que tout le monde soit parti pour se déconnecter en dernier. Si bien qu’on n’entendait jamais le bip et la petite musique qui auraient pu nous indiquer qu’il nous épiait. Il demeurait totalement invisible ». Jusqu’au fatidique 9 avril.
Les directeurs généraux délégués sont unanimes : impossible de continuer à travailler en toute confiance avec le directeur de cabinet de Méric. Bertand Looses, le DGS, lui signifie dès le lendemain qu’il n’a d’autre choix que de démissionner de ses fonctions. Eric Daguerre s’exécute et présente sa démission au président Méric. Lequel la refuse catégoriquement.
« Cette histoire, c’est un incident pur et simple. Il n’y a pas de quoi en faire tout un plat », lance à Mediacités Georges Méric, l’ancien président du conseil départemental de la Haute‐Garonne, qui poursuit : « On était en plein confinement et j’ai refusé sa démission, parce que c’était un collaborateur de talent et qu’il ne fallait surtout pas affaiblir l’institution au moment où on traversait une crise sanitaire sans précédent. » Eric Daguerre reste donc en poste.
Le dir’cab maintenu à son poste…
Aucun directeur général adjoint ne porte plainte. Le directeur de cabinet aurait pourtant pu y laisser quelques plumes… Selon l’article 226–1 du Code pénal, « est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui : En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ».
L’incident a laissé des traces, même si depuis les fonctionnaires concernés sont passés à autre chose. L’un des directeurs généraux délégués a changé de service, deux autres ont changé de collectivité, un troisième est à la retraite et une dernière est en arrêt maladie. Un seul sur les six présents en avril 2020 est toujours en place.
Qu’en pense le nouveau président du conseil départemental, figure montante du PS au niveau national, proche d’Olivier Faure et complice de toujours d’Eric Daguerre ? « Nous ne faisons pas de commentaires », rétorque à Mediacités le service presse du cabinet du président Vincini. Fin du premier acte.
… et bien placé pour remplacer l’actuel DGS
Selon l’histoire officielle, Sébastien Vincini, qui a quitté son fauteuil de maire de Cintegabelle le 13 décembre 2022 pour devenir le président du département de Haute‐Garonne, aurait informé dans la foulée Bertrand Looses de son souhait de le remplacer au poste qu’il occupe depuis 2010.
« Conformément aux règles de la fonction publique territoriale, le Directeur Général des Services dispose d’un délai maximal de six mois pour chercher un nouveau poste ou faire valoir dans ce cas précis ses droits à la retraite », détaille à Mediacités le service presse du département.
Actuellement toujours en poste, Bertrand Looses doit être remplacé « au plus tard le 1er juillet 2023 », indique la collectivité. « Dans la perspective de son remplacement, une procédure de recrutement d’un nouveau Directeur Général des Services a été engagée. Elle a donné lieu à la publication du poste et un jury de recrutement a été organisé fin janvier 2023.
Sauf que, d’après les informations recueillies par Mediacités, le départ du DGS ne s’est pas exactement déroulé comme ce scénario officiel le laisse entendre.
Le DGS chassé de son bureau
Si la procédure de recrutement a bien été lancée, avec une publication d’offre d’emploi datée du 21 décembre, le cabinet du président Vincini oublie de préciser que les jeux sont faits dès la mi‐décembre. « Le 14 décembre, soit le lendemain de l’élection de Vincini, l’ensemble des élus et leurs collaborateurs ont été informés dans l’après-midi qu’Eric Daguerre allait devenir le prochain directeur général des services, raconte une élue de la majorité. Et le même jour, il a rencontré les directeurs délégués pour les informer de sa nomination.
Bertrand Looses, lui, « a été prié de quitter son bureau pour laisser la place à Eric Daguerre qui, depuis, se comporte comme le DGS, réunit les directeurs délégués, distribue des consignes, donne des ordres », indique un haut‐fonctionnaire.
Résumons : un directeur de cabinet se fait coincer en train d’écouter à leur insu les plus hauts fonctionnaires du département. Non content de rester en poste, deux ans et demi plus tard, il est amené à prendre du galon pour remplacer le DGS qui avait demandé sa démission et donc diriger ceux qu’il avait espionnés. Et tout ça avec l’assentiment du nouveau président Vincini.
« On baigne dans une absence totale de morale, d’éthique, de respect vis‐à‐vis des agents et de Bertrand. C’est affligeant. », soupire une habituée du troisième étage – où loge la direction – du boulevard de la Marquette. Le règne de Sébastien Vincini au Conseil départemental commence très fort…
Pour mener à bien cette enquête, nous nous sommes entretenus en présentiel ou par téléphone avec dix‐sept personnes, afin de recouper plusieurs fois les faits. Ce travail s’est étalé sur trois mois. Aucun de nos interlocuteurs n’a voulu voir son nom apparaître par peur de représailles. Nous avons respecté leurs demandes.
Nous avons appelé deux fois Eric Daguerre sur son portable, nous lui avons également adressé un SMS et l’avons appelé à son bureau du conseil départemental pour lui laisser la possibilité de s’expliquer. Sans succès. Nous avons également tenté de joindre le président Sébastien Vincini en direct. Lui non plus n’a pas voulu nous répondre. Quant au service de presse du département, il ne nous a pas vraiment répondu au fond.
Ce qu’il faut retenir de cet article
- Pendant le confinement, Eric Daguerre, le directeur de cabinet de Georges Méric, a écouté clandestinement les réunions téléphoniques des responsables administratifs du Département de Haute‐Garonne.
- Une fois découvert, il a présenté sa démission, mais celle‐ci a été refusée pour « ne pas affaiblir » la collectivité, selon l’ancien président socialiste.
- Trois ans plus tard, alors que Sébastien Vincini a remplacé Georges Méric à la tête du Département, Eric Daguerre est pressenti pour remplacer le directeur général des services et prendre la main sur l’ensemble de l’administration.
Même Tambouille qu’en haut lieu. Vincini = Moudenc = Meric = FOSSOYEURS de la République et de la Démocratie. Ils crachent sur les Lois. Les baffes se perdent. Quand des contrôles de leurs fortunes ? Ils ne pas là par Hasard…
Bonjour,
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Cordialement
Gael Cérez, rédacteur en chef de Mediacités Toulouse.
Quelle honte!!!
Quelle bande de magouilleurs!!
On atteint des sommets !
Quelle moment de théâtre ! Et tout ça dans une atmosphère de testostérone à vous exploser les pecs (ndlr:toraux)
Au troisième étage sacré au bord du canal.… sûr et certain qu’on a une rangée d’urinoirs et pas une seule boîte à tampax.hi hihihi !
Vous y avez cru vous à cette démission présentée à Jojo Meric lequel la repousse l’oeil humide ?
Hihihi ! Parce que vous pensez que l’oreille du directeur de cab n’est pas branchée sur l’oreille de son maître ? On n’est pas des quiches…Si vous commencez à ouvrir les armoires d’anthologie du passé de la vie quotidienne à l’intérieur de cette copie mégalomane d’un galion des grandes découvertes, on est prêts à se régaler de vos trouvailles. Mais alors va falloir aussi ouvrir aussi les tiroirs . Tous . Et celui qui les connait bien c’est le dircab. Impossible de ne pas lui trouver un pantouflage douillet malgré son petit pêche véniel côté oreilles…La quiétude du nouveau retraité Meric est à ce prix.