« Quand il y a un point vert, c’est à démolir ». Haroun Bouadjimi, retraité de La Redoute de 75 ans, a passé près de la moitié de sa vie à l’Alma. C’est dans ce quartier du nord de Roubaix façonné à l’issue d’un long bras de fer avec la municipalité dans les années 1970, qu’il a vu grandir ses treize enfants. Au fil des relogements successifs, l’homme à la longue barbe grisonnante est de ceux qui ont vu les rues se vider, les fenêtres des immeubles être murées et le silence s’installer.
La lente agonie d’une utopie. Celle d’un quartier de briques rouges, de galeries, de coursives et de placettes qui devait favoriser le vivre‐ensemble. Mais rien ne s’est déroulé comme prévu. Avec ses grands appartements, l’Alma a accueilli les familles nombreuses les plus pauvres de la métropole, tandis que les classes moyennes sont progressivement parties. « C’est un quartier très replié sur lui‐même et gagné par l’insécurité », décrit Guillaume Delbar, maire de Roubaix depuis 2014. Le 30 juin dernier lors des émeutes consécutives à la mort de Nahel, les locaux d’une entreprise installée dans le quartier ont été pillés puis incendiés.
Pour donner un nouvel élan à l’Alma, situé à quelques centaines de mètres de la gare, du nouvel IUT, et de la future ligne de tramway, la municipalité mise sur un vaste projet de renouvellement urbain. Au programme : 133 millions d’euros pour la création d’espaces verts et d’une grande place, la mise en place de nouveaux équipements publics, la réhabilitation de 388 appartements, la construction de 93 logements et – c’est là l’épicentre des crispations – 486 démolitions.