Angres, dernier arrêt avant l’esclavage pour les migrants vietnamiens

Des centaines de ressortissants vietnamiens transitent chaque année par la commune d’Angres, près de Calais, où se situe le camp de migrants baptisé « Vietnam City ». C’est la dernière étape d’un très long périple qui conduit beaucoup d’entre eux à finir exploités dans des fermes de cannabis anglaises.

Camp_Angre
Le camp, créé en 2010, est isolé derrière des locaux techniques de la mairie d’Angres. Il compte de 70 à 150 personnes, selon les périodes. © Elisa Perrigueur

Le crépuscule tombe sur la bâtisse de briques, les lampions asiatiques rouges ondulent dans le froid, un feu éclaire le hangar adjacent. Le silence domine et ils sont pourtant une trentaine à tuer le temps sur ce site, ce 20 février. Des silhouettes à capuche se réchauffent les mains, deux hommes coupent du bois à la hache. D’autres fument autour d’un poêle dans un dortoir aux graffitis colorés où pendent les câbles électriques. Dans quelques heures, lorsque la nuit aura enrobé le bois qui touche le camp, ces hommes franchiront à pied les centaines de mètres qui les séparent de la station‐service British Petroleum (BP) en bordure de l’A26, dite « l’autoroute des Anglais ». Ces Vietnamiens tenteront, comme presque chaque nuit, de monter dans les camions garés qui rejoignent ensuite le Royaume‐Uni.

Ces locaux vétustes, situés à Angres, commune du Pas‐de‐Calais, sont connus des migrants sous le nom de « Vietnam City ». Ils n’abritent que des ressortissants vietnamiens depuis la création du camp en 2010. Rares sont ceux qui pénètrent en ces lieux isolés derrière des locaux techniques municipaux. Ce 20 février, ces hommes ombrageux sont sur la réserve. Un jeune Vietnamien souriant s’approche toutefois. Il est l’un des rares à parler anglais. Venu de la région d’Hanoï, il a mis « trois mois à traverser l’Europe » : un stop en Ukraine, en Allemagne, puis à Paris avant d’échouer dans cette commune du bassin minier de 4 000 habitants, il y a trois semaines. L’homme svelte à la capuche grise n’a pas le temps de terminer son récit, de décrire ses ambitions en Grande‐Bretagne. Un cercle se resserre autour de lui, des hommes le scrutent. Le jeune se crispe. Comme le reconnaissent les autorités, les associations et la municipalité d’Angres, les passeurs dorment à « Vietnam City » et vivent aux côtés de ceux que les réseaux surnomment leurs clients.

Basé à une centaine de kilomètres au sud de Calais, le camp d’Angres est méconnu en France. En bordure d’une usine classée Seveso, il constitue pourtant la dernière escale incontournable, avant le Royaume‐Uni, de tous les exilés économiques du Vietnam qui ont traversé illégalement l’Europe. Ils échouent ici après avoir payé un trajet 15 000 à 30 000 euros. « Ils passent généralement par la Russie où ils arrivent en avion, souligne Vincent Kasprzyk, capitaine de la brigade mobile de recherche (BMR) à Coquelles (Pas‐de‐Calais). De là, les Vietnamiens viennent ensuite par les frontières terrestres jusqu’en France. » À pied ou à l’arrière des camions, ils franchissent la Biélorussie ou l’Ukraine, la Pologne, la République tchèque, l’Allemagne puis la France avant leur destination finale.

Sur la fa …

Nous vous offrons l’accès à cet article

Et à toutes nos enquêtes pendant deux jours  !
Oui, on est généreux 😉 Mais pensez aussi à vous abonner  !

En renseignant votre adresse, vous acceptez nos conditions générales d’utilisation.
Mediacités s’engage à ne pas céder votre adresse à des tiers. En cas d’échec, écrivez à contact@mediacites.fr
  • J’accède aux 4 éditions de Mediacités (Lille, Lyon, Nantes et Toulouse)
  • Je découvre un média 100 % indépendant, avec 0 % de publicité

Attention, journal en danger !

Depuis huit ans, Mediacités propose un journalisme d’investigation sur les pouvoirs locaux et ses enquêtes ont de l’impact dans les villes. Aujourd’hui notre existence est menacée.
Soutenez la rédaction, ses journalistes et la démocratie locale :

Je soutiens Mediacités

  • en vous abonnant (69 € par an ou 7,90 € par mois, résiliable à tout moment et facilement) pour lire toutes les enquêtes
  • en effectuant un don (défiscalisable à 66%) pour soutenir le travail et assurer la survie d’un journal local indépendant, sans pub et à impact.

Publié le

Temps de lecture : 11 minutes

Favorite

Par Elisa Perrigueur (pour Mediapart)

Attention : journal en danger !
Soutenez Mediacités !

Depuis bientôt huit ans, notre journal d’investigation propose des enquêtes sur les pouvoirs locaux dans les grandes métropoles. À Lille, Lyon, Nantes et Toulouse, des dizaines de journalistes publient en toute indépendance des informations inédites qui nourrissent le débat public et produisent de l’impact.
Aujourd’hui, notre campagne de financement participatif a dépassé 75% de l’objectif. Aidez-nous à atteindre les 100% d'ici au 31 décembre !
On vous explique tout ici :

Comment soutenir Mediacités ?

D’ici au 31 décembre, chaque coup de pouce compte !

Ceci fermera dans 25 secondes