Le torchon brûle entre Bercy et les collectivités locales et c’est Bruno Le Maire qui y a mis le feu. Le 2 septembre dernier, alors que le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, n’avait pas encore été nommé, le ministre démissionnaire de l’Economie et des Finances minait déjà le terrain de son successeur en annonçant un nouveau et « sérieux dérapage des finances publiques ». Selon la note établie par les services de Bercy et envoyée aux présidents des commissions des finances du Sénat et de l’Assemblée nationale, le déficit public pourrait atteindre 5,6 % du PIB cette année au lieu des 5,1 % espérés.
Une prévision inquiétante dont Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, ministre démissionnaire délégué aux Comptes publiques, rendent les collectivités locales (régions, départements, intercos et communes) en grande partie responsables. « Le risque principal est lié à une augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités territoriales, qui pourrait à elle seule dégrader les comptes 2024 de 16 milliards d’euros par rapport au programme de stabilité 2024–2027 », écrivent‐ils.
« Mensonge populiste » et « mise en cause infondée »
Il n’en fallait pas beaucoup plus pour provoquer la grosse colère des élus locaux. Un « mensonge populiste » a immédiatement dénoncé Carole Delga, la présidente PS de la région Occitanie, tandis que Johanna Rolland, maire PS de Nantes et présidente de France Urbaine (l’association représentant les plus importantes métropoles françaises), déplorait « un honteux tour de passe‐passe de Bruno Le Maire qui se défausse sur les collectivités locales de l’échec de sa politique ».
De son côté, l’Association des maires de France (AMF), présidée par le maire LR de Cannes, David Lisnard, s’insurge contre « une mise en cause infondée des comptes des collectivités locales pour masquer la situation désastreuse des comptes de l’État qu’ils [les ministres démissionnaires] laissent derrière eux ». Si l’Observatoire des finances publiques locales (OFPL) constate quant à lui que les dépenses de fonctionnement et d’investissement des collectivités ont davantage progressé que leurs recettes, il tempère néanmoins, soulignant à la fois le « contexte d’inflation marquée », mais aussi l’augmentation des frais de personnel, due à celle du point d’indice des fonctionnaires, décidée par le gouvernement.
Reste, quoi qu’il en soit, qu’un hypothétique déficit des collectivités locales de 16 milliards d’euros (le chiffre de Bercy est contesté par les élus) ne pèserait pas bien lourd en regard de celui de l’État (173 milliards en 2023). Pour autant, la polémique a le mérite de mettre la lumière sur une question peu connue : le manque de fiabilité des comptes des collectivités.
Manque de contrôle et opacité
Dans une tribune parue dans Le Monde lundi 9 septembre, la chercheuse Marie Caussimont (maître de conférence à la Toulouse School of Management) rappelle en effet qu’à la différence des entreprises, des associations, des hôpitaux ou des universités, les collectivités françaises ne sont pas tenues de faire certifier leur comptes par une autorité externe et indépendante. Et que « l’affichage de (leur) réelle situation …