C’était d’abord oui. Ça a ensuite été « oui mais pas de suite », puis « oui mais pas tout de suite et pas trop restrictif », et c’est finalement… « tout ça pour ça ». L’épineux dossier de la ZFE‑m, pour « zones à faibles émissions mobilité » de la métropole européenne de Lille (MEL), trouvera son terme lors du prochain conseil communautaire, le 18 octobre.
Sébastien Leprêtre, maire de la Madeleine et vice‐président chargé des transports se verra contraint de danser sur des charbons ardents puisqu’il devra, au cours de la même soirée : faire valider une nouvelle concession de service public à Ilévia pour le métro (dans le contexte hautement inflammable que l’on sait), et s’expliquer sur les contours d’une ZFE… réduite à peau de chagrin.
Seulement 6 290 véhicules concernés… et plus aucun dès 2027
De la promesse de campagne de Damien Castelain et Martine Aubry en 2020, il ne reste rien, ou presque. « Le scénario de déploiement finalement retenu concernera uniquement les véhicules Non Classés [immatriculées avant le 31 décembre 1996 et interdits par la loi à compter de 2025 ndlr.] », peut‐on lire dans le projet de délibération que soumettra M. Leprêtre. Ceux‐ci représentent seulement 6 290 véhicules sur le périmètre des 95 communes de la MEL. Il est d’ailleurs à noter que les véhicules de plus de 30 ans sont considérés comme des voitures de collection. Conséquence : à partir de 2027, plus aucun véhicule ou presque ne sera concerné par la ZFE.
Pour justifier cette décision, le vice‐président pourra se retrancher derrière la consultation électronique menée entre le 21 mai et le 21 juillet 2024. Sur les 856 réponses recueillies, 115 métropolitains (13 %) s’étaient prononcées pour l’interdiction des véhicules diesel mis en circulation avant 2006 (Non Classés et vignettes Crit’air 5, immatriculés avant le 31 décembre 2000 et 4, immatriculés avant le 31 décembre 2005), quand 376 (44 %) disaient refuser purement et simplement la ZFE et 175 (20 %) s’exprimaient en faveur du scénario dit « Territoire de vigilance » (interdiction des Non Classés uniquement).
Zone à faibles émissions : la métropole lilloise enclenche la marche arrière
Pourtant, l’hiver dernier, lorsque les métropolitains avaient déjà été interrogés sur cette même ZFE, mais cette fois avec seulement deux options – l’exclusion des seuls véhicules Non Classés, ou l’exclusion des Non Classés, des Crit’air 5 et des Crit’Air 4, c’est l’option la plus restrictive qui avait été plébiscité (à 62 %).
Un projet plombé par les maires de la MEL
En vérité, ce sont – à en croire le projet de délibération ainsi que M. Leprêtre dans La Voix du Nord – surtout les communes de la MEL, dont l’avis a été sollicité entre le printemps et l’été 2024, qui ont acté cette version parfaitement indolore de la ZFE. Sur les 95 communes de la métropole, 38 ont émis un avis défavorable, 33 un avis favorable, 9 se sont abstenus et 15 n’ont pas jugé utile de répondre, peut‐on apprendre dans la délibération. « Les résultats de cette consultation amènent à conclure à l’absence d’acceptabilité à ce stade de la ZFE‑m initialement envisagée », conclut l’exécutif métropolitain.
Mais de quelles communes s’agit-il ? Et fallait‐il donner le même poids aux communes rurales qu’à la couronne lilloise où plus d’une dizaine de pics de pollution sont à déplorer chaque année, ou bien Roubaix, qui concentre le plus important nombre de véhicules polluants ? Ces questions, nous aurions aimé les poser, mais comme de coutume, la MEL n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Un effet négligeable sur l’amélioration de la qualité de l’air
« Avec un scénario comme celui‐là, il ne faut pas escompter des gains extraordinaires en matière de pollution », a reconnu, auprès de La Voix du Nord, le vice‐président aux transports. Et pour cause, limiter la circulation des véhicules polluants, vise à les empêcher de libérer dans l’atmosphère les microparticules PM 10 et PM 2.5 ainsi que les oxydes d’azote (NOx), des polluants particulièrement dangereux pour la santé.
Dans la MEL, le transport routier est responsable de 58,6 % des émissions de NOx, 33 % des émissions de PM 10 et 29,2 % de PM 2.5. Selon les projections présentées dans le projet de délibération, les contours de la ZFE tels que s’apprête de les acter la MEL ne pourront viser qu’une diminution de 5% des émissions de NOx et de de 1% des particules fines (PM10 et PM2,5).
« La MEL a elle‐même créé les conditions d‘une ZFE inacceptable, en optant pour un périmètre insensé et en se contentant d’un simulacre de concertation. L’exécutif a abandonné l’ambition portée par Christiane Bouchart au précédent mandat, et toute politique robuste de santé environnementale. » a fustigé le groupe d’opposition écologiste (MECS) dans un communiqué.
On notera au passage que lors de la consultation du printemps et de l’été 2024, plus de 100 contributeurs avaient mis en avant « le manque de transports en commun » et « leurs tarifs élevés » pour refuser cette ZFE considérée comme injuste socialement.
Encore une fois, un manque de communication. Comment peut il y avoir eu si peu d’avis donnés par rapport à la population ? Pourquoi rien n’a été fait depuis des années ? Pourquoi à t’on construit tous ces bureaux au même endroit, sûrement en imaginant que les employés y viendraient tous en transport en commun ? Maillage insuffisant, trains et gare saturés, métro toujours pas doublé… Quand on voit les autoroutes saturés de véhicules, il aurait peut être fallu réfléchir à répartir les pôles d’emplois. Quant à interdire les véhicules Critair 4 et 5, ça aurait privé une grande partie de la population de circuler. Qui pense que des personnes de 65 70 ans vont changer de véhicule alors qu’ils roulent peu, que celui qu’ils ont n’a pas beaucoup de kilomètres ? Comment la Mel aurait vérifié qu’ils étaient des petits rouleurs ?