Coupes budgétaires de Christelle Morançais : les dessous de l’enquête participative de Mediacités

L’Hôtel de Région des Pays de la Loire à Nantes. Photo Thibault Dumas. Montage Antony Torzec
L'Hôtel de Région des Pays de la Loire à Nantes. Photo : Thibault Dumas. Montage : Antony Torzec

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Par Antony Torzec

Faute d’avoir les éléments chiffrés de la part du conseil régional des Pays de la Loire, nous avons lancé un appel aux structures touchées par les baisses de subventions décidées par la présidente. Résultat : un tableau recensant près de 200 organismes, privés d’aide régionale en 2025. Et l’inventaire des conséquences financières et sociales ne fait que commencer…

«L’investigation sans concession » n’est pas qu’un slogan. À Mediacités, c’est même notre colonne vertébrale, notre raison d’exister dans le paysage médiatique local et national. Évidemment, pour coller à cette exigence et fournir aux lecteurs ces informations que d’autres ne voudraient pas qu’ils connaissent, il faut se détacher des communiqués, des conférences de presse et de tous ces outils fournis clés en main par les professionnels de la com’. Il faut aussi savoir passer par la fenêtre quand la porte menant à une information d’intérêt public reste fermée. 

Depuis l’annonce du plan d’économies de 100 millions d’euros sur le budget 2025 de la Région des Pays de la Loire, c’est ce que font les journalistes de Mediacités Nantes. Alors que le gouvernement de Michel Barnier lui imposait une ponction de 40 millions d’euros au nom du rétablissement des comptes publics, la présidente (Horizons) Christelle Morançais a promis « d’aller en chercher » 60 millions de plus l’an prochain. Le 17 octobre dernier, depuis la tribune de l’hémicycle régional, elle déclarait ainsi : « C’est un effort inédit, important, exigeant, mais c’est un effort indispensable et salutaire. » Sans donner plus de détails sur les coupes budgétaires envisagées ni sur leurs conséquences.    

Le silence de Christelle Morançais

Dans la foulée, la quasi‐totalité des structures partenaires de la Région recevait une lettre type signée d’un(e) vice-président(e) du conseil régional et se concluant par ces mots : « Nous nous trouvons dans l’obligation de réviser et de prioriser l’ensemble de nos politiques publiques, mais aussi de renoncer à la plupart de nos partenariats, dont malheureusement la subvention à [nom de la structure]. » Une douche froide pour les associations, les réseaux, les chambres consulaires, etc, touchés par ces coupes budgétaires brutales, dont certains avaient déjà reçu l’assurance informelle de l’attribution de leur subvention. 

Combien de structures sont‐elles concernées par ces mesures inédites ? À quelle hauteur ? Avec quelles conséquences financières et sociales ? À ces questions, Mediacités n’a pas obtenu de réponses de la part du conseil régional. Nos confrères et consœurs des autres médias locaux n’ont pas été plus heureux. Au point que cette rétention d’informations et ce manque de transparence sur l’utilisation de l’argent public ont dû être dénoncés par les syndicats de journalistes et le club de la presse de Nantes, dans un communiqué commun.

Recensement des structures touchées

Puisque Christelle Morançais ne voulait pas rendre publiques ses coupes claires dans les subventions, Mediacités a lancé, le 28 novembre, un appel aux structures touchées. Dans un article intitulé « La liste des coupes budgétaires de la région Pays de la Loire », nous avons dévoilé les premiers éléments en notre possession et invité les organismes privés d’aide régionale à nous communiquer leur budget, le montant de la subvention de la Région, la hauteur de la baisse et les conséquences de cette suppression. 

 

Une enquête participative qui porte ses fruits

À ce jour, une cinquantaine de messages sont arrivés sur la boîte mail de la rédaction nantaise. S’accompagnant le plus souvent de remerciements chaleureux pour avoir lancé cette enquête participative. Après vérification, ces informations sont ensuite intégrées dans notre tableau des coupes budgétaires et s’ajoutent à celles recueillies par d’autres biais. 

Au 12 décembre, notre tableau participatif recense près de 200 structures, pour un montant total de subventions supprimées de plus de 13 millions d’euros. Nous sommes donc encore loin du compte. Si vous êtes concerné, n’hésitez pas à nous en faire part en écrivant à nantes@mediacites.fr

Au‐delà des chiffres, ce sont surtout les conséquences sociales importantes qui interpellent : une inquiétante incertitude sur le devenir des structures, des emplois supprimés et même des activités abandonnées dans les secteurs de la culture, du sport, du social, de l’économie, etc. Un véritable choc pour les dirigeants et les bénévoles, soucieux de la continuité des services publics locaux.

Conséquences concrètes

« Le public éloigné de la culture va perdre des opportunités », écrit l’un. « On risque une perte du dynamisme culturel et de rayonnement du territoire, y compris à l’échelle européenne », s’inquiète un autre. « Il faut s’attendre à une dégradation de la santé des ligériens et une augmentation des coûts de santé », ajoute une troisième. Quelques exemples de ce qu’on peut lire dans les retours des organismes touchés par ces coupes.

Mené par Mediacités avec les structures concernées, ce travail de recensement n’a pas pour but de porter un jugement sur une politique publique régionale assumée par une majorité élue démocratiquement. Cette ligne politique de Christelle Morançais est partagée par une partie de la société (dont des lecteurs(trices) de Mediacités). Contrairement à ce que sous‐entend la présidente de Région dans ses tribunes ou dans ses tweets, le seul objectif des journalistes se limite à porter à l’attention des citoyens des informations d’intérêt public. Tout comme les conséquences directes des politiques publiques sur le territoire.

Extrait du document de campagne de Christelle Morançais
Extrait du document de campagne de Christelle Morançais (2021)

Des promesses de campagne bafouées

Alors, bien sûr, nous pouvons comprendre que ce travail énerve du côté de l’hôtel de Région. Et pour cause : il met aussi en évidence la trahison des promesses électorales de la présidente de Région. Dans son programme de 2021, la candidate Morançais déclarait ainsi : « La culture, le sport et la solidarité sont essentiels à nos vies. Nous soutenons nos artistes, sportifs, libraires, réalisateurs… et nos 700 000 bénévoles qui font vivre et rayonner nos territoires. Nous avons été aux côtés de nos festivals, nos clubs et nos associations dès le début de la crise [Covid]. Et nous nous battrons pour les aider à se relever ! ».

La candidate de l’union de la droite et du centre annonçait même la tenue d’un « plan Marshall » de la culture et du sport. Dans son livre de campagne, Aimer et agir (qui a soudainement disparu de son site internet de campagne mais dont Mediacités avait fort heureusement conservé un exemplaire), Christelle Morançais écrivait même noir sur blanc : « Les années qui viennent seront consacrées, en priorité, à la reconstruction et à la consolidation de notre tissu associatif. » Ou encore : « Nous amplifierons nos efforts pour amener la culture là où elle n’est pas assez présente. » Des promesses qui résonnent douloureusement aujourd’hui dans les associations ligériennes et qui ne peuvent que dégrader la crise de confiance dans la politique.

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  • Très bien et merci pour votre travail.

    Mais pourquoi simultanément dénoncer « cette rétention d’informations et ce manque de transparence sur l’utilisation de l’argent public », et publier, en même temps, dans ce tableau, des chiffres de structures (Mission Locale, Angers Nantes Opéra, FRAC…) qui, elles aussi, ne communiquent pas leur budget ? Au‐delà d’un deux poids deux mesures, la prise en compte réelle de l’impact de la réduction des subventions ne peut s’apprécier qu’au regard de proportions.

    D’ailleurs, une colonne « % de la subvention régionale 2024 dans le budget total » pour chaque structure aiderait à la lisibilité et l’appropriation des données par les lecteurs et citoyens. Chacun mesurera que devoir baisser ses dépenses de 0,78% (SAMOA) ou de 49% (revue 303) n’a pas grand‐chose à voir.

    • Bonjour,
      Merci beaucoup pour vos remarques.
      Tout à fait d’accord avec vous pour la colonne « % de la subvention régionale dans le budget total ». Nous avons modifié le tableau en ce sens.
      Sur la question des « trous » dans le tableau concernant le budget total, il s’agit surtout d’un délai dans la communication des informations. Nous mettrons à jour le tableau dès qu’elles nous parviendront.
      Bonne journée.

  • Bonjour,
    Pour Stéréolux, 76000€ de subvention en moins à rapporter à 130 000 spectateurs par an, cela pourrait aisément compensé par une augmentation de 60 centimes d’euro des tickets d’entrées …, c’est à dire par grand chose.…