Osama Ahmed serre fort ses mains, les relâche pour mieux les serrer fort de nouveau. Le geste est répété en boucle. Les traits de son visage sont marqués, les yeux cernés. « Je ne dors que quelques heures par nuit ces derniers jours », explique‐t‐il, tandis que son corps est régulièrement pris de tremblements. Et d’ajouter, presque en s’excusant : « Je tremble ainsi depuis le naufrage. »
Osama est un des rescapés du naufrage survenu au large de Calais le 23 octobre dernier. Officiellement, cet incident a fait trois victimes. Pourtant, dans les jours qui ont suivi, des alertes lancées par des proches ou des associatifs ont révélé que le bilan était beaucoup plus lourd et qu’au moins treize personnes étaient portées disparues. Parmi elles, Ahmed Ahmed, le père d’Osama.
Le Syrien de 20 ans, originaire d’Alep, garde en mémoire tous les détails de cette terrible nuit : « L’embarcation se trouvait à environ deux ou trois kilomètres des côtes quand un des flotteurs a explosé, raconte Osama, alors que tout le monde est tombé à l’eau. » Son père et lui s’accrochent comme ils le peuvent à l’épave du zodiac, environ une heure durant, tentant de survivre avec des dizaines d’autres naufragés au milieu des eaux glaciales du Channel. « À un moment, on a été séparés, mon père s’est retrouvé de l’autre côté du pneumatique, je ne le voyais plus, je ne l’entendais plus », souffle Osama. Il n’a, depuis ce moment‐là, plus jamais eu de nouvelles de son père.
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Osama et quarante‐sept autres naufragés sont secourus au cours d’une opération de sauvetage coordonnée par le Cross Gris‐Nez. Nulle trace d’Ahmed parmi les rescapés. « J’ai aussi vu les sauveteurs récupérer les corps de trois personnes noyées », se souvient le jeune Syrien. Il perd connaissance peu de temps après sur le bateau de sauvetage et se réveille plusieurs heures plus tard à l’hôpital, les jambes couvertes de brûlures chimiques causées par le mélange d’eau de mer et de carburant issu du moteur du zodiac.
À sa sortie de l’hôpital, Osama est accueilli par les bénévoles de la maison Margelle, lieu d’accueil citoyen qui offre un répit aux migrants présents à Calais. Cela lui évite ainsi de retourner vivre à la rue. Il n’a alors qu’une idée …