Garantir la fiabilité de l’information et préserver la démocratie à l’heure de l’IA générative

[TRIBUNE] À l’occasion du Sommet international pour l’action sur l’intelligence artificielle des 10 et 11 février, cinq syndicats d'éditeurs de presse formulent trois conditions pour préserver une information fiable à l’heure de l’intelligence artificielle générative.

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Image d'illustration : Photo de Markus Winkler sur Unsplash

Les services d’intelligence artificielle générative s’imposent à une vitesse fulgurante dans la recherche d’informations, répondant de plus en plus directement aux usagers, sans renvoyer à la source. Ce faisant, ils se substituent aux médias, mais sans leur cadre déontologique.

Pour délivrer une information fiable, l’IA générative doit pourtant disposer de sources qui le sont. Ce travail de recherche, de vérification et de contextualisation, ce sont les médias d’information, dans toute leur diversité et leur pluralisme, qui le réalisent quotidiennement, grâce à des journalistes professionnels qui respectent un cadre déontologique. Dès lors, la fiabilité et la richesse de l’IA générative en matière d’information ne peut se construire sans les médias, dont le pluralisme, inscrit dans la constitution, est l’un des socles de la démocratie.

À l’occasion du Sommet de l’IA, nous, organisations de médias d’information qui employons plus de 25 000 journalistes, appelons donc les pouvoirs publics à imposer un dialogue structuré entre les opérateurs d’IA générative et les médias. Nous posons trois conditions pour établir une coopération garante d’une IA générative performante et fiable respectant les producteurs d’information dans leur diversité et leur pluralisme.

Respecter le choix des éditeurs et mettre fin au pillage

La première condition est le respect du choix des producteurs d’information d’alimenter ou non l’intelligence artificielle. Nombreux sont les acteurs qui ont exprimé, comme le permet la loi, leur opposition aux opérations de fouille de textes et de données à des fins d’entraînement des modèles. Pourtant, les robots « crawlers » font régulièrement fi de cette opposition. Ces violations systématiques de la propriété intellectuelle des éditeurs et des journalistes doivent cesser. À cette fin, nous proposons de substituer au système actuel d’opposition volontaire (opt‐out) des éditeurs, qui n’est pas respecté, un système d’autorisation préalable expresse (opt‐in).

Ce choix permettra de revenir à une application normale du droit de la propriété intellectuelle protégé par de nombreux traités internationaux.

Garantir la traçabilité des sources d’information

La seconde condition est d’assurer la transparence des sources de l’information. Les usagers doivent pouvoir identifier les producteurs originaux de l’information pour s’assurer de sa fiabilité et approfondir leur connaissance du sujet. De même, les médias doivent être informés de la reprise de leurs contenus afin de pouvoir en exiger les contreparties financières, comme cela s’est toujours pratiqué.

S’acquitter des droits d’exploitation des contenus

La rémunération des ayants droit, pour utiliser leur contenu, constitue, en effet, la troisième condition d’une coopération, dans le cadre d’un marché de licences fondé sur leurs droits de propriété intellectuelle. L’exploitation sans contrepartie des contenus produits par les médias d’information, qui constitue une captation unilatérale de leur valeur, menace leur modèle économique. Un tel scénario conduira rapidement à l’extinction des ressources indispensables à l’alimentation d’une IA générative fiable.

L’instauration d’un schéma de rémunération est rendue d’autant plus impérieuse que les services d’IA générative pourraient ne plus renvoyer vers les sites des éditeurs de presse, contrairement aux moteurs de recherche classiques. Il en résultera une chute du trafic des médias d’information qui obérera leurs revenus publicitaires de manière drastique. Le risque, à terme, est la substitution de la presse par les IA.

Ces trois mesures sont les conditions minimum pour garantir des services d’IA générative fiable et le pluralisme de la presse nécessaire à la démocratie. Alors que l’IA permet le meilleur et le pire, comme la désinformation, s’appuyer sur une presse robuste produisant une information sourcée, vérifiée, contextualisée, grâce à des journalistes respectant un strict cadre déontologique, n’est pas une option.

Nous demandons donc aux pouvoirs publics d’être les garants de cette juste coopération, et appelons de nouveau les opérateurs d’intelligence artificielle générative au dialogue.

Les signataires : Spiil (Syndicat de la presse indépendante en ligne [dont Mediacités est membre]), Alliance de la presse d’information générale, Fédération nationale de la presse d’information spécialisée, Geste (Groupement des éditeurs de service en ligne) et Syndicat des éditeurs de la presse magazine.

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