L’entreprise préférée des Français n’est pas aussi regardante qu’elle le prétend sur les pratiques de ses sous‐traitants. C’est ce qui ressort d’une enquête menée pendant un an par le media d’investigation Disclose, en partenariat avec l’émission Cash Investigation.
Une source interne à Decathlon a transmis à nos confrères un fichier ultra sensible contenant la liste de tous les fournisseurs de l’enseigne à travers le monde avec indication du pays d’origine, du chiffre d’affaires et du rapport d’audit. Cela leur a permis de remonter la chaîne d’approvisionnement de la multinationale du sport et d’en dévoiler les côtés les plus sombres.
Nos confrères ont ainsi découvert que la société Jifa, deuxième fournisseur chinois le plus important de Decathlon, a recours au travail forcé des Ouïghours, une minorité musulmane de l’ouest de la Chine persécutée par Pékin. C’est notamment le cas dans une usine du Xinjiang, la province d’origine des Ouïghours, où des paysannes sont enrôlées de force et où travaillent également des élèves d’un lycée professionnel. Mais c’est aussi le cas à des milliers de kilomètres de là, dans une usine du Shandong, une province de l’ouest de la Chine, où les travailleurs ouïghours arrivent dans le cadre d’un programme subventionné par l’État chinois.
Autre découverte : les vêtements de certaines sous‐marques de Decathlon contiendraient du coton originaire du Xinjiang, où les accusations de travail forcé sont légion. Mais le mieux, pour en savoir plus, reste de regarder l’enquête vidéo réalisée par Disclose.
En se rendant sur le terrain, dans une usine de Jifa dans le Shandong, les équipes de Cash investigation ont par ailleurs découvert qu’une jeune fille de 12 ans y travaillait. Ce nouvel élément sur les pratiques douteuses du sous‐traitant de Decathlon est également abordé dans cet article très complet de Disclose.
Les secrets de la machine à cash de Decathlon
Dans le premier volet de cette enquête à épisodes, publié la semaine dernière, nos confrères se sont penchés sur le secret des prix bas de la multinationale française du sport. Des tarifs qui lui ont permis de dégager un bénéfice net de 931 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 15,6 milliards d’euros en 2023 et de reverser l’année dernière un milliard d’euros de dividendes à son actionnaire majoritaire, l’Association familiale Mulliez.
Ils sont allés pour cela au Bangladesh, pays pauvre d’Asie du Sud, où Decathlon a choisi de faire fabriquer une partie de ses chaussures et de ses vêtements de sport. L’enseigne française y sélectionnerait les sous‐traitants qui paient les salaires les plus faibles, comme la firme « ultra low‐cost » Edison Footwear.
Celle‐ci fabrique par exemple la paire de basket Kalenji Run 100. Vendue 13 euros en France, elle est achetée par Decathlon deux fois moins cher, soit 6,17 euros pour le modèle femme et 6,41 euros pour la version homme, selon Disclose. Pendant ce temps là, toujours selon les calculs du média d’investigation, un salarié d’Edison Foo gagne l’équivalent de 87 euros par mois. Le tout pour 10 heures de travail quotidien, 6 jours par semaine. Et seulement 13 jours de congés payés par an. De véritables « forçats du textile », selon Disclose. Des révélations à retrouver en détails de cette première enquête.
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