La mairie va financer une série de tests dans les jardins privés à proximité de l’usine de batteries au plomb Exide à Lille-Sud. Objectif : obtenir une redéfinition du périmètre ainsi que du seuil ouvrant le droit à une prise en charge des travaux de dépollution.
"Y a‑t‐il du plomb dans notre jardin ? » Dans les prochains mois, tous les foyers volontaires résidant aux abords de l’usine de batteries Exide Technologies, rue du Faubourg d’Arras à Lille‐Sud pourront être fixés. Lors du conseil municipal du 7 février, les élus locaux ont voté à l’unanimité le financement – pour un montant de 19 000 euros – d’une série de tests.
L’objectif de la Ville est d’analyser 300 jardins privés, et de présenter ensuite les résultats aux services de l’Etat afin d’obtenir une révision du périmètre de la « zone Exide » ainsi que du seuil de plomb à dépasser pour bénéficier d’une prise en charge de travaux de dépollution par l’industriel.
À Lille, Exide Technologies intoxique les habitants en toute discrétion
Une série de prélèvements déjà menée à l’été 2024
À l’été 2024, les conseillers municipaux Lille Verte ainsi que les membres de l’association Après ! (Association de Protection de l’Environnement et de défense des riverains du Sud lillois contre les pollutions industrielles) avaient déjà mené 94 tests. Comme Mediacités l’a déjà raconté, ceux‐ci avaient révélé des taux de plomb dans les sols jusqu’à 15 fois supérieurs au seuil d’alerte fixé par le Haut Conseil de la Santé Publique… sans pour autant ouvrir le droit à un paiement par Exide.
« Actuellement, dans la « zone Exide » (606 parcelles à proximité de l’usine) vous avez deux catégories de riverains, résumait le conseiller municipal écologiste Frédéric Louchart lors de la conférence de presse de présentation des résultats, en septembre dernier : ceux dont le jardin présente un taux de plomb supérieur à 1 000 milligrammes par kilo de terre et qui peuvent demander une dépollution, et ceux qui sont en dessous, qui ont toutes les contraintes sur les bras – dévaluation de la valeur de leur maison, interdiction de cultiver leur jardin, etc. -, sans aucun avantage. Cette situation n’a aucun sens. »
Selon un décompte effectué en 2023 par la préfecture « 54 % des parcelles [situées dans la zone Exide] n’avaient pas fait l’objet d’analyses par refus des riverains ou absence de réponse aux demandes de la part de l’exploitant. » On peut au passage ajouter une troisième catégorie de riverains : les habitants de maisons situées en dehors de la « zone Exide » et qui, quel que soit le taux de pollution de leur jardin, ne peuvent bénéficier d’aucune prise en charge de travaux.
Une « zone Exide » et un seuil de dépollution déterminés arbitrairement
Interrogée à ce sujet par Mediacités en septembre dernier, la préfecture du Nord évitait soigneusement de préciser selon quels critères le périmètre de la « zone Exide » avait été tracé. Elle se bornait à nous indiquer que le seuil de 1 000 milligrammes de plomb par kilo de terre « n’est pas un seuil sanitaire mais un seuil de dépollution des “points chauds” ». Au micro de France 2 en décembre 2023, la secrétaire générale adjointe de la préfecture du Nord s’était montrée plus prolixe en détaillant que ce seuil avait été déterminé de manière arbitraire afin que les opérations de dépollution ne soient pas trop coûteuses pour Exide…
Quand on sait que les travaux de décaissement des jardins ainsi que de traitement des sols pollués coûtent plusieurs dizaines de milliers d’euros par are de terrain [un carré de 10 mètres sur 10], la question du coût sera centrale. Tout comme cela avait été le cas avec MetalEurop, Exide est un pollueur défaillant financièrement. D’où la nécessité de création d’un fonds d’indemnisation des victimes de dépollution. Un vœu en ce sens a été voté au cours du même conseil municipal.
Passe d’arme entre Martine Aubry et les Verts lillois
« Ce qui est intéressant dans la démarche, c’est qu’avec cette analyse scientifique précise et le nombre de relevés qui seront réalisés, les résultats ne pourront pas être remis en question, se réjouit Anne Delvigne, propriétaire d’une maison avec jardin située à quelques centaines de mètres du site industriel et présidente de l’association Après!. Ça prouvera une dernière fois que le périmètre et le seuil choisis par la préfecture n’ont aucun sens ».
Alors que l’adjoint au maire Jacques Richir a tenu à souligner, au moment du vote de la délibération, la « parfaite concertation » entre la majorité socialiste et les élus d’opposition écologiste « dans l’intérêt général des habitants du secteur », Martine Aubry n’a pas eu la même appréciation. Après que l’écologiste Julie Nicolas s’est réjouie d’une « première victoire », qu’elle voit comme « l’une des plus belles démonstrations de l’utilité et du rôle essentiel d’opposition constructive », la maire de Lille a laissé s’exprimer son agacement.
« C’est assez curieux de se voir reprocher d’essayer d’attirer la lumière sur soi, alors que les élus d’opposition sont justement ceux qui travaillent dans l’ombre »
« Ça fait plus de quinze ans – vous n’étiez pas là, mais il y avait des collègues à vous, qui ne s’occupaient pas de ce dossier – que nous travaillons sur le dossier Exide, a lancé Martine Aubry. En quoi est‐ce gênant pour un élu [d’opposition] de reconnaître qu’un travail a été fait ? Vous préférez dire “on est heureux, c’est nous qui, c’est nous que, merci le professeur machin ». Pourquoi vous n’êtes pas capables de dire : on est d’accord, merci de faire cette étude aujourd’hui ? »
« J’ai trouvé cette réaction très violente, témoigne Julie Nicolas, auprès de Mediacités. L’intention de notre intervention n’était pas de dire que rien avait été fait, c’était de souligner que c’était historique, qu’il s’agissait d’une évolution notable de l’action publique. C’est assez curieux de se voir reprocher d’essayer d’attirer la lumière sur soi, alors que les élus d’opposition sont justement ceux qui travaillent dans l’ombre, qui ont de toutes petites indemnités », ajoute‐t‐elle.
« En tant qu’habitante, je n’ai rien vu en dix ans de la part de la mairie de Lille en actions concrètes. Je ne doute pas qu’il y a des réunions et des échanges avec la préfecture, mais ça ne redescendait pas vers les habitants, juge Anne Delvigne. On n’avait pas vu d’avancées. Là, force est de constater qu’avec les tests du professeur Alex Van Geen et la conférence de presse, les choses ont bougé. »
Alors que l’association Après ! assure veiller à « ne pas être instrumentalisée » à des fins politiciennes, Martine Aubry a accusé le groupe écologiste d’avoir « créé une association pour avoir des clients ». Dans le même temps, les services de la Ville de Lille ont fait savoir au collectif de riverains créé il y a deux ans qu’ils souhaitaient les subventionner.
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