La ville de Saint‐André, 12 500 habitants en bordure de Lille, ne s’attendait probablement pas à voir émerger une liste citoyenne aux élections municipales de 2014. Il faut dire que le groupe d’habitants porteur d’une démarche participative s’est déclaré tardivement, moins de 2 mois avant les élections. Le moteur de cette initiative ? L’envie de faire entendre le besoin de dynamisme, de vision pour la ville, d’ambition pour le futur, et surtout de la nécessité de faire participer les habitants à la construction des décisions. La liste « Saint‐André, tous acteurs de notre ville » a recueilli 11 % des suffrages et un élu (Loïc Lebez). Avec un taux de participation en baisse de 10 points (65% en 2008, 55 % en 2014), la majorité des suffrages s’est porté sur le candidat de centre‐droit Olivier Henno, élu depuis 2001.
Si en 2020, l’idée de présenter des listes citoyennes fait son chemin, en 2014, à Saint‐André, cela ressemblait fort à un véritable OVNI politique, à une démarche complément hors cadre. À Saint‐André, la liste citoyenne, par nature hors clivages politiques, portait l’espoir de pouvoir travailler en bonne intelligence avec la majorité municipale. Cet espoir a été de courte durée : l’attitude du maire (devenu depuis sénateur) et de quelques adjoints n’ont pas permis de dépasser la vision binaire majorité/opposition, même si nous répétons et démontrons à l’envi être dans une démarche de construction. Plusieurs expériences démontrent la difficulté à nouer un dialogue et à travailler en bonne intelligence avec ceux qui vivent de la politique.
Premier exemple : la démocratie participative, une case à cocher ?
Pour répondre à l’émergence de notre mouvement, la majorité a inclus dans son programme l’idée d’un « Conseil citoyen ». Il fallait cocher la case « démocratie participative » même si pour la majorité, l’ambition sur le sujet n’était pas débordante. Lors du Conseil municipal de Saint‐André du 25 septembre 2017, le maire donne son point de vue sur la démocratie participative : « Lorsque l’on présente un projet, quel qu’il soit, devant beaucoup de personnes dans la salle, il y des chances qu’il y ait des oppositions, alors que quand il y a peu de personnes dans la salle, cela signifie que le projet présenté reçoit une certaine acceptation » (sic).
Imaginer que la fréquentation d’une réunion publique confidentielle puisse suffire à révéler l’avis des habitants… atteste du fossé qui nous sépare de certains élus en place. Notre expression traduit la volonté d’une démocratie participative plus inclusive et plus ambitieuse : « L’ambition en terme de participation citoyenne (…) est que le maximum de gens se sentent concernés par la chose publique. Cela ne doit pas être une partie de l’action municipale mais une méthode qui doit s’appliquer à toute l’action municipale. »
Second exemple : la transparence, une menace pour les élus ?
Constatant la difficulté de co‐construire avec la majorité municipale, nous avons beaucoup centré nos interventions sur la transparence. Les demandes de rendre plus lisibles et accessibles le budget, les délibérations, les communications auprès des élus et habitants… ont été confortées par la loi NOTRe améliorant la transparence financière dans les collectivités et par les conclusions de la Chambre régionale des comptes sur Saint‐André (novembre 2016). Malgré cela, les progrès restent limités et un élu d’une commune de la Métropole lilloise n’a toujours aucune information sur les (très nombreuses) décisions prises à l’échelon supérieur.
L’action en matière de transparence, nous la menons également à notre échelle en diffusant le « dossier de l’élu » comportant les projets de délibération, au minimum 5 jours avant le Conseil Municipal. Les réponses de la majorité pointent l’illégalité de la démarche et le risque de « limiter le pouvoir des élus ». C’est effectivement un acte audacieux, à notre connaissance presque inédit, dont la légalité reste en débat. Mais ce débat, il faut l’avoir, car plutôt que mettre systématiquement les citoyens devant le « fait accompli », il est nécessaire de mettre les citoyens en capacité de mieux comprendre la “boîte noire” de la démocratie locale.
Des expériences qui nous confortent dans le diagnostic d’une démocratie en berne tant les élus locaux installés, devenus dépendants de leurs mandats, s’accrochent à leur féodalité et oublient la nature même de leur fonction : animer la pensée politique des habitants. Il n’y a qu’à les entendre parler de “leur succession” lorsqu’ils changent de mandat ou partent en retraite… comme si le pouvoir local leur appartenait et qu’ils avaient le devoir de choisir un loyal héritier.
Saint‐André, terre d’accueil du festival Curieuses Démocraties
Au‐delà de la vie politique locale, l’association Le Collectif – tous acteurs de notre ville, créée à la suite de la liste aux municipales, cherche à encourager la prise de parole et l’initiative des habitants, à animer la ville de Saint‐André par des actions collectives et à s’impliquer dans la politique locale. Depuis plus de 5 ans maintenant, Le Collectif s’est enrichi de multiples expériences (plus d’une trentaine de Cafés Citoyens, un festival “Les Fenêtres qui parlent”, des ateliers Zéro Déchet…), de grandes mobilisations (pour une alternative à l’urbanisation des terres agricoles aux Muchaux, de nouveaux liens (avec la Maison régionale de l’environnement et des solidarités – MRES – ou La Belle Démocratie) et de multiples rencontres.
L’une d’elle fut la venue sur notre invitation, de Tristan Rechid, acteur de l’expérience de liste participative à Saillans, qui nous fait découvrir et vivre des méthodes d’animation de groupe et d’intelligence collective. Forts de cette dynamique, nous sommes convaincus que les défis à relever supposent que, tous ensemble, nous imaginions et bâtissions une société nouvelle, non plus basée sur la compétition qui nous divise, mais sur la coopération, pour faire de nos différences une force.
« La démocratie, ça se pratique !»
C’est dans cet esprit que « Le Collectif – tous acteurs de notre ville » et La Belle Démocratie organisent à Saint‐André la huitième édition du festival Curieuses Démocraties, les 16 et 17 novembre 2019. Plutôt que de « parler » de démocratie ou de participation, il est proposé de les vivre, d’expérimenter à travers des méthodes d’intelligence collective d’autres façons d’aboutir à des décisions en commun. En s’appuyant sur le partage d’expériences locales, ce temps fort de questionnement sur la démocratie locale veut contribuer à la montée en compétence de chacun, individu ou collectif d’habitant·e·s.
« Une large invitation à tou·te·s les curieux·ses »
Au‐delà de la perspective des élections à Saint‐André, nous avons envie de passer un message, en particulier dans notre territoire de la métropole lilloise. Aux habitants, aux groupes de citoyens, aux associations, à toutes celles et ceux qui se questionnent sur la démocratie locale… nous voulons dire : oui c’est possible, vous aussi pouvez oser ! Oser parler de méthode, oser parler de mode de décision, oser vouloir prendre le pouvoir pour le partager.
Dans ce but, nous invitons à venir partager, écouter, témoigner… toutes les personnes vivant sur le territoire et intéressées par le fonctionnement de leur commune. Au‐delà, nous accueillons les habitants et collectifs d’habitants, les membres de mouvements sociaux, associatifs, syndicaux, ceux qui veulent partager une expérience d’élu·e·s ou d’agent·e·s territoriaux, et bien sûr celles ou ceux qui, comme nous, sont « curieux » de ce que pourrait être une vraie démocratie qui ne consiste pas qu’à élire un représentant.
L’association Le Collectif – tous acteurs de notre ville qui accueille cette nouvelle édition du festival, veut participer à agiter la démocratie locale et faire de 2020 une étape vers une réappropriation citoyenne du pouvoir municipal.
En 2020, amplifions la dynamique citoyenne !
Nous avons le sentiment que la donne a changé par rapport à 2014 : la multiplication des crises sociales et des mobilisations citoyennes donne de l’énergie et de la légitimité aux habitants d’initier des démarches participatives. Transformer radicalement ce régime représentatif apparaît de plus en plus clairement comme la clé pour agir collectivement et relever les défis contemporains.
Villeneuve d’Ascq, La Madeleine, Lomme, Lille, Hellemmes, Lambersart, Sailly‐lez‐Lannoy, Roubaix, Tourcoing… Dans plusieurs communes de la métropole, de plus en plus d’habitants s’organisent. À Saint‐André aussi, même si nous ne voulons pas assimiler une éventuelle liste citoyenne à l’association Le Collectif – tous acteurs de notre ville, car cela nous semble trop restrictif. Nous voulons plutôt servir d’étincelle, de catalyseur pour amener de nouveaux habitants à s’impliquer, à travailler ensemble dans leur diversité et oser proposer une liste aux élections municipales.
2020 ne sera pas 2014, et quelque chose de nouveau va émerger ! D’ici là, par le brassage d’expériences participatives, faisons du festival “Curieuses Démocraties” un temps fort de l’alternative « citoyenne » coopérative face à un monde de la démesure et de la compétition.
Tout savoir sur le festival « Curieuses Démocraties »
Inscription → https://www.helloasso.com/associations/le-collectif-tous-acteurs/evenements/festival-curieuses-democraties
Événement Facebook (à partager !) → https://www.facebook.com/events/1760043487475250/
Toutes les infos du festival ici : http://le-collectif.org/curieuses-democraties/
Le programme
Samedi 16 novembre
9h‐17h → forum ouvert. Une journée pour échanger et se nourrir – format d’animation ultra participatif qui peut vous inspirer pour vos réunions publiques
18h‐22h → soirée festive avec les témoignages de celles et ceux “qui nous inspirent” (Charlotte Marchandise, adjointe au maire de Rennes, élue pour présenter une candidature citoyenne à l’élection présidentielle 2017 ; Ornella Farges et Coralie Barthélémy, Citoyenne engagée, Barjols, Cercle rencontres à la Belle Démocratie ; Des Gilets Jaunes de l’Assemblée des Assemblées, Commercy ; Didier Fradin, membre du Collectif‐tous acteurs de notre ville, de La Belle Démocratie et compagnon de l’Archipel) avant une ambiance électro et chansons libertaires avec « La Rue qui t’emmerde ».
Dimanche 17 novembre
9h‐16h30 → co‐développement et ateliers. Une journée pour construire ensemble des solutions concrètes et avancer sur nos territoires
que ce soit clair : je suis pour l’engagement citoyen et une vie démocratique réellement participative.
Mais je ne suis pas non plus contre la démocratie représentative.
Je m’inquiète un peu de la tendance actuelle qui vise à la délégitimer, car sous le couvert de démocratie participative, on peut aussi voir très rapidement un groupe d’influence prendre le dessus sans être pour autant clairement identifié et fondamentalement plus représentatif qu’un élu habituel.
Aussi je ne souhaiterais pas voir Médiacités verser dans cette tendance.
D’ailleurs, si j’apprécie l’esprit critique et les enquêtes fouilfées, j’apprécierais aussi un regard positif sur ce qui marche, même imparfaitement. Le monde est tellement complexe qu’il est impossible de ne pas pouvoir critiquer ce qu’on veut. Mais sachons aussi voir ce qui marche … et le dire !
Bonjour et merci pour votre commentaire. Rassurez‐vous : ni le journal Mediacités en tant que tel ni ses journalistes n’ont d’agenda caché contre la démocratie représentative ni ne cherchent à la délégitimer au profit d’une quelconque démocratie participative ou directe. Comme l’ont évoqué Martial Foucault ou Céline Braconnier lors d’entretiens regroupés dans notre dossier « Penser les municipales », les inégalités de participation restent immenses en France, et la démocratie participative reste une démocratie de CSP+… Ce qui n’empêche pas de se montrer exigeant pour améliorer la démocratie locale – représentative et participative – comme on le suggère dans notre Manifeste ? https://www.mediacites.fr/la-fabrique/national/2019/11/05/notre-manifeste-pour-engager-la-transition-democratique/
Peut être devrions nous revisiter le sens des mots. « Représentative » de quoi ou de qui ? « participative » à quoi et par qui ? A la réflexion, la clé est d’établir des méthodes « délibératives » pour fixer les décisions qui sont finalement soumises au vote. La démocratie ne doit pas être une incantation rassurante mais un atelier efficace d’outils accessibles à tous, à tout moment pour permettre des délibérations.
L’adjectif participatif me semble avoir surgit comme un palliatif à la dérive représentative. N’oublions pas que les premiers représentants étaient soumis au vrai mandat et au rappel éventuellement révocatoire, toutes dispositions retirées depuis longtemps de nos fonctionnements « démocratiques » .