Givors : face au Rassemblement national, la gauche et les macronistes jouent avec le feu

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Conseiller régional et patron du RN du Rhône, Antoine Mellies peut encore espérer une victoire à Givors. Photo : N.Barriquand/Mediacités.

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Temps de lecture : 4 minutes

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Par Mathieu Périsse

Dans la seule ville de la Métropole de Lyon gagnable par le Rassemblement national, les communistes, les écologistes et les macronistes ont maintenu leurs listes face à Antoine Mellies.

Sur un malentendu, ça peut marcher. A Givors, le Rassemblement national peut encore espérer réaliser un coup politique majeur dans la seule ville gagnable de la Métropole de Lyon pour le parti de Marine Le Pen : ses adversaires lui offrent, le 28 juin prochain, une quadrangulaire incertaine.

Quatre listes se maintiennent au second tour des municipales dans cette commune de l’extrême-sud du Grand Lyon, dirigée par le parti communiste depuis l’après-guerre. Malgré un mandat marqué par les affaires judiciaires de l’ancien maire Martial Passi, condamné pour prise illégale d’intérêt, sa remplaçante Christiane Charnay est arrivée en tête, avec 24,5% des suffrages. Un score en forte baisse par rapport à 2014, quand le PCF rassemblait plus de 43% des voix au premier tour. 

Une élection à quelques dizaines de voix près

Insuffisant pour se mettre à l’abri de ses deux opposants au conseil municipal : Antoine Mellies, le patron du RN du Rhône [lire son portrait ici], arrivé second avec 22,8%, un score en hausse de deux points par rapport à 2014, et l’ancien socialiste soutenu par EELV Mohamed Boudjellaba (20,5%). Le reste du casting compte deux candidats macronistes parachutés : Laurent Decourselle, soutenu par David Kimelfeld, qui a rassemblé 18,9% des suffrages le 15 mars, et Alexandre Couchot, l’attaché parlementaire du député LREM local Jean‐Luc Fugit (ex‐soutien de Gérard Collomb), investi par le parti présidentiel. Les deux marcheurs ont finalement fusionné leurs listes.

Dans cette commune de moins de 20 000 habitants, marquée par un fort absentéisme (64% au premier tour), l’élection se jouera à quelques centaines de voix. Voire quelques dizaines. Mais, prime majoritaire oblige, la liste arrivée en tête s’arrogera plus de la moitié des sièges. « Avec une quadrangulaire, on peut avoir des surprises, même si je reste très prudent », confie Antoine Mellies.

Chacun pour soi

Face au risque de voir l’ancienne cité ouvrière [(re)lire nos articles sur les verriers de Givors ici ou ici] tomber entre les mains du Rassemblement national, Christiane Charnay a lancé fin mai un appel à « un grand front de résistance » face « au risque d’un basculement à l’extrême-droite » de la commune. Un appel superbement ignoré par l’ensemble des autres listes, qui ont décidé de se maintenir coûte que coûte, chacun se renvoyant la responsabilité de l’échec du rassemblement.

Les communistes indiquent avoir discuté avec les deux candidats macronistes, dans la permanence du député Jean‐Luc Fugit, qui endosse le rôle de parrain local. Des échanges « trop tardifs », selon Jean‐Michel Lebail, le directeur de campagne de Christiane Charnay. « Ils n’avaient pas vraiment de propositions. On avait plus l’impression que c’était pour pouvoir dire qu’ils nous avaient contactés », raconte‐t‐il. Sollicités, Laurent Decourselle et Alexandre Couchot n’ont pas répondu à Mediacités.

Les négociations n’ont pas été plus fructueuses avec Mohamed Boudjellaba, opposant acharné de Christiane Charnay depuis deux mandats, qui n’a entamé des discussions que fortement encouragé par EELV, dont il n’est pas membre. « Christiane Charnay use des vieilles ficelles du front républicain contre le RN, alors que c’est la gestion communiste de la ville qui contribue à l’installer », fustige l’élu. Ce dernier pointe également les candidats macronistes, qui réclamaient la tête de liste pour le rejoindre : « Ils auraient dû se retirer. S’il arrive malheur à la ville, ils devront en assumer la responsabilité », prévient‐t‐il.

Résultat, alors qu’une alliance entre les écologistes et les partis de gauche a été scellée cette semaine dans la Métropole de Lyon, EELV et le PCF s’affrontent dans la commune. « C’est paradoxal », admet pudiquement Jean‐Michel Lebail. A l’échelle métropolitaine, la situation s’avère même ubuesque : Christiane Charnay figure désormais en deuxième position sur la liste de l’écologiste Jean‐Charles Kohlhaas dans la circonscription Lônes et Coteaux aux côtés de Laurence Frety‐Perrier… conseillère municipale EELV à Givors et seconde sur la liste de Mohamed Boudjellaba !

Le RN laminé partout ailleurs

En 2014, déjà, le PCF s’était assez largement imposé après une quadrangulaire, avec, à l’époque, l’UMP dans le rôle des marcheurs de 2020. Le précédent est encore dans les esprits. D’autant que tout le monde veut croire que la très forte abstention, liée en partie à la crise du Covid, cache des réserves de voix pour ses propres listes. Le PCF évoque ainsi son « électorat traditionnel » en parlant des personnes âgées, qui seraient restées chez elles au premier tour. « Givors n’est ni Hénin‐Beaumont, ni Fréjus. On nous annonçait une vague RN. Au final ils ont moins de cent voix de plus que nous », abonde Mohamed Boudjellaba.

« La différence avec 2014, c’est que le front républicain ne fonctionne plus, veut croire Antoine Mellies. Christiane Charnay applique la même “politique du castor” en appelant à faire barrage contre nous. Mais son barrage prend l’eau ».

La conquête de Givors serait un lot de consolation inespéré pour un Rassemblement national local laminé par les scrutins du mois de mars. Éliminé dans l’ensemble des arrondissements de Lyon, le parti de Marine Le Pen n’a pu se maintenir que dans trois circonscriptions sur quatorze dans la course à la Métropole. Une « déception » qu’Antoine Mellies explique par un manque d’implantation. « Nous n’avions pas eu la capacité de présenter des listes municipales partout, ça a plombé notre mobilisation pour le Grand Lyon », estime le responsable départemental du RN.

Même à Givors, le parti a rencontré des difficultés pour boucler ses listes. « On est parti trop tard, sans se donner les moyens d’effectuer un travail de longue haleine. Sans compter les problèmes financiers de notre parti », liste le candidat. Une campagne ardue donc. Mais, grâce à ses adversaires, il conserve une chance de conquérir la mairie.

Mathieu Périsse

RN : Antoine Mellies, l’homme qui veut faire de Givors le Hénin‐Beaumont du Grand Lyon

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