Suite à notre enquête sur les manifestations nantaises, nous republions des extraits d’une interview du sociologue Gildas Loirand, parue dans le numéro de Place Publique de septembre 2016. Interrogé dans notre article « De Facebook à la tête des manifs, plongée dans la Nantes révoltée », le maître de conférences à l’Université de Nantes, chercheur au CNRS et spécialiste des mouvements contestataires, analyse ici en longueur la nature des manifs nantaises et les violences qui s’y déroulent parfois.
Place Publique : Avec plusieurs de vos collègues sociologues, vous vous êtes immergé dans les manifestations nantaises contre le projet de loi El‐Khomry. Pourquoi ?
Gildas Loirand : Je suis a priori assez éloigné du point de vue de mon métier de sociologue d’un objet tel que celui des manifestations. Néanmoins j’ai été amenéà m’intéresser à ces manifestations à partir d’une intervention qui m’avait semblé particulièrement discutable, celle de la brigade anti‐criminalité sur le campus de l’université de Nantes, au Tertre, fin mars (Ndlr : 2016). J’ai assisté de visu à une intervention très musclée de policiers de cette brigade, encagoulés, sans brassard, et intervenant dans ce qui m’a paru être une véritable « embuscade » tendue contre les étudiants. ça m’a interpellé et avec quelques collègues qui participaient aux manifestations, nous avons commencé à nous interroger sur ces formes de maintien de l’ordre qui nous semblaient nouvelles et se déployaient sous nos yeux. Finalement, c’est comme ça qu’entre sociologues, nous avons envisagé un chantier d’observation directe, comme le font les sociologues sur d’autres objets, sur la question des manifestations et du maintien de l’ordre, mais en essayant de les penser indépendamment de leur motif revendicatif et politique. L’objectif était d’essayer de penser ces manifestations comme un affrontement corporel en situation, ce qui m’intéresse en tant que sociologue spécialisé dans le sport et dans le corps, un affrontement …