« Je vais te faire courber l’échine ». En décembre 2015, voilà ce qu’entend Catherine*, de la bouche d’un des rares membre féminin de la direction d’Audencia, autour du directeur général Christophe Germain. La déléguée générale de la Fondation Audencia et directrice des relations entreprises et diplômés, Françoise Marcus, – qui réfute auprès de Mediacités avoir tenu ces propos – passera aux actes après des mois de tensions et de pressions sur Catherine, une strate hiérarchique en‐dessous d’elle.
Le licenciement de cette cadre en CDI prendra cinq minutes au détour d’un point hebdomadaire, le 31 mai 2016. Alerté, le comité social et économique (CSE) de l’école de commerce nantaise est rassuré par la direction des ressources humaines, qui évoque une « médiation en cours » alors que la salariée est déjà mise à pied et sa procédure de licenciement lancée. La cadre sera définitivement limogée pour « insuffisance professionnelle » le 22 juin 2016, avec l’accord du DG Christophe Germain, qui a mené l’entretien préalable. « C’est un épisode très douloureux, elle a mis beaucoup de bazar dans notre équipe. J’ai dû l’écarter rapidement », se défend aujourd’hui par inversion Françoise Marcus.
Audencia : l’école de management « responsable » qui broie ses propres salariés
Audencia condamnée à verser 120 000 euros à son ex‐salariée
La justice en a jugé autrement. L’histoire aurait pu s’arrêter là, comme pour des dizaines d’autres salariés de l’école qui, chaque année, partent en silence – ou se débattent dans l’ombre – face au management « brutal », « toxique » et « sexiste » de la direction actuelle [Lire notre dossier]. Mais Catherine a décidé de « se battre jusqu’au bout ». « Comme un moustique face à un éléphant, même si ça fait mal, indique‐t‐elle. Je ne supportais pas cette injustice pour moi et le travail de mes équipes qui n’était pas respecté. »
Un bras de fer judiciaire débute. En première instance, le 17 décembre 2017, le Conseil des prudhommes de Nantes ne retient aucun des griefs avancés par l’établissement pour justifier la mise à la porte de Catherine. Il lui donne raison sur la moitié de ses requêtes, reconnaissant notamment un « licenciement dénué de cause réelle et sérieuse » et une « rupture brutale et vexatoire ». Son ancien employeur est condamné à lui verser 25 751 euros de dommages et intérêts et d’indemnités.
« C’était toxique »
Catherine fait néanmoins appel de la décision. « Moi j’essayais juste de bien faire mon boulot, avec beaucoup d’engagement pour mes collègues, les étudiants et l’école. Face à moi, j’avais une hiérarchie qui ne s’adressait pas à moi, qui sabordait tout ce que j’entreprenais, qui me court‐circuitait, ne respectait aucune règle, sur fond de charge de travail hallucinante », se rappelle celle qui affiche un solide CV. « J’ai souffert comme jamais et j’ai mis du temps à m’en remettre. C’était toxique », complète Catherine, en écho aux multiples témoignages internes (48 à date) que nous avons rassemblés.
Rendu le 19 juin 2020, l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes est encore plus sévère pour Audencia. Voire dévastateur. L’école est condamnée à verser 120 217 euros à Catherine, pour sept motifs : « licenciement abusif », « circonstances vexatoires de la rupture », « travail dissimulé », « rappel d’heures supplémentaires », « absence de contrepartie obligatoire en repos », « dépassement de la durée maximale du travail » et « congés payés afférents ». Seul le harcèlement n’est pas retenu, par manque de preuves documentées.
Dans un premier temps, Audencia se pourvoit en cassation le 16 juillet 2020. Avant de se désister, le 20 octobre 2020. Selon nos informations, jamais ce coûteux licenciement n’a été évoqué par la direction en comité social et économique (CSE). Une habitude maison, semble t‑il, pour ce qui concerne les procédures prudhommales, à l’exception de celle opposant l’école à son ancien directeur général qui avait fuité dans la presse et que nous avons retracé.
Jointe, la direction de l’école n’a pas répondu (Lire l’encadré En Coulisses ci‐dessous). Avec le président du conseil d’administration Laurent Métral, elle a invité tous les salariés à un temps d’échanges, ce vendredi 21 octobre, au siège d’Audencia. Une procédure inhabituelle qui intervient plus d’un mois et demi après nos premières révélations.
*Le prénom de Catherine a été changé. Cette ancienne cadre d’Audencia a accepté de relater son itinéraire à condition que son anonymat soit respecté. Les citations ont été relues. Françoise Marcus a été jointe une première fois par téléphone le 17 octobre. Elle a finalement répondu à nos questions, par téléphone toujours, 24 heures plus tard, le temps de se concerter avec la direction d’Audencia, selon nos informations.
Audencia : révélations sur un management toxique et sexiste
Auteur de nos différentes enquêtes sur Audencia, Thibault Dumas était l’invité du 19/20 de France 3 Pays de la Loire vendredi 14 octobre. Vous pouvez retrouver son intervention ainsi que le long reportage de la rédaction de France 3 en replay sur le site de la chaîne (à partir de 7’10’“ et jusqu’à 15’10””).
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une bonne nouvelle ! beaucoup de salariés mal traités renoncent à se défendre par pessimisme et ignorance, ce genre de victoire démontre que le droit reste vivant grâce à ceux qui le défendent, j’ai jadis tenu une rubrique « droit du travail » dans un magazine populaire avec grand succès, c’est peut‐être une idée à développer pour médiacités, car il y a un vrai besoin d’info dans ce domaine. patb
Une histoire sans fin ? Quoi qu’on en dise, les faits sont là et il est grand temps que le Conseil d’Administration prenne la bonne disposition pour que cela cesse, la réputation d’Audencia est gravement entachée.