« Je fais partie des parents d’élèves du groupe scolaire des Sept Deniers et je déplore en effet la vétusté des équipements », nous écrivait Aurélie, le 15 janvier, en commentaire de notre premier article sur l’état des écoles toulousaines. Et de lister une fuite de gaz en décembre dernier, des salles préfabriquées pour le Clae (centre de loisirs, NDLR) « surchauffées où l’on ne peut pas régler les radiateurs et les animateurs sont obligés de laisser les portes grandes ouvertes ainsi que les fenêtres pour ne pas se sentir mal ». « Tout est en dépit du bon sens (…) Avec les problèmes écologiques que nous rencontrons, il est vraiment temps de faire quelques chose ! », poursuit cette mère d’élève.
Une directrice d’établissement, contactée suite à son témoignage, nous a également confié sa surprise, quant à la décrépitude de son bureau, mais pas seulement : « Nos ordinateurs datent de Mathusalem et on en a un seul connecté à internet pour toute l’école. A la rentrée dernière, je n’ai pas eu de téléphone pendant un mois. Il a été réparé puis est retombé en panne. J’ai finalement eu un portable des années 1980 », témoigne la fonctionnaire. Qui n’hésite pas à multiplier les appels et courriers pour réclamer du mobilier ou encore régler un problème de trous dans la cour de récréation. « Cela me fait sourire quand ils disent que l’école est une priorité, ce n’est pas vrai du tout », s’emporte-t-elle.
34 témoignages reçus
Sur les 34 témoignages reçus en à peine plus de deux semaines, suite à notre appel lancé le 9 janvier, un seul est positif. Il concerne la maternelle Fourtanier, une école « bien entretenue et des travaux ont été faits récemment ». Tous les autres pointent des problèmes précis, en majorité liés à l’entretien des bâtiments et à leur inadaptation au quotidien. Fuites, problèmes d’isolation, équipements vieillissants ou détériorés qui peinent à être remplacés…
De quoi confirmer l’état préoccupant des écoles de la Ville rose. Et ce, malgré l’investissement en hausse que leur consacre la mairie (plus d’un demi milliard d’euros sur deux mandats). Et l’assurance, qu’aucune école n’est dans un état délabré et que « la mairie entretient son patrimoine ».
Certains témoignages concernent des écoles déjà évoquées dans notre première enquête. Comme la maternelle Jolimont, où nous sont signalés des « problèmes d’isolation l’été impactant la température à l’intérieur des classes, notamment celles exposées plein sud ». Dans ce dernier établissement, les travaux se font attendre. Trois établissements font l’objet de remontées multiples : Michoun, Marengo‐Périole et Ricardie. Un indice que les problèmes y seraient plus prégnants ?
L’école élémentaire Michoun, dans le quartier Roseraie, fait partie des établissements qui ont bénéficié des programmes de réhabilitation les plus conséquents (de l’ordre de trois millions d’euros) avant 2014, selon les informations de Gisèle Verniol, adjointe en charge de l’éducation sous Pierre Cohen. Pourtant, les motifs d’insatisfaction y sont nombreux.
L’attente, depuis des années, de la construction d’une nouvelle cantine est la principale source de colère des parents. « La mairie a fait la pseudo promesse de la réaménager car elle était devenue trop petite. La construction modulaire devait être provisoire mais dure depuis plus de six ans. Lors d’un des derniers conseils d’école, on nous a dit qu’on avait oublié de la budgéter », s’indigne Roger, ancien représentant de la FCPE.
Parmi les dysfonctionnements également pointés dans l’établissement, des fenêtres refaites qui n’ouvrent pas, ce qui n’est pas sans rappeler les désillusions de l’école Falguières. « En intervenant dessus, ils ont rompu les clauses de garantie. Elles sont abîmées et désormais bloquées dans des salles de classes exposées au soleil l’été », explique Roger, avant de conclure : « Il y a un problème d’entretien et de maintenance depuis longtemps dans cette école ». De même, à l’école maternelle, où les fuites dans la toiture n’avaient été réparées il y a cinq ans, que suite à « un battage médiatique. On a dû être très insistants », appuie encore cet habitant du quartier.
Manque de visibilité et de suivi
Les représentantes de parents d’élèves renchérissent sur le manque de suivi. Ainsi, au sujet de problèmes d’évacuation et de mauvaises odeurs dans les toilettes en élémentaire (10 sanitaires et 12 urinoirs seulement pour 360 élèves selon leur décompte), elles expliquent : « On a demandé un curage mais cela n’a pas été réglé et cela fait des mois que ça dure. Il y a des odeurs pestilentielles, des carreaux cassés, des fils électriques qui dépassent pour l’alimentation des séchoirs ». Lors de leur dernière visite en décembre, elles se sont par ailleurs aperçues qu’aucun VMC ne fonctionnait.
Déplorant aussi le manque d’anticipation pour gérer les températures extrêmes, été comme hiver, les représentantes de parents d’élèves concluent sur les mauvaises conditions d’apprentissage pour les enfants. « Isabelle Ferrer (l’élue de quartier ndlr) nous dit que le budget est mis dans les nouvelles écoles, c’est un discours difficile à entendre, quand chez nous, il n’y a pas de budget pour rénover les toilettes. »
Las de ces dysfonctionnements à répétition, Roger a décidé d’inscrire son cadet dans le privé, l’année où l’aîné est entré au collège. Un cas qui, d’après nos informations, serait loin d’être isolé. « A cause du manque de moyens alloués par la mairie, on met en péril la mixité de l’école, qui est une richesse », analyse ce parent d’élèves. « On a peur que cette fuite vers le privé créé un déséquilibre et que les locaux tombent encore plus en désuétude », renchérit une des représentantes FCPE.
A la maternelle Ricardie, dans le quartier Saint‐Agne, sont de nouveau pointés les problèmes d’odeurs, d’évacuation et de mauvaise isolation thermique. Concernant les odeurs, une enseignante témoigne : « On est obligé d’ouvrir les portes et les fenêtres. La mairie est venue mais cela continue ». « Quand il pleut beaucoup il y a des infiltrations par le toit dans certaines pièces (…) Certains murs dans les classes s’effritent, le plâtre tombe », confirme par écrit un autre professionnel de l’école.
Là encore, même s’il est question de restructurer le groupe scolaire, la rénovation se fait attendre. « On nous a annoncé des travaux il y a deux ou trois ans, les parents se sont mobilisés. Mais finalement ce n’est pas passé au budget 2021 », témoigne encore l’institutrice.
Les problèmes d’isolation concernent aussi l’école Dupont à Saint‐Michel, la maternelle Fabre aux Carmes ou l’élémentaire Lespinasse… Les fuites et les murs qui s’effritent sont aussi le lot de l’école élémentaire Daste, à Empalot, dont le futur bâtiment ne sera livré qu’en 2024. A l’école Bourliaguet, au Mirail, un témoin nous a alertés sur les « toilettes insalubres » et des radiateurs qui ne fonctionnent plus… Le reproche de petits travaux faits au compte‐goutte, mais « jamais suffisants pour éradiquer les problèmes », revient inlassablement.
Peinture, poignée cassée et entretien des toitures…
A Marengo‐Périole, trois témoignages alimentent l’idée que la mairie manque de réactivité. Investie depuis plusieurs années à la FCPE, Floraima raconte ainsi qu’il a fallu « une mobilisation de près de dix ans » pour obtenir en 2020 le changement des fenêtres. « Maintenant, on réclame de refaire les peintures, qui sont très délabrées, et le remplacement d’une poignée de porte, cassée après les travaux d’extension du Clae. On réclame cette réparation depuis la rentrée 2021, car la sécurité des enfants est en jeu », témoigne‐t‐elle.
Autre point noir à Marengo‐Périole, l’entretien des toitures. « Un faux plafond est tombé pendant un conseil d’école à cause des fortes pluies en 2018. On demande des garanties mais on n’obtient rien. Depuis trois ans, des tuyaux d’évacuation sont bouchés, mais on n’a aucune visibilité sur ce qui a été fait », ajoute cette déléguée de parents d’élèves.
De nombreux parents d’élèves de cet établissement déplorent aussi l’impossibilité d’obtenir de l’eau chaude dans les sanitaires extérieurs. « On nous parle de normes énergétiques qui rendraient cela impossible. Tout cela, c’est du pipeau », s’emporte Floraima.
Un peu plus bas, dans le quartier Marengo, à l’école maternelle Reille, la demande de construire un préau ou d’installer des voiles pour faire de l’ombre dans la cour, dépourvue du moindre arbre, n’aboutit pas depuis près de dix ans. Et ce, malgré les nombreuses relances, présentes dans les échanges entre parents et personnels de la mairie que nous avons pu consulter.
Des budgets mal affectés ?
Une enseignante de l’école maternelle Maurice Bécanne, avenue de Muret, passée auparavant par plusieurs autres établissements toulousains, fait le constat que, « souvent, les mêmes problèmes d’isolation et d’étanchéité ressortent. Mais les réparations ne sont pas possibles, car pas inscrites au budget ».
L’enseignante se souvient de l’isolation du plafond d’une classe aux Sept deniers, qui a mis sept ans à être refaite, malgré les fuites récurrentes. « Les devis pour les travaux sont incroyablement élevés. On le sait par des parents d’élèves qui travaillent dans le bâtiment », pointe‐t‐elle encore.
Selon Julien*, un ancien employé des services techniques (parti il y a deux ans) requérant l’anonymat, le problème serait structurel. « Il y a beaucoup d’argent public gaspillé, estime‐t‐il, avec des marchés pas respectés ou un service pas bien rendu. Les techniciens sont censés cadrer les travaux et conseiller les élus, mais ils ne le font pas. » Julien pointe le manque d’anticipation, mais aussi le manque de coordination, qui pousse par exemple à « dézinguer tous les luminaires » pourtant récents, pour remettre aux normes énergétiques un établissement.
« Il m’est arrivé de devoir faire sauter des projets sur mon dernier secteur par manque de crédits. L’argent n’est pas toujours bien réparti », déplore encore l’ancien agent technique. Qui illustre ce décalage avec le cas de la maternelle Rangueil, « une école dans un état minable qui devait être refaite chaque année. Mais il n’y a jamais vraiment eu de projet, à cause du changement de responsables ».
Premiers résultats de l’Observatoire lancé par l’opposition
Tout juste sortis, les premiers résultats issus de l’Observatoire sur l’état des écoles, lancé par le groupe d’opposition Toulouse Écologiste, Solidaire & Citoyenne, confirment une situation peu reluisante. Qui a été évoquée lors du dernier conseil municipal.
Le questionnaire lancé en décembre a donné lieu à 303 réponses, au sujet de 101 écoles, dont plus des deux tiers (68%) proviennent de parents d’élèves. « Les problèmes de moyens humains reviennent beaucoup (manque d’AESH et d’Atsem notamment, NDLR), mais il y a aussi beaucoup d’insatisfactions sur la vétusté des locaux et surtout sur l’inadaptation au dérèglement climatique », relate Antoine Maurice, à l’origine de l’initiative.
Pour ce dernier thème, selon l’opposition, on atteint 60 % de personnes très insatisfaites. Au premier rang des griefs concernant l’inadaptation des établissements aux températures extrêmes, arrivent la débitumisation et la mise à disposition de matériel en cas de fortes chaleurs (cumulant respectivement 55% et 52% de répondants extrêmement insatisfaits). Puis viennent la fraicheur dans les bâtiments, leur isolation, et la végétalisation.
A la question « Sur une échelle de 1 à 5, comment évaluez‐vous l’état de vétusté des bâtiments de votre école ? », 52 % des répondants se disent insatisfaits ou totalement insatisfaits. Ce sont les salles de classes et les équipements sportifs qui réunissent le plus de mécontents.
Dans cette première synthèse, que nous nous sommes procuré, certains commentaires retiennent particulièrement l’attention : la maternelle La Juncasse, décrite comme « une école en décrépitude » ; la maternelle Cuvier, où la cantine « pourrit » ; ou encore l’école maternelle Buffon, qualifiée de « passoire thermique ».
Si ces résultats confirment les inquiétudes à avoir au sujet des écoles, les élus écologistes applaudissent le fait que « le rythme des rénovations s’accélère depuis quelques mois ». Ils promettent par ailleurs de continuer à réclamer davantage de transparence à la majorité, sur la part des crédits alloués à l’entretien dans le plan pluriannuel d’investissement. « L’élue à l’éducation Marion Lalane de Laubadère nous a promis en juin dernier qu’on aurait une réunion à ce sujet », précise Antoine Maurice.
De son côté, Mediacités poursuit ses investigations dans les établissements scolaires. N’hésitez pas à participer à notre appel à témoignages, si vous avez remarqué des dysfonctionnements dans votre école.
C’est inquiétant
Bonjour,
Il faudrait faire un reportage sur les travaux dans les écoles privées de Toulouse. Celle qui est en face de chez moi a bénéficié de grands travaux dont je ne connais pas la teneur.
C’est place Béteille à Toulouse.