Relaxé, le cofondateur de #MusicToo lance une cagnotte pour rembourser ses frais de justice

La justice a donné raison au cofondateur de la plateforme d'alerte contre les violences sexistes et sexuelles dans l'industrie musicale poursuivi pour diffamation - tout comme Mediacités - par un ancien manager d’artistes toulousain. Mais ce dernier a fait appel.

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Jean-Michel Aubry-Journet, le cofondateur de #MusicToo, lance une cagnotte pour ses frais de justice./ Capture Instagram

Poursuivi pour diffamation par l’ancien manager toulousain de Jerkov Music Michaël G, Jean‐Michel Aubry‐Journet a été relaxé par le tribunal correctionnel d’Albi, fin avril. Le cofondateur de la plateforme MusicToo, également manager d’artistes, avait relayé sur les réseaux sociaux des extraits de notre enquête qui révélait les comportements toxiques de Michaël G. à l’égard de plusieurs jeunes femmes. Notre article s’appuyait sur cinq témoignages de victimes présumées, mais aussi sur des entretiens avec 25 anciens collaborateurs de Jerkov Musiques ou acteurs du milieu musical.

Le tribunal a estimé que les extraits de notre enquête, partagés sur la page du collectif, évoquent certes des « comportements immoraux voire illégaux » de la part de Michaël G. pouvant « porter atteinte à (son) honneur et à (sa) considération ». Mais le tribunal a reconnu la bonne foi de Jean‐Michel Aubry‐Journet et considéré comme louable l’objectif de son collectif. 

« Ce collectif s’inscrit dans le mouvement contemporain de libération de la parole de victimes de violences. Le sujet traité présente donc un intérêt général majeur »

Extrait du jugement du tribunal judiciaire d’Albi le 20 avril 2023

« Il ressort de la procédure et du débat que le compte instagram #MusicTooFrance a été créé par un collectif qui a pour objectif de dénoncer les violences sexistes et sexuelles dans l’industrie musicale, peut‐on ainsi lire dans la décision du tribunal. Ce collectif s’inscrit dans le mouvement contemporain de libération de la parole de victimes de violences. Le sujet traité présente donc un intérêt général majeur (…) Le soutien aux victimes relève de l’intention de poursuivre un objectif légitime. »

Le tribunal d’Albi a reconnu le sérieux de l’enquête de Mediacités, soulignant l’existence d’une « base factuelle suffisante et objective », la présence effective de déclarations de Michaël G., et le fait que l’ « enquête (a été) réalisée à partir du recueil de plusieurs témoignages concordants de femmes expliquant avoir travaillé avec M. G., ces témoignages étant en majorité mentionnés sous forme de citations ». Citée comme témoin par les parties civiles, l’autrice de l’enquête (et de cet article) est venue expliquer à la barre sa méthode de travail lors de l’audience.

Dans le même délibéré, le tribunal d’Albi a également relaxé Julia Honnet, poursuivie pour complicité de diffamation. La jeune femme avait, quant à elle, commenté la publication de MusicToo, en y ajoutant son propre témoignage au sujet de Michaël G. « Entre compliments gênants et gestes déplacés, Michaël n’a jamais lâché l’affaire jusqu’à la vague #MusicToo », écrivait‐elle notamment. La justice a estimé que les propos de cette dernière « ne sont pas suffisamment précis pour permettre, sans difficulté, de faire l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire ». De ce fait, ils n’ont pas été qualifiés de diffamatoires.

Une cagnotte pour faire face aux frais de justice

Malgré les deux relaxes prononcées sur le volet pénal, le plaignant a fait appel pour demander des dommages et intérêts, non obtenus en première instance. Déjà éprouvante, l’épopée judiciaire n’est donc pas terminée pour les deux prévenus, qui n’ont pas obtenu les dédommagements financiers réclamés pour « abus de constitution de partie civile » et pour les préjudices subis. Pour faire face aux frais de justice déjà engagés, le cofondateur de MusicToo a lancé une cagnotte, dans l’espoir de récolter 7 274 euros, afin de couvrir les honoraires des avocats, les déplacements et l’hébergement à Albi de Julia Honnet et lui‐même.

Jean‐Michel Aubry‐Journet, qui s’est exprimé à plusieurs reprises sur sa page Instagram, au sujet de l’affaire judiciaire, affirme que la procédure lui a « bouffé la vie et fait perdre confiance en son réseau professionnel ». « Je suis grillé dans le milieu. C’est assez dur de voir que même mes amis qui me soutiennent ne le font pas publiquement. C’est la preuve que l’omerta au sujet des violences sexuelles continue », confie le cofondateur de MusicToo.

« Je ne regrette pas d’avoir permis à des victimes d’être entendues (…) Je continuerai à me battre sur le sujet »

Jean‐Michel Aubry‐Journet, manager d’artistes et cofondateur de MusicToo

Pour autant, Jean‐Michel Aubry‐Journet ne regrette pas d’avoir « permis à des victimes d’être entendues ». Il reste ferme sur son intention de « ne pas baisser les yeux face à ces personnes qui veulent utiliser la justice pour nous faire taire, pour nous faire peur, pour nous faire douter ». Un concert de soutien aux victimes de violences dans le secteur musical devrait être organisé à Paris courant juillet.

Rappelons que l’ancien manager de Jerkov Music Michaël G. a porté plainte contre six personnes et contre Mediacités, en lançant trois fronts procéduraux. À ce stade, notre journal et l’autrice de l’enquête n’ont pas encore connaissance de la date de leur convocation devant le tribunal.

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Par Armelle Parion

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