Ce n’était ni un meeting ni une annonce officielle de candidature. Dimanche 26 janvier, le maire Rassemblement National (RN) d’Hénin-Beaumont, Steeve Briois, a présenté ses vœux aux habitants lors d’une cérémonie fastueuse. Une rencontre amicale qui a pris les allures d’un match officiel. A sept semaines des élections municipales, Steeve Briois vise un résultat aussi bon que celui de 2014. Il avait alors ravi cette ancienne cité minière du Pas‐de‐Calais dès le premier tour avec 50,25 % des voix.
Le terrain et l’ambiance en tribunes
« Welcome to the show ! » A quelques minutes du discours de Steeve Briois, la musique qui accompagne les danseuses de cabaret retentit avec fracas dans le complexe sportif François Mitterrand d’Hénin-Beaumont. Les reprises de funk et de chansons françaises rythment les chorégraphies endiablées de la troupe locale. Derrière la scène, un drapeau bleu‐blanc‐rouge format XXL tapisse le mur.
Pour cette rencontre, Briois joue à guichet fermé. Avant d’accéder à la salle, certains Héninois ont dû patienter 30 bonnes minutes. « Quel bordel, c’est un carnage, il y a trop de monde », lâche une membre de l’organisation à son collègue. D’autant que le maire s’applique à serrer la main des quelque 1 500 personnes présentes.
Dans des gradins, les supporters n’ont pas tous une place assise. Qu’importe ! Même debouts, ils assistent assidûment aux déclarations du maire. Et aux moments d’émotion. Sur scène, un jeune se voit remettre une médaille pour ses exploits sportifs. Alors qu’il remercie le maire pour son soutien, Steeve Briois lâche sa larme.
Plus de 1600 personnes présentes aujourd’hui à la cérémonie des vœux de @SteeveBriois à la population . Un excellent moment pour tout le monde ! pic.twitter.com/rOlUx7cp8h
— Hénin‐Beaumont (@HeninBeaumont) January 26, 2020
Costume noir, sobre, le capitaine d’équipe veut montrer qu’il joue à domicile. Et dégaine rapidement son meilleur passement de jambe : sa politique de sécurité : « ‑12 % délinquance, ‑20 % cambriolage… Ce sont les chiffres de la Préfecture du Nord ! », scande‐t‐il. A chaque annonce, vagues d’applaudissements et cris d’adhésion.
Conclue par deux Marseillaises (une première a capella après un faux départ de l’orchestre, une seconde en musique), la cérémonie a conquis le public : « Ah quel beau discours Monsieur le maire ! » Joseline, 76 ans, félicite son élu en attendant Marine Le Pen pour lui serrer la main. Dans deux mois, elle votera pour lui sans l’ombre d’un doute : « Vous avez vu Hénin pendant les périodes des fêtes ? Ah, c’était si beau ! Et puis, il est très gentil. »
Le dispositif tactique
Steeve Briois a sorti l’artillerie lourde pour ses vœux aux Héninois. Sur la feuille de match, des joueurs de premier plan : la capitaine de l’équipe nationale, Marine Le Pen, présidente du RN, et son fidèle ailier, Bruno Bilde, adjoint au maire d’Hénin‐Beaumont de 2014 à 2017 avant de devenir député. En défense, Briois assure ses arrières en alignant ses plus dévoués adjoints municipaux. A commencer par Christopher Szczurek, son adjoint à la communication qui a savamment orchestré la rencontre.
La présence de cette dream team donne à l’événement une couleur nationale pour en faire un grand raout du RN. Marine Le Pen s’est d’ailleurs prêtée sans difficulté au jeu des caméras, répondant à des questions qui n’ont que peu à voir avec l’actualité héninoise : réforme des retraites, motion de censure contre celle‐ci à l’Assemblée nationale…
La composition de l’équipe a aussi permis de mobiliser les supporters du parti, nombreux à avoir fait le déplacement. Dans les tribunes, plusieurs militants RN – reconnaissables au pin’s en forme de flamme arborés sur leurs vestons – ont indiqué ne pas habiter Hénin‐Beaumont mais venir des villes alentours. « J’ai grandi ici et je reste attachée à ma ville », raconte Marie‐Lise, habitante de Givenchy‐en‐Gohelle, une commune située à 20 kilomètres d’Hénin. Ce dimanche, elle est venue accompagnée de son mari, encarté au RN, qui dit « essayer d’assister aux événements du parti dès qu’il le peut ».
La femme du match
Le capitaine de l’équipe a dû partager la tête d’affiche. Positionnée en simple latérale pour cette rencontre, Marine Le Pen a été abondamment sollicitée par les supporters : selfies à foison, nombreuses dédicaces de son livre « Pour que vive la France »… A côté de la présidente du RN, qui s’est offert un mini bain de foule, un militant souffle : « Ça y est, j’ai eu une photo ! » Un autre enchaîne : « Je n’en reviens pas, normalement je ne la vois qu’à la télé. »
🤝 Ravi de vous accueillir aussi nombreux, avec @MLP_officiel, lors de la cérémonie des vœux, qui va bientôt débuter ! pic.twitter.com/5bk3uaBo9a
— Steeve Briois (@SteeveBriois) January 26, 2020
Les médias, eux, n’ont eu d’yeux que pour Marine Le Pen. Sous une montagne de caméras, elle a répondu aux questions des journalistes. Steeve Briois a bien tenté de se positionner dans le champ. Mais la présidente du RN a tout juste tourné les talons que les caméras ont déguerpi du terrain. Laissant le maire d’Hénin-Beaumont rentrer seul au vestiaire.
Un match truqué
Sur le calendrier, cet événement n’apparaît pas comme un match officiel, plutôt un match amical. Entendre : pas un meeting de campagne, ni même une annonce de candidature. Et pour cause. Le code électoral empêche les collectivités publiques de mener des actions de propagande pendant les six mois qui précèdent une élection. Elles sont également interdites de contribuer au financement de la campagne électorale d’un candidat quel qu’il soit.
Pourtant, les joueurs du Rassemblement national ont clairement surinvesti la rencontre pour faire de cet échauffement une véritable démonstration de force. L’objectif politique des vœux est clair : lancer officieusement la bataille des municipales et faire d’Hénin-Beaumont un modèle de réussite pour le RN. Marine Le Pen a précisé devant les caméras la stratégie de son parti pour les municipales dans le bassin minier : « Etre présent dans le plus grand nombre de villes possible et d’en gagner un maximum ». Des vœux bien politiques, donc.
« Je suis contraint de ne pas me prononcer sur le bilan de l’année en cours », a lancé Steeve Briois à la foule, préférant simplement témoigner de « son amour pour sa ville ». Mais le maire d’Hénin s’est permis quelques grigris. En apportant de « bonnes nouvelles » aux habitants : baisse de la délinquance, dynamisme économique de la commune, hausse du nombre de concitoyens… Steeve Briois a indiqué qu’il ne se prononcerait que « dans quelques semaines » pour pouvoir « être maire jusqu’au bout ». Mais sa candidature aux prochaines municipales ne fait aucun doute.
Dans le vestiaire d’en face
Deux équipes, deux divisions d’écart. A 16 heures, c’est au tour des adversaires de se réunir pour présenter ses vœux. Un collectif « écologiste, citoyen et solidaire » mené par Marine Tondelier, l’élue d’opposition EELV qui a réussi à rassembler les Insoumis et le PS derrière elle.
Carrelage et murs blancs, tables et chaises en plastique… Dans ce petit local de campagne à la décoration sobre, une quarantaine de personnes à peine a pris place. Le constat est évident : la liste « Osons Hénin », réunissant plusieurs sensibilités de gauche, n’a clairement pas les mêmes moyens que son opposant, laissant planer une forte crainte de relégation.
Notre permanence de campagne est ouverte au 69 Place Jean Jaurès !
Nous vous y recevront tous les jours, à l’improviste ou sur rendez‐vous 😊
Que vous soyez convaincus ou curieux nous serions ravis de vous y accueillir 🙂
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à nous contacter 😊 pic.twitter.com/15asYmUPJ5
— Osons pour Hénin‐Beaumont (@OsonspourHB) January 8, 2020
Présente aux vœux de Steeve Briois, Marine Tondelier, une écologiste membre de l’opposition municipale depuis six ans, tête de liste d’« Osons Hénin » et ex‐candidate à plusieurs élections locales, lance la contre‐attaque en qualifiant le spectacle du matin de « propagande ». Aurélien Gack, co‐responsable du programme, contrôle la balle et frappe un grand coup en parlant de « berlusconisation de la politique ».
Les tacles se sont ensuite multipliés. Avec le programme de Steeve Briois des élections de 2014 en main, Marine Tondelier liste les promesses qu’elle estime non tenues : « L’espace lumière ? Il n’a pas bougé. La cité Foch est toujours délabrée et la modernisation du foyer Pasteur, on ne sait pas où elle en est ».
Au micro, elle tient tout de même à se féliciter de la présence des quelque 40 personnes. Et se rassure comme elle peut, après avoir enlevé les chaises de la salle : « Elles prenaient trop de place, c’est bon signe ! »
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