Dix‐huit heures, un soir de semaine, entre les ponts Wilson et Lafayette. Sur la piste des berges du Rhône, tous les profils de la tribu des cyclistes se croisent, se doublent et se klaxonnent : l’employé de bureau, pince en bas du pantalon, sur son deux‐roues hollandais, deux amies visiblement en balade en cette fin août, un père de famille sur son vélo‐cargo d’où émergent deux têtes blondes ou encore un livreur en VTT, sac cubique sur le dos, qui pédale deux fois plus vite que tout le monde. Le trafic paraît continu et dense. Et Lyon, définitivement convertie au vélo. Mais l’image est trompeuse…
D’après l’enquête annuelle de recensement de la population de 2015, publiée par l’Insee en janvier dernier, seuls 5,9% des actifs lyonnais se rendent au travail à vélo. Parmi les villes françaises de 100 000 habitants ou plus, Lyon arrive à égalité avec… Angers, en neuvième position ! Derrière Toulouse, Nantes ou Rennes, mais surtout loin, bien loin, des sprinters que sont Strasbourg, Grenoble et Bordeaux.
Pourquoi une telle contre‐performance ? Il y a douze ans, Lyon s’illustrait en ville pionnière en lançant Vélo’v, un système inédit en France de vélo en libre‐service (VLS). Certes, le dispositif existait déjà à La Rochelle depuis 1976 ou à Amsterdam depuis 1965, mais Lyon l’a développé à grande échelle et ses vélos rouges ont inspiré toutes les autres métropoles, plus ou moins grandes, de Toulouse à Lille en passant par Rouen, Nancy ou Marseille. Et bien entendu Paris qui imite Lyon, avec deux ans de retard en 2007, en installant ses Vélib’. Le mouvement consacre ce “nouveau” moyen de déplacement urbain. En l’espace de quelques années il révolutionne l’image du vélo et « joue de ce fait un effet déclencheur sur l’ensemble de la filière », note un rapport d’Altermodal de 2009 pour Atout‐France, l’agence de développement touristique. Paradoxe : entre 2005 et 2016, dans la ville qui a initié la vague des vélos en libre‐service, la part modale des bicyclettes n’a pas évolué.
Ce résultat est toutefois à nuancer. Les « enquêtes ménages déplacements » sont réalisées tous les dix ans,