Précarité étudiante : à Lyon, le dramatique manque de logements du Crous

Dans la ville où s’est immolé par le feu, début novembre, un étudiant de 22 ans, moins de cinq étudiants sur 100 peuvent espérer décrocher un studio au sein d’une résidence universitaire aux loyers subventionnés. La faute à un défaut d’anticipation de l'Etat et des collectivités locales face à l'explosion de la population étudiante.

Crous-Lyon
Ce mardi 26 novembre, plusieurs organisations syndicales appellent à se mobiliser contre la « précarité étudiante ». Ici, devant le Crous de Lyon. Photo : NB/Mediacités.

Il n’a pas choisi le lieu par hasard. Le 8 novembre dernier, Anas, 22 ans, en licence à Lyon‐II, tente de s’immoler par le feu devant le bâtiment du Crous, rue Garibaldi dans le 7e arrondissement de Lyon. Son geste a mis en lumière la précarité inquiétante dans laquelle sont plongés nombre d’étudiants – d’après l’Insee, un sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Le « Centre régional des œuvres universitaires et scolaires », plus connu sous son acronyme de « Crous », gère notamment les restaurants universitaires et les résidences étudiantes à l’échelle de l’académie. Une compétence pour laquelle cette institution, qui dépend du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, accuse un retard dramatique à Lyon. 

D’après les chiffres recensés par Mediacités, le Crous dispose d’à peine plus de8000 logements dans l’agglomération pour une population de plus de 170 000 étudiants (à la rentrée 2018). Autrement dit, seuls 4,7% des jeunes qui peuplent les universités et grandes écoles de Lyon peuvent espérer obtenir une place dans une résidence. Une proportion à nuancer : une minorité d’entre eux, originaires de Lyon, continuent de vivre chez leurs parents et ne formulent pas de demande de logement. 

L’enjeu est financier : en moyenne, un studio Crous coûte 370 euros contre 485 euros sur le marché immobilier privé. D’après un rapport du syndicat Unef, en 2018, un étudiant à Lyon dépenserait même 526 euros oar mois pour se loger. Une moyenne bien supérieure à celle observées à Toulouse (457 euros), Nantes (413 euros) ou Lille (472 euros). 

Le décrochage lyonnais n’est pas une exception. Mais, hors Paris, la métropole du Rhône est l’agglomération qui affiche le taux de logements du Crous le plus bas de France (il est par exemple de 8,35% à Toulouse). En cause ? L’explosion du nombre d’étudiants. Ces quinze dernières années, il est passé de 120 000 à 170 000. Et la Métropole s’attend à en accueillir 180 000 d’ici à 2025. Face à ce boom, le Crous ouvre de nouvelles résidences [lire plus bas] mais trop peu et trop tard, jusqu’à maintenant, pour combler le retard.

70% du budget étudiant

« De plus en plus d’étudiants nous contactent parce qu’ils ont des difficultés à se loger, témoigne‐t‐on du côté de l’Association départementale d’information sur le logement (Adil). Nous recevons une grande partie de ces appels entre juin et août, quand sont connus les résultats des attributions des logements du Crous. » Dans la course au studio étudiant, les gagnants ne s’évitent pas l’angoisse – les dernières décisions du Crous tombent parfois fin août. Situation vécue par Marie*, en première année à Sciences Po Lyon : « J’ai passé tout l’été à demander des résidences avec des places vacantes et à essuyer des refus. La réponse positive est arrivée une semaine avant la rentrée ».

Les perdants, eux, se tournent vers le privé et ses obstacles comme l’exigence d’un garant gagnant au moins trois fois le loyer. C’est le cas de Chloé*, boursière échelon 2 (environ 250 euros par mois), originaire de Cognac, qui loue un appartement 450 euros par mois à Vénissieux après avoir essuyé plusieurs refus auprès de résidences des 3e et 7e arrondissements. Le logement représente 70% du budget d’un étudiant, rappelle Antoine Dulin, vice‐président du Conseil économique, social et environnemental, dans Le Monde du 26 novembre.

Depuis une dizaine d’années, le Grand Lyon a pourtant pris conscience du retard en la matière. Le maire de Villeurbanne Jean‐Paul Bret, vice‐président de la Métropole chargé des Universités, en veut pour preuve l’adoption, en 2010, d’un « schéma de développement universitaire ». Ce document dressait le constat du manque de logements, au regard de l’attractivité de la ville, et affichait la volonté de livrer au moins 1 000 appartements étudiants par an jusqu’en 2019. Un objectif loin d’être atteint…

« Le rattrapage est en cours »

En 2014, le Crous et ses partenaires (collectivités et bailleurs sociaux) adoptaient un « plan 4 000 » (comme le nombre de logements à construire), déclinaison locale du « plan 40 000 » national. Plus de 38 millions d’euros ont ainsi été débloqués dans le cadre d’une convention entre la Région (18,3 millions), la Métropole (6,5 millions), le Crous (11,6 millions) et l’Etat (2 millions). Le Grand Lyon s’engage alors à dépasser l’objectif et à fournir 6 000 logements entre 2014 et 2020.

Bilan cinq ans plus tard ? 4 139 nouvelles places ont été livrées entre 2013 et 2019 (soit l’équivalent de la moitié du parc actuel). « Lors du dernier conseil de la Métropole, nous avons débloqué 8 millions d’euros supplémentaires [aux 6,5 millions votés initialement], ajoute Jean‐Paul Bret. Aujourd’hui, 800 logements étudiants sont construits par an, contre 100 en 2010. Le rattrapage est en cours. » L’effort devrait se poursuivre, dans le cadre d’un nouveau plan national de 60 000 nouveaux logements.

En parallèle, le Crous construit, sur fonds propres ou en ayant recours à l’emprunt, sur les terrains dont il dispose. « Une opération de 1 100 logements, dont une part de rénovation, a été lancée », vante Aurélie Brousse, responsable communication du Crous de Lyon [voir le détail dans le document ci‐dessous]. Ces travaux, programmés jusqu’à 2025, correspondent notamment à des opérations de démolition‐reconstruction ou de densification de résidences déjà existantes. D’après Aurélie Brousse, les ambitions du Crous d’ouvrir de nouvelles adresses se heurtent à la pression foncière « particulièrement forte à Lyon ».

Opérations constructions Crous 2025

Moisissures, punaises de lit, vitre brisée…

Pour résorber la précarité étudiante, rénover semble parfois aussi urgent que construire du neuf. En octobre dernier, un article de Rue89Lyon révélait les conditions d’insalubrité de la résidence Mermoz, dans le 8e arrondissement : cafards, punaises de lit, moisissures, humidité, porte coupe‐feu à la vitre brisée… Depuis la rentrée, une trentaine de locataires ont quitté cette résidence ou ont demandé une réaffectation au Crous. Une démarche longue et éprouvante : « J’ai pleuré au téléphone jusqu’à ce qu’on me promette de me reloger », confie à Mediacités Imane, boursière échelon 7 (soit 555 euros par mois), qui s’est finalement vu proposer un autre studio dans la résidence Croix du Sud, dans le même arrondissement.

Mermoz « reste un cas particulier », d’après deux étudiants élus au conseil d’administration du Crous, qui souhaitent rester anonymes. « Le Crous avait un projet de rénovation prévu pour 2022. Il n’a finalement pas effectué les investissements », explique Jean‐Paul Bret. La faute au débat, à la Métropole, qui a porté sur la démolition du bâtiment, finalement actée après quelques tergiversations. En attendant la livraison de la nouvelle résidence, en 2022, aucun travaux d’envergure ne sont prévus. Prière aux actuels occupants de prendre en patience l’humidité et les cafards…

(*) Les prénoms suivis d’une astérisque ont été modifiés.

Cet article concerne la promesse : 
Voir toutes les promesses de vos élus

  • J’ai un logement que je loue depuis plus de20 ans à des étudiants qui ont toujours été satisfaits.
    Au début à des étudiants envoyés par le CROUS puis à des membres de la famille élargie.
    Une jeune petite cousine quitte le logement car elle a un stage dans une entreprise à Dôle (jura).
    Je propose donc le logement à un étudiant qui, lui, serait en stage sur la métropole de Lyon jusqu’en juillet. Il est situé à Villeurbanne très prêt du campus de la Doua et des tramways T1, T4.
    Malheureusement, je n’arrive pas à contacter le CROUS bailleur par téléphone

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Par Amandine Miallier et Mathilde Amen

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