Dans son programme électoral en 2015, au chapitre de la formation professionnelle – l’une des compétences essentielles de la région -, Laurent Wauquiez faisait du Laurent Wauquiez : le candidat des Républicains promettait « de fermer les formations inutiles comme celle des métiers du cirque et des marionnettistes et […] de développer celles qui débouchent sur de vrais emplois ». Un mandat à la tête d’Auvergne-Rhône-Alpes plus tard, et alors qu’il en brigue un deuxième, a‑t‐il tenu parole ? Oui… pour ce qui est de fermer des formations.
Mediacités s’est plongé dans les chiffres de la formation professionnelle continue en Auvergne‐Rhône‐Alpes. Premier constat : dans la politique d’économies budgétaires engagée par l’exécutif de Laurent Wauquiez, ce domaine central pour l’insertion des demandeurs d’emploi a été particulièrement mis à contribution. Il se révèle être le premier domaine de réduction des dépenses. Sur les 314,8 millions d’euros de dépenses de fonctionnement économisées par la région entre 2015 et 2020, 117,8 millions d’euros – soit plus du tiers – correspondent à une baisse des dépenses dans la formation professionnelle continue.
Accéder à un emploi, s’y maintenir ou se réorienter
Destiné à tous les actifs, qu’ils soient demandeurs d’emplois, salariés, indépendants ou chefs d’entreprise, ce dispositif permet de se former tout au long de son parcours professionnel, d’acquérir de nouvelles compétences indispensables pour accéder à un emploi, s’y maintenir ou se réorienter. Pour les chômeurs, ceux de longue durée notamment, il est essentiel pour s’insérer sur le marché du travail. Ces formations peuvent poursuivre différents objectifs, de la lutte contre l’illettrisme à la maîtrise des outils numériques, en passant par l’obtention de certifications professionnelles.
Pour les financer, les régions disposent de versements provenant de France compétences, un organisme placé sous la tutelle du ministère du Travail et chargé de répartir les sommes récoltées auprès des entreprises ; mais aussi d’un budget propre, principalement constitué des dotations globales de fonctionnement versées par l’État. Dans la collectivité présidée par Laurent Wauquiez, ce sont ces subsides, issus du budget de la Région, qui se sont réduits comme peau de chagrin ces cinq dernières années.
Auvergne‐Rhône‐Alpes, mauvais élève de la formation professionnelle
Depuis l’élection de celui qui fut secrétaire d’État chargé de l’Emploi, l’Auvergne-Rhône-Alpes est la région dont les dépenses dédiées à la formation professionnelle ont connu la plus forte chute.
En 2015, alors que l’Auvergne et Rhône‐Alpes étaient encore des entités distinctes, les dépenses agrégées des deux régions s’élevaient à 217,3 millions d’euros. Une somme qui classait Auvergne‐Rhône‐Alpes au troisième rang des régions de France métropolitaine à consacrer le plus de moyens à la formation professionnelle. En 2020, l’effort est tombé à 100 millions d’euros, soit une réduction de plus de moitié de l’accompagnement en faveur de l’emploi.
Le 29 avril dernier, durant la dernière assemblée plénière du conseil régional du mandat, les élus de la majorité ont justifié la baisse des dépenses de 2020 par le confinement du printemps. Celui‐ci a empêché la tenue de nombreuses sessions de formation. Mais il est loin de pouvoir justifier la cure d’austérité subie par la formation professionnelle, continue depuis cinq ans.
En 2019, avec 119,8 millions d’euros, la région Auvergne‐Rhône‐Alpes pointait à la neuvième place (sur douze) du classement des régions pour les dépenses de formation continue. Si on ramène ce chiffre au budget total de la collectivité, le décrochage devient encore plus flagrant : la formation professionnelle en Auvergne‐Rhône‐Alpes ne représente que 3,2% de l’ensemble des dépenses, comme l’illustre notre carte ci‐dessous. Seule la Corse fait moins.
Cette place de mauvais élève s’explique par un choix politique. En 2018, le Premier ministre Édouard Philippe présente un vaste plan d’investissement dans la formation professionnelle, baptisé Plan d’investissement dans les compétences (PIC). Il est doté d’une enveloppe de 7,1 milliards d’euros à destination de l’accompagnement des demandeurs d’emploi. L’objectif du PIC est de réorienter la formation professionnelle vers ceux qui en ont le plus besoin : les chômeurs de longue durée et les actifs peu qualifiés.
L’État prévoit alors d’associer les régions à ce plan d’investissement via la signature de pactes régionaux d’investissement dans les compétences (PRIC). Pas du goût de Laurent Wauquiez… qui refuse de signer le PRIC. Résultat : sa région est la seule, avec Provence‐Alpes‐Côte d’Azur, à ne pas être associée au pacte d’investissement du gouvernement.
Formation professionnelle : Muriel Pénicaud tacle Laurent Wauquiez en Auvergne‐Rhône‐Alpes https://t.co/ViGRCb3P5a
— Europe 1 🎧🌍📻 (@Europe1) April 15, 2019
Sur le terrain, ce choix s’est traduit par une chute vertigineuse du nombre de formations commandées par la région : 36 500 formations en 2016 contre 13 500 en 2019 (données disponibles les plus récentes). À titre de comparaison, les autres régions en ont commandé en moyenne plus du double cette année‐là… Mécaniquement, la part des formations commandées par le conseil régional parmi l’ensemble des formations proposées sur le territoire est passée de 51,76% en 2015 à seulement 14,17% en 2019 [voir notre infographie ci‐dessous].
Si le nombre total de formations professionnelles en Auvergne‐Rhône‐Alpes s’est maintenu à un niveau relativement élevé, c’est parce que d’autres acteurs institutionnels sont venus pallier le désengagement progressif de la région. Prenant acte du refus de Laurent Wauquiez de s’associer au pacte de l’État, Pôle Emploi a signé le PRIC en 2019. Pour les chômeurs, la baisse du nombre de formations financées par la région a donc pu être compensée par celles payées par Pôle emploi.
Contactées à plusieurs reprises, ni la région ni Stéphanie Pernod‐Beaudon, la vice‐présidente chargée de la formation professionnelle, n’ont donné suite à nos sollicitations. L’assistante de cette dernière nous a répondu qu’aucun rendez‐vous n’était envisageable « avant le mois de juillet ». Dans un article publié en décembre dernier par l’agence AEF, l’élue assumait la baisse des financements : « Tout ne réside pas dans le fait de dépenser plus d’argent, défendait‐elle (…). Nous avons gagné en efficacité ce que nous avons perdu financièrement. Notre objectif premier, qui était de financer des formations pour des gens qui respectent l’argent public, est rempli. » Les marionnettistes apprécieront…
Les auteurs de l’article ont contacté la vice‐présidente de la région Stéphanie Pernod‐Beaudon dès le 20 avril dernier. Suite à plusieurs relances, l’assistante de l’élue leur a affirmé qu’aucun rendez‐vous n’était envisageable avant le mois de juillet. Elle a par ailleurs refusé d’organiser un rendez‐vous téléphonique. Le service presse de la région n’a pas souhaité non plus répondre à leurs questions sur l’action de la collectivité concernant la formation professionnelle.
Cette enquête ayant été réalisée dans le cadre d’un travail étudiant du master de journalisme de données et d’enquête du CFJ‐Sciences Po Lyon et sans rémunération des auteurs de la part de Mediacités, nous avons décidé de la publier en accès libre.
La rédaction de Mediacités
Retrouvez l’ensemble des enquêtes de Mediacités sur la gestion de la région par Laurent Wauquiez sur notre page spéciale :
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