Les dessous de l’éviction du directeur de la communication de la Ville et de la Métropole de Nantes

En dix ans de mandat, c’est la première fois que Johanna Rolland se sépare d’un directeur général adjoint. Patron de la communication de la Ville et de la Métropole depuis 2016, Xavier Crouan a fait cet été les frais de cette première. Décryptage d’un surprenant licenciement pour « perte de confiance ».

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Directeur de la communication de la Ville et de la Métropole de Nantes depuis 2016, Xavier Crouan est évincé pour "rupture de confiance" / Photo : Ville de Nantes

«Cinq à huit ans, c’est le bon tempo pour se remettre en question soi‐même. Il faut environ trois ans pour prendre en main une direction de la communication, puis repenser la stratégie, la déployer. Il est important d’évoluer, car la société bouge et il est nécessaire de changer d’environnement, de passer d’une strate à une autre éventuellement ». Xavier Crouan ne pensait pas si bien dire en répondant aux questions de Brief, magazine consacré à la communication publique, en 2019.

Arrivé trois ans auparavant à la direction de la communication de la Ville et de la Métropole de Nantes, il avait expérimenté les bienfaits de la mobilité en dirigeant pendant cinq ans le service communication du Conseil régional d’Ile-de-France (2011/2016) après celui de la Ville et de la Métropole de Rennes (2004/2011). Rendu public fin juillet, son départ de Nantes, sept ans après son arrivée, confirme donc ses convictions sur les nécessaires changements professionnels. A la différence près, que cette fois‐ci, le « dircom » a été placé devant le fait accompli : licencié pour « perte de confiance ».

Une nouvelle tête pour « un nouvel élan »

C’est au printemps que le couperet est tombé. Xavier Crouan, 61 ans, apprend alors son licenciement par la voix du DGS (directeur général des services), Olivier Parcot. Et ce, un an et demi avant sa retraite. Pourquoi ce départ anticipé ? « Ce n’est pas un départ pour faute mais la nécessité à la mi‐mandat d’avoir un nouvel élan, une nouvelle énergie sur les trois dernières années du mandat », explique aujourd’hui Olivier Parcot à Mediacités. Xavier Crouan n’était-il pas en mesure de donner cette nouvelle impulsion ? « Nous avons considéré que c’était mieux de changer d’homme ou de femme pour cette seconde partie de mandat », répond pudiquement le directeur général des services.

Il faut dire que la fonction de directeur de la communication s’est politisée ces dernières années comme le souligne Antoine Gazeau‐Marchand. « Le rôle du « dircom’ » est beaucoup plus stratégique aujourd’hui, en lien avec le cabinet, explique le rédacteur en chef de Brief, un média professionnel consacré aux communicants publics. Avant, sa tâche essentielle était de réaliser les médias et les campagnes de la collectivité. Aujourd’hui, ils sont des chefs d’orchestre « com’ » du projet politique », analyse‐t‐il.

Pour répondre aux attentes du cabinet, il faut perpétuellement repenser la stratégie et les outils de communication. « Il est demandé aux directeurs de communication de faire preuve de plus en plus de créativité, poursuit Antoine Gazeau‐Marchand

. C’est ce qu’essaient de faire les Rennais en permanence, par exemple. A Nantes aussi des outils nouveaux ont été mis en place. Mais la cohérence d’ensemble est un peu moins lisible. »

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Un dircom victime de l’insécurité nantaise ?

Reste qu’à ce niveau de responsabilité, les changements de tête s’avèrent plutôt rares à ce moment d’un mandat. « C’est courant de voir le départ d’un directeur de communication en début de mandat. Ça l’est beaucoup moins en cours de mandat. Notamment dans les collectivités importantes », reprend Antoine Gazeau‐Marchand. 

Alors, pourquoi un tel départ ? Au sein du service communication, les langues se délient petit à petit. « Depuis plusieurs mois, on entendait dire que Xavier Crouan ne répondait pas assez aux attentes du cabinet de Johanna Rolland. Notamment en matière de gestion de crise », expliquent plusieurs agents du service sous couvert de l’anonymat. A titre d’exemple, ils citent notamment les nombreux faits divers du début d’année qui ont projeté la ville au cœur d’une tempête médiatique et sécuritaire inédite.

L’analyse est formellement démentie par Olivier Parcot. « C’est un avis personnel de certaines personnes. Xavier Crouan était présent au cœur de la gestion de crise et il a fait son boulot. Je peux avoir des points de progrès à souligner mais je ne pense pas que l’on puisse faire publiquement l’évaluation d’une personne », insiste‐t‐il auprès de Mediacités.

Une lettre ouverte des agents sur leur mal‐être

Entre mai et juillet, ce licenciement restera secret jusqu’à un évènement qui viendra percuter l’annonce officielle. Début juillet, les agents du service de communication envoient une lettre ouverte à leur directeur Xavier Crouan. Ils ne savent pas alors que ses jours à la tête du service sont comptés. Dans ce courrier, ils lancent un appel à l’aide et décrivent une fatigue professionnelle qui amène certains à des arrêts maladie de longue durée suite à des burn‐out. En 2018, une première alerte du même type avait donné lieu à un accompagnement en ressources humaines.

Deux jours après cette missive, les agents sont convoqués à une réunion avec le DGS en personne. A la surprise générale, ce dernier dévoile le départ le soir même de leur chef, Xavier Crouan. « Nous avons ressenti cette annonce comme une exécution publique alors que notre lettre ouverte ne pointait pas du doigt Xavier, regrette une participante. On s’attendait à un échange sur notre mal‐être et nous nous sommes retrouvés avec encore plus de questions qu’avant cette annonce. Bref, ça a renforcé nos inquiétudes. »

« C’est vrai que cette concomitance n’était pas très heureuse », confesse Olivier Parcot, qui poursuit : « Xavier soldait ses jours de congés et partait le soir même. C’était nécessaire d’en informer les équipes. L’information n’avait pas été réalisée avant car il fallait respecter la procédure de licenciement. »

Recrutement en cours

La procédure a duré un peu plus de temps que prévu puisque des discussions ont eu lieu pendant plusieurs semaines entre le DGS et le futur licencié. Au menu : l’hypothèse d’un recasement « pour des questions éthiques et de respect de la personne » au sein de Nantes Métropole ou d’une structure parallèle. Proposition finalement refusée par Xavier Crouan.

Ses jours de congés soldés, Xavier Crouan refera une apparition à la mairie le 5 septembre prochain pour son pot de départ. C’est aussi le jour choisi par Olivier Parcot pour rencontrer à nouveau les agents du service communication et répondre aux préoccupations évoquées dans leur lettre ouverte. Il faudra en revanche attendre encore un peu pour connaitre le nom du futur ou de la future dircom’ nantais(e).

Quatre à cinq candidats(es) sont d’ores et déjà présélectionnés. Ils passeront devant un jury début septembre. L’heureux(se) élu(e) aura la délicate et politique mission de mettre en scène le « récit territorial » basé sur la « métamorphose de la Ville et de la Métropole en termes de mobilité, d’énergies ou d’alimentation » pour les trois dernières années de mandat de Johanna Rolland. Avec dans son viseur les élections municipales de 2026.

[Mise à jour 06/11/2023] Le nouveau dir’com : Marc Péron

La Ville de Nantes et la Métropole ont annoncé le 6 novembre dans un communiqué de presse le nom du nouveau directeur de la communication des deux entités. Il s’agit de Marc Péron, l’actuel dir’com de l’université de Nantes.

Son profil LinkedIn nous indique qu’il a obtenu un DESS « Communication politique et sociale » en 2003 à la Sorbonne. Après avoir travaillé dans le privé en tant que consultant puis directeur d’une agence de com’, il a pris le poste de directeur de la communication de l’université de Nantes en 2011. Il est aussi secrétaire général de l’ARCES (Association des Responsables de Communication de l’Enseignement Supérieur)

À 43 ans, il va donc avoir en charge la communication de la Ville et de la Métropole. « Sa parfaite connaissance de Nantes, son expérience managériale et ses qualités de professionnel reconnues de la communication constituent des atouts essentiels pour assurer cette mission. Sa passion pour Nantes et ses habitants, et son expérience professionnelle offriront un regard neuf et enthousiaste sur la communication de Nantes et Nantes Métropole pour cette seconde partie de mandat », selon le communiqué de la Ville et de la Métropole.

Le service communication en chiffres

Xavier Crouan dirigeait le service « Information et relations au citoyen », autrement dit, la communication externe de la Ville de Nantes et de la Métropole. Ce service mutualisé compte environ 70 agents pour un budget de 3 millions d’euros selon la Ville et la Métropole.

Comme nous le précisions dans une réponse à un lecteur en 2021 des cabinets extérieurs planchent aussi sur cette communication externe. Pour être complet sur la masse salariale liée à la communication, il faut rajouter une dizaine d’agents pour la communication interne.

Xavier Crouan n’a pas répondu à nos demandes d’interview.

  • Merci pour cet article.
    Gageons que ce monsieur disposera d’une prime de licenciement suffisante pour faire la jointure avec sa retraite.
    Quant à la « com » versus insécurité ressentie à Nantes, je ne pense pas qu’elle fera le poids.
    Et elle ne fera pas le poids par rapport aux obsessions de CNews et cie.

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Par Antony Torzec

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