C’est le chiffre du moment. Celui qui ouvre votre flash info à la radio et qui inonde les réseaux sociaux. Le « nombre de cas confirmés de Covid‐19 » est devenu l’étalon de la progression de l’épidémie de coronavirus sur le territoire français.
Depuis l’apparition de trois premiers cas d’infection en France, le 24 janvier 2020, la communication des autorités sanitaires a grandement évolué. Le ministère de la Santé, alors dirigé par Agnès Buzyn, s’est d’abord employé à recenser le nombre de cas détectés dans les « clusters » de circulation du virus, des foyers de contamination souvent limités au périmètre d’une ville. À l’époque, le nom de certaines communes comme Contamines‐Montjoie (Haute‐Savoie), le Crépy‐en‐Valois (Oise) ou encore Auray (Morbihan) était sur toutes les lèvres.
Très vite, cependant, le virus s’est propagé au‐delà de ces clusters. Les Agences Régionales de Santé (ARS), chargées de piloter la politique de santé publique à l’échelle des régions, communiquent à leur tour le nombre de cas recensés sur leur territoire. Le 26 février, deux premiers cas de patients infectés par le Covid‐19 sont confirmés dans les Hauts‐de‐France. Le lendemain, c’est au tour de l’Occitanie avec un premier cas pris en charge à Montpellier.
Avant même que la phase 3 de l’épidémie ne soit déclarée, les autorités de santé changent de stratégie de communication : finis les clusters, place au nombre de nouveaux malades détectés quotidiennement dans chaque région et dans chaque département. Ces chiffres sont allègrement repris par des médias locaux qui font le point, graphiques et cartes à l’appui, « département par département », comme chez Sud Ouest, ou « région par région », comme sur le site de Ouest‐France.
Sauf qu’il faut lire avec grande précaution le nombre indiqué de malades du Covid‐19 sur votre territoire. D’autant que la méthode des autorités sanitaires pour décompter ces cas va très bientôt changer.
Les malades du coronavirus ne sont pas tous testés
Première limite de ce chiffre qui se propage comme un virus : il est basé sur un nombre limité de tests puisque, depuis l’enclenchement de la phase 3, le ministère de la Santé les réserve aux populations à risque qui présentent des symptômes évoquant le coronavirus.
« On a complètement changé de stratégie sanitaire », explique Michèle Legeas, enseignante‐chercheuse à l’École des Hautes‐Études en Santé Publique. « Jusqu’à la phase 3, on essayait d’avoir une idée du ‘nuage’ de personnes touchées par le virus autour des patients pris en charge à l’hôpital. Dorénavant, on a seulement des informations sur les cas graves ou à risque », complète‐t‐elle. Par exemple, ce n’est pas parce qu’une femme enceinte est testée positivement au Covid‐19 que son conjoint vivant dans le même foyer le sera.
Les nouveaux cas de Covid‐19 annoncés quotidiennement par les agences régionales de santé sont donc à lire avec prudence : « ils concernent d’abord les cas modérés ou plus graves désormais », relève Michèle Legeas.
« On compare des données qui n’ont pas le même sens »
Ces précautions valent également à l’échelle nationale. S’exprimant sur l’avancée de l’épidémie de coronavirus en France, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a déclaré, dans un entretien au Figaro paru vendredi 20 mars, « [qu’]on estime le nombre de malades à 20 000 ». Le même jour, pourtant, son directeur général de santé annonçait 12 612 cas confirmés de Covid‐19 détectés sur le territoire français. Un tel décalage s’explique notamment par la stratégie française de concentrer les dépistages sur les populations à risque.
Ce qui n’est pas sans poser de problèmes lorsqu’on étudie l’évolution des cas de coronavirus détectés en France depuis le mois de janvier, comme le proposent de nombreux graphiques publiés par des sites d’information ces dernières semaines. « Une rupture dans la stratégie sanitaire signifie aussi qu’il y a une rupture dans les séries de données », prévient Michèle Legeas, qui poursuit : « On n’a pas moyen de faire autrement aujourd’hui, mais il faut comprendre qu’en visualisant le nombre de cas détectés début février avec celui du 20 mars, on compare des données qui n’ont pas le même sens : les cas de Covid‐19 détectés aujourd’hui concernent surtout les populations les plus à risque ».
Les personnes infectées par le coronavirus peuvent ne pas présenter de symptômes
Un autre problème se pose avec les personnes infectées par le Covid‐19 et qui sont dites asymptomatiques, c’est-à-dire qu’elles ne présentent aucun signe indiquant une contamination au virus bien qu’elles le portent. Une étude publiée dans la revue scientifique Eurosurveillance et réalisée par des chercheurs japonais, américains et britanniques a ainsi révélé qu’à bord du paquebot Diamond Princess, immobilisé au large des côtes japonaises durant 13 jours, 17,9% des passagers infectés par le Covid‐19 ne présentaient aucun symptôme.
À moins de tester les 67 millions de Français, il est donc impossible de connaître précisément le nombre de patients ne présentant pas de symptômes mais qui restent cependant porteurs du virus et peuvent le transmettre. Car, comme le rappelle l’ARS Hauts‐de‐France jointe par Mediacités, « nous ne communiquons pas sur des projections. Les cas confirmés d’infection au nouveau coronavirus concernent uniquement des personnes pour lesquelles le test biologique au Covid‐19 s’est avéré positif ». Ces personnes, on l’a vu, ce sont d’abord les fameux patients « à risque » et pas un individu qui aurait signalé des symptômes évocateurs en appelant SOS Médecins par exemple.
L’équation est d’autant plus compliquée que la communication gouvernementale sur le nombre de tests Covid‐19 effectués chaque jour en France est pour le moins opaque. La Direction Générale de la Santé n’a pas donné suite à la demande de Mediacités pour obtenir ce chiffre. Du côté de Santé Publique France, le relevé du nombre de diagnostics Covid‐19 prend du retard : à la date de publication de cet article, l’organisme relève un peu plus de 4 000 tests réalisés le 15 mars, dernier jour pour lequel des données sont disponibles – une éternité compte tenu de la courbe de progression du virus.
Un chiffre repris mercredi 18 mars par le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon. Qui est passé, deux jours plus tard, à « environ 8 000 », selon Jean‐François Delfraissy, président du comité scientifique chargé de conseiller le gouvernement sur le Covid‐19, interviewé par Le Monde.fr, vendredi 20 mars. Le même Jean‐François Delfraissy évoque, dans un article de La Croix également paru vendredi 20 mars, de « 5 000 à 8 000 tests par jour ».
Bref, la confusion demeure, quand d’autres pays comme l’Italie ont choisi de faire preuve de transparence en publiant le nombre quotidien de tests Covid‐19 effectués sur la plateforme en ligne GitHub, qui permet par exemple aux journalistes de réutiliser facilement ces données pour réaliser des graphiques.
Les tests diagnostics du Covid‐19 ne sont pas fiables à 100%
Les difficultés ne s’arrêtent pas là quand on cherche à comprendre la propagation du nouveau coronavirus dans son département. Car, même lorsque des personnes suspectées d’être porteuses du Covid‐19 sont testées, le résultat en laboratoire peut se révéler faux.
« Tous les tests médicaux présentent une proportion de faux négatifs et de faux positifs »
« Ce n’est pas spécifique aux tests du coronavirus », souligne Michèle Legeas, de l’École des Hautes‐Études en Santé Publique. « En médecine, tous les tests présentent une proportion de faux négatifs et de faux positifs », poursuit‐elle. C’est là un autre motif de risque de sous‐estimation des cas de coronavirus, qui est d’ailleurs évoqué par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) elle‐même dans un guide à destination des laboratoires effectuant les tests diagnostics du Covid‐19. L’OMS explique qu’un test biologique peut échouer à donner un bon résultat si le patient est testé trop tôt durant la période d’incubation par exemple ou, plus simplement, si la qualité des prélèvements s’est détériorée lors de leur manipulation en laboratoire.
Les comparaisons entre régions et départements ont leurs limites
C’est la dernière précaution à prendre devant une carte de France des cas de coronavirus : ceux‐ci peuvent être comparés à la population de la région ou du département.
Théoriquement, plus une région est peuplée, plus le nombre de cas avérés de Covid‐19 devrait être élevé. « Rapporter à la population permet d’avoir une idée du taux de pénétration du virus au sein de la population », relève Michèle Legeas. Ainsi, il peut être trompeur d’intituler une carte « L’Ile-de-France est devenue le premier foyer devant le Grand Est », comme l’écrit France Info sur son site – qui précise seulement plus bas et entre parenthèses : « (elle abrite plus de 12 millions d’habitants) ».
« Ces compteurs sont anxiogènes et ininterprétables »
Mais le problème avec le coronavirus, c’est que rapporter le nombre de personnes infectées à la population régionale ou départementale n’est pas forcément juste. « Pour que cela ait un sens, la répartition d’un virus doit être homogène sur un territoire. Ce qui n’est pas le cas pour le moment avec le Covid‐19 », explique Michèle Legeas, pour qui « tout compte fait, il faudrait presque raisonner par probabilités pour qu’une personne soit malade en fonction du nombre de contacts qu’elle a eus dans la journée, du profil sociodémographique de ces contacts… Bref, publier ces compteurs régionaux tous les jours, c’est anxiogène et ininterprétable ».
Vous aviez besoin d’une dernière mise en garde sur ces cartes et graphiques des cas détectés de Covid‐19 ? Dans son dernier point épidémiologique, Santé Publique France note que, « du fait d’une incidence élevée et en augmentation dans certains départements, tous les cas ne sont plus nécessairement confirmés biologiquement du fait des tensions sur le système de prise en charge ». Autrement dit : plus un département concentre de malades du Covid‐19, moins le personnel hospitalier a le temps de les tester, ce qui va diminuer le nombre de cas « détectés » dans le département, mais pas le nombre de cas réels.
Conscientes de ces limites statistiques, les équipes de Santé Publique France annoncent dans leur dernier bulletin que la surveillance actuelle de l’épidémie « ne permet plus de garantir des niveaux d’exhaustivité et de qualité suffisants pour suivre de manière satisfaisante la dynamique de l’épidémie ». L’ARS Hauts‐de‐France confirme à Mediacités qu’un « nouvel indicateur va être mis en place, inspiré de celui utilisé pour la grippe. Nous allons assurer un suivi syndromique, c’est-à-dire que nous allons ajouter au nombre de patients testés positifs au Covid‐19 des données remontées directement par les médecins de ville, sur le nombre de patients présentant des symptômes évoquant le coronavirus ».
En attendant la mise en place de ces nouveaux indicateurs, les gestes barrières valent aussi pour les cartes et les graphiques du nombre de cas de coronavirus dans votre territoire.
Travailler sur les chiffres du coronavirus à l’échelle locale, c’est se heurter à un problème national : les institutions médicales et les chercheurs ont très peu de temps à accorder aux journalistes ces derniers jours. Les services de presse sont pas ou peu joignables, comme par exemple celui de Santé Publique France, qui finit par me répondre, après deux relances téléphoniques et quatre e‑mails : « Nos experts sont pleinement mobilisés sur le suivi de l’épidémie et ne sont actuellement pas disponibles pour répondre. » Dans ce contexte, un entretien téléphonique sonne comme une petite victoire : il me faut composer six numéros de téléphone différents à l’ARS Occitanie pour avoir, à la sixième tentative, quelqu’un au bout du fil. De leur côté, ni le ministère de la Santé, ni l’Institut Pasteur n’ont donné suite à mes demandes pour obtenir des précisions sur les chiffres du Covid‐19.
Au‐delà de ces difficultés pour joindre des interlocuteurs, il est impossible de savoir quand la nouvelle méthode de décompte des cas de coronavirus, que prépare actuellement Santé Publique France, sera mise en place. J’obtiens un « bientôt » pour seule réponse. À noter que l’ARS Hauts‐de‐France fait partie des rares autorités régionales de santé à avoir cessé de communiquer les données sur le Covid‐19 par département : ses bulletins quotidiens ne mentionnent désormais que le nombre de cas à l’échelle régionale.
Pour la petite histoire, l’idée de cet article est venue d’un débat interne à la rédaction sur… la pertinence de publier un compteur du nombre de cas de Covid‐19 sur le site de Mediacités. Certains, dont je faisais partie avant de creuser le sujet, y voyaient un service rendu aux lecteurs. D’autres alertaient sur les limites de ces chiffres. Nous avons bien fait de les écouter. Il va de soi que, sur Mediacités, vous ne verrez pas de cartes ou de graphiques reprenant ces données tant que la méthode pour les élaborer n’aura pas évolué.
Vous êtes bien gentil, pour ne pas dire plus, avec les autorités administratives de santé chargées de la publication des chiffres relatifs à la pandémie actuelle.
En France il n’est pas possible d’inhumer quelqu’un sans qu’il ait été délivré un permis par un médecin. En période de crise sanitaire il est évident que chaque décès et sa cause sont obligatoirement signalés aux autorités par le signataire du permis d’inhumer. Vous imaginez bien le scandale que ce serait s’il n’en était pas ainsi.
Les autorités sont donc parfaitement informées sans délais, quantitativement et géographiquement, des chiffres des décès dus au COVID‐19. Or, évidemment, si le nombre de cas de personnes atteintes est intéressant, le nombre de décès et leur proximité géographique sont au premier plan de nos préoccupations. Que cela soit anxiogène, je n’en disconvient pas, mais de quel droit une autorité peut‐elle s’arroger le droit de priver les citoyens de cette information. C’est une méthode dictatoriale en opposition totales avec notre fonctionnement démocratique. Chaque citoyen français a le droit de revendiquer une information exhaustive lui permettant de mesurer personnellement les risques de l’existence.
Jusqu’au 22 mars, soit pendant les deux premiers mois de la pandémie, la France ne communiquait pas le nombre de guérisons du COVID‐19 alors que tous les pays du monde le faisaient. J’ai du écrire à l’Elysée pour que le chiffre finisse par être publié le 23 mars.
Quand aux chiffres par région, ceux‐ci étaient publiés jusqu’au 25 mars et depuis, silence radio. De qui se moque‐t‐on ? Serions nous 67 millions de débiles mentaux, manipulables, incapables et sous tutelle de l’Etat ?
À la mi‐mars, les écoles étaient encore ouvertes pour nous rassurer et permettre le maintien du premier tour des Municipales alors même qu’à cette date près de 6.000 décès étaient enregistrés dans le monde (dont un tiers, tout proches, de l’autre côté de la frontière italienne) et déjà près d’une centaine en France ! Un enfant de 5 ans aurait senti venir le danger mais il est clair que les résultats des municipales auraient été très différents si elles avaient été reportées au début de l’été.
Nous atteindrons les 2.000 morts dans deux jours, 2 semaines après l’Italie et donc, avec l’implacable logique des tendances mathématiques, les 8.000 morts vers la mi‐avril.
Plus personne n’a confiance dans la façon dont cette crise sanitaire est gérée. En une seule semaine les personnels de santé se sont retrouvés face aux limites matérielles de leur outil de travail. Les enseignants font face à une situation qui n’avait simplement jamais été envisagée par les politiques et les familles ont épuisées l’encre et le papier des imprimantes nécessaires aux exigences de « l’école à la maison » des enfants et du « télétravail » des adultes. Je n’ose même pas imaginer comment font les familles confinées avec trois enfants scolarisés à la maison et deux parents en télétravail avec un ordinateur et une imprimante à se partager.
Le Gouvernement aura beau nous abreuver de discours fleuve, empli de compassion larmoyante pour ceux qui assument à sa place et de violentes menaces pour ceux qui ne respecteraient pas ses directives guerrières ou refuseraient de travailler 60 h par semaine, la crise sanitaire prendra fin un jour. Nul doute que les survivants se souviendront à qui ils doivent les heures sombres qu’on leur aura fait vivre.
Et devinez qui devra rembourser les 300 milliards d’Euros ?
L’exemple des accidents de la route
C’est un raisonnement biaisé car en mettant en rapport nombre d’accidents mortels et population, cela implique qu’en restant chez vous toute l’année vous courrez malgré tout le même risque d’être tué dans un accident de la route que votre voisin chauffeur‐livreur qui, lui, circule. Cela n’a pas de sens et je ne parle pas du piéton qui, lui aussi circule. La seule façon d’estimer ce risque est de le mettre en regard avec une quantité susceptible de le faire varier, par exemple la distance parcourue dans l’année sur les routes ou/et le type de véhicule utilisé, etc.
Pour cette raison on peut suspecter valablement que le tarif des assurances automobiles n’est absolument pas le résultat d’un calcul d’actuaire comme elles le prétendent mais d’un marchandage orchestré par les lobbies automobiles avec les compagnies d’assurance, le patronat et l’Etat.
La distance parcourue n’est pas prise en compte dans les tarifs (à la petite exception d’une minoration si vous faites peu de kilomètres ou si votre véhicule est remisé au garage) et, pour le même véhicule et même niveau de bonus‐malus, vous payez la même chose, que vous soyez conducteur du dimanche ou représentant de commerce sillonnant des milliers de kilomètres de routes pour son travail.
C’est cette façon inadéquate de mettre certaines choses en regard qui aboutit au sport pseudo scientifique des annonces sensationnalistes du genre “une équipe de scientifiques guatémaltèques à découvert que les femmes qui boivent du café Arabica entre 6h et 9h du matin sont moins souvent convoquées par les professeurs de leurs rejetons…”
JL
PS : dommage que vous ne couvriez pas de ville sur la Côte d’Azur…
bien parlé liotta
C’est juste pour information personnelle par curiosité je ne comprend pas pourquoi je ne peux pas avoir les numéros des departements avec le nombre de personnes a côté. Ce n’est quand meme pas un secret d’État.
Et non …Ce n ” est pas un secret d’Etat ‚mais cela fait partir de l “incompétence de nos gouvernants et du brouillard approximatif dans lequel ceux‐ci veulent nous maintenir afin de cacher leur incompétence à gouverner , diriger le pays.
Nos G.I.N. (Gouvernant Incompétent Notoire )se débattent dans l ” à peu près et l “improvisation.
« Gouverner , c “est prévoir » Cette maxime reflètent totalement ce que ne savent pas faire nos élites politiques et l “intervention du Premier Ministre, cet après midi , devant les Députés français relève de guignol, de la farce, et du vaudeville si les conséquences n “en étaient pas dramatique. Comment un homme érudit, que je pense intelligent, peut il ânonner autant de bêtises en aussi peu de temps. Il a tout dit, l “essentiel , l’absurde et son contraire. Trop fastidieux ici de tout reprendre point par point ‚mais relisez son discours et vous verrez………