Mais que fait la police ? Ou plutôt, comment les polices municipales de l’agglomération pourraient‐elles mieux faire ? Voilà, en substance, l’une des questions posée par Axe Culture pour justifier la création d’un Grand Lille. Dans son argumentaire, l’association déplore l’éparpillement des forces de sécurité à travers la métropole, source, selon elle, d’inefficacité. « Quel rôle peuvent donc bien jouer des polices municipales qui ne comptent qu’un seul agent, comme à Santes, La Bassée ou Lezennes ? », s’interroge-t-elle, en plaidant pour la création d’une police métropolitaine. Les arguments ? Une couverture complète du territoire (plus de la moitié des communes de la MEL ne dispose pas aujourd’hui de leurs propres policiers), une plus grande efficacité (plus de policiers obligés d’interrompre une course poursuite parce qu’un délinquant a changé de trottoir et donc de commune) et une meilleure gestion (des économies d’échelle pourraient être réalisées sur le matériel, les locaux, etc).
Source : Ministère de l’intérieur (2015)
A vrai dire, sur ce sujet, Axe culture est loin d’être la seule à s’interroger. Dans la région, on trouve même quelques spécialistes de la question. Le sénateur de Roubaix, René Vandierendonck (PS), par exemple, co‐auteur, en 2014, d’une proposition de loi sur les polices territoriales (jamais programmée à l’Assemblée nationale, au grand dam des syndicats de police municipale). Ou encore Roger Vicot, maire (PS) de Lomme et président du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU). Un signe d’ailleurs ne trompe pas : quand on interroge les experts, tous reconnaissent que le territoire est plutôt en pointe sur ces enjeux de sécurité. En juin dernier, la MEL a même été la première métropole française à créer un Conseil métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance (CMSPD).
De là à voir bientôt des policiers intervenir sous l’uniforme de la MEL aux « quatre coins » de la métropole, le pas est loin d’être franchi. D’abord, parce que les pouvoirs de police des maires demeurent une prérogative à laquelle ces derniers sont viscéralement attachée. Ensuite parce que l’efficacité d’une fusion des polices municipales est loin d’être démontrée. « C’est joli sur le papier mais, dans les faits, cela risque d’être bien plus compliqué, note Mathieu Zagrodzki, chercheur au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (CESDIP) et chargé de cours à Sciences Po Paris. Sur des territoires aussi vastes, les polices municipales n’ont pas les mêmes priorités, les mêmes modes de travail, les mêmes formations. Ce sont des cultures différentes qu’on ne mélange pas facilement. »
De fait, quoi de commun entre un policier municipal de Roubaix, armé et habitué à s’occuper du trafic de drogue et le « garde champêtre » moderne d’une commune rurale, chargé de la prévention et de la répression des petites incivilités ? Pas grand chose. Dans son « Etude sur les polices sur le territoire de la MEL » réalisée fin 2013, le FFSU ne s’y était d’ailleurs pas trompé. Tout en reconnaissant « ne pas épuiser le sujet », elle limitait ses préconisations en matière de mutualisation à la « création d’une police de la circulation et d’une fourrière intercommunale » et à « la formation des médiateurs ».
Pas de quoi révolutionner le genre, donc, ce qui n’empêche pas de réfléchir à des solutions plus innovantes. C’est notamment ce que fait Sebastian Roché (lire son interview). Enseignant‐chercheur en science politique à l’IEP de Grenoble et à l’Ecole nationale supérieure de la police, il recommande de mutualiser plutôt la sécurité publique que les polices municipales. En clair : de confier la responsabilité des forces de police et de gendarmerie nationale aux présidents d’agglomération plutôt qu’aux préfets. Aux collectivités plutôt qu’à l’Etat. Radical.
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