L’usine tourne depuis 164 ans. Plantée en plein centre‐ville d’Haubourdin, elle était même là avant l’église. Mais en ce début juillet, les abords du site sont étonnamment calmes. La quiétude des lieux est à peine perturbée par le va‐et‐vient de quelques camions. Le temps s’est comme arrêté. Même cette odeur de fécule, dense, âcre, parfois ressentie à des kilomètres à la ronde, semble s’être dissipée. Ici et là, quelques agents de sécurité d’une société privée sont visibles à proximité des entrées.
Dans les tout prochains jours, la direction de Cargill doit faire parvenir à la Direccte son « projet de réorganisation ». Si l’administration donne son feu vert – comme c’est le cas neuf fois sur dix -, les lettres de licenciement seront envoyées. Ultime étape d’un processus engagé le 21 novembre 2019.
Ce jour‐là, Alain Dufait, le directeur général de la branche amidon de la multinationale Cargill, a fait le déplacement dans le Nord. Accompagné de gardes du corps, il est venu annoncer la suppression de 183 postes sur les 320 que compte l’usine. Toute l’activité d’extraction d’amidon à partir du maïs va cesser. Pas assez rentable. Elle sera assurée par d’autres unités du groupe en Europe. Seule l’activité de transformation de l’amidon sera maintenue à Haubourdin.
La stupeur est totale. Et les doutes affleurent. Pourquoi ne maintenir que la transformation alors que toutes les autres usines du groupe adossent cette activité à la production d’amidon afin de réduire les coûts fixes ? « Vous pouvez demander à n’importe qui, personne ne voit l’avenir de Cargill à Haubourdin, assure un chef d’équipe, qui demande à garder l’anonymat. On n’a pas de réponse à nos questions, on ne sait pas où on va, on ne connaît pas le projet, on ne sait rien. » Sa crainte ? Un démantèlement du site en deux temps.
« J’avais peur de représenter le passé… »
Les ouvriers de Cargill auraient aimé interroger Xavier Claeyssen, leur directeur, présent sur le site depuis dix‐huit ans. Mais …