Si vous êtes un homme, mettez‐vous un instant dans la peau d’une femme. Imaginez que vous pénétrez dans un univers très majoritairement masculin. Celui des pompiers, où l’esprit de corps est tel qu’il faut parfois accepter de relativiser certains comportements, passer outre, ne pas se formaliser. Tout en sachant poser des limites : celles de la dignité. Voilà comment Caroline* vit son engagement chez les soldats du feu du Nord.
Sapeur‐pompier volontaire depuis plusieurs années, elle assure en moyenne deux astreintes par semaine. Souvent au sein d’une même équipe, avec les mêmes collègues avec qui elle a noué des relations fortes. Parmi eux, un homme particulièrement porté sur les blagues misogynes, sources d’un profond sentiment de malaise. « C’était toujours sous couvert d’humour. Mais au fond de moi, je savais qu’il plaisantait à moitié », confie Caroline, consciente que la situation pouvait déraper d’un moment à l’autre. Elle ne s’était pas trompée.
« C’est allé graduellement. Des blagues, il est passé aux sous‐entendus très malsains. Je m’étais coupé les cheveux un jour et il m’a fait cette réflexion : “Qu’est-ce que tu cherches en faisant ça ? » Comme si je cherchais à l’aguicher. Je l’ai remis directement à sa place : je ne pouvais pas laisser passer ça. Des collègues étaient là et, pour ne pas perdre la face devant eux, il a renchéri. Son honneur était en jeu. Mais il a ensuite franchi la limite de l’intolérable. » En clair, celle de l’agression sexuelle.
Pour ne pas compromettre l’anonymat de ce témoignage, nous avons fait le choix de ne pas détailler les faits exacts et le contexte de cette agression. Tout juste peut‐on dire que Caroline a été victime d’attouchements. Une affaire désormais entre les mains de la police judiciaire.
« C’est un milieu clairement macho »
L’histoire de Caroline fait froid dans le dos. Mais est‐elle une exception ? Au cours de cette enquête, nous nous sommes penchés sur quatre cas de harcèlements ou d’agressions sexuelles commis par des sapeurs‐pompiers du Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du Nord entre 2014 et 2020. Quatre affaires dans lesquelles, parfois, plusieurs femmes ont été victimes du même agresseur, celui‐ci ayant pu sévir pendant plusieurs années avant que l’alerte …