Un ciel blanc sans relief filtre à travers les volets à demi fermés de l’appartement de Marjorie Fleck, à Villeneuve‑d’Ascq. Le halo pâle et sans chaleur baigne une partie du salon où sont assises deux sœurs. Le 25 septembre 2019, leur grand frère David est mort après une chute sur un chantier à Lille. Ses proches n’auraient jamais imaginé sa profession comme potentiellement mortelle. « Électricien, c’est un travail comme les autres. Ce n’est pas la police ou les pompiers », soupire Marjorie.
« Les gens ont tendance à considérer les accidents du travail comme un phénomène déconnecté. Notamment par le traitement médiatique, qui les renvoie souvent à la rubrique des faits divers », observe Matthieu Lépine. En 2016, ce professeur d’histoire-géographie a un déclic en entendant le ministre de l’Économie, un certain Emmanuel Macron, s’exprimer sur la figure de l’entrepreneur et sa prise de risques. « Il peut tout perdre, lui », déclarait‐il au sujet du chef d’entreprise.
Et ses employés, alors ? Sur Twitter, Matthieu Lépine se lance dans une laborieuse recension des accidents mortels du travail pour leur donner davantage de visibilité. Les 176 décès déclarés dans le rapport de l’assurance maladie pour l’année 2019 dans le secteur du BTP sont sous‐estimés, pointe‐t‐il. Et pour cause : ceux du travail non déclaré ne sont pas comptabilisés.