Comment a‑t‐on pu en arriver là ? Comment a‑t‐on pu découvrir aussi tardivement le déficit abyssal (- 458 000 euros pour l’exercice 2023) du centre social Roger Salengro d’Armentières ? Depuis qu’elle a explosé à la fin de l’année dernière, l’affaire Oulkébir n’en finit pas d’empoisonner la cité de la Toile. Au printemps, deux plaintes ont été déposées pour détournement de fonds publics et abus de bien social. Elles visent El Madani Oulkébir, directeur du centre social du 1er septembre 2020 à la fin 2023. Depuis, les – très mauvaises – surprises se multiplient au fur et à mesure qu’on découvre la gestion calamiteuse de l’ancien directeur.
L’homme n’est pas n’importe qui. Durant dix‐huit ans, il a dirigé le centre social du Faubourg‐de‐Béthune, à Lille, l’un des plus gros du département avec plus de 2 millions de budget. Il est également le fondateur de l’association Pour Toi L’entrepreneur, qui accompagne les jeunes créateurs d’entreprise issus des quartiers. Stature de rugbyman au tutoiement facile, El Madani Oulkébir est un personnage charismatique doté d’un impressionnant carnet d’adresses. André Dupon, l’omnipotent patron du groupe Vitamine T, compte parmi ses amis proches, tout comme le sénateur PS Patrick Kanner ou le conseiller régional Frédéric Motte, élu sur la liste de Xavier Bertrand.
Un pistonnage politique ?
Cumulard par excellence, on le retrouve partout : à la Ligue de l’enseignement, dont il est trésorier ; à l’Ufolep (Union françaises des oeuvres laïques d’éducation physique), dont il est administrateur ; ou encore dans le petit milieu socialiste. En 2017, par exemple, il est mandataire financier du candidat aux législatives – et ancien ministre – François Lamy, parachuté à Lille par l’entremise de Martine Aubry. Un poste de confiance. Présent en position non‐éligible sur la liste municipale de Martine Aubry en 2014, El Madani Oulkébir est finalement élu en juin 2020 et obtient le titre de conseiller municipal délégué à l’innovation économique dans les quartiers. Mais pour entrer au Beffroi, il lui a fallu trouver un nouveau job. Car la maire de Lille interdit à un dirigeant d’une structure financée par la ville d’être élu.
Le voici donc propulsé à Armentières le 1er septembre 2020. Par la grâce d’un pistonnage politique ? « Tout le monde le croit mais je peux vous dire que son profil était au‐dessus du lot, raconte Thierry Coulomb, délégué général de la Fédération des centres sociaux du Nord Pas‐de‐Calais, qui a participé au recrutement. Cela peut paraître étrange rétrospectivement, mais notre peur à l’époque, c’était plutôt qu’il soit surdimensionné pour le poste. »
A la tête du centre social Roger Salengro, implanté dans un quartier miné par la précarité, Madani – comme tout le monde l’appelle – voit grand. Il lance de nombreux programmes, organise des grèves du chômage fort médiatisées avec les demandeurs d’emploi… Mais le chantier qui lui tient le plus à cœur est de créer une Entreprise à but d’emploi (EBE) pour favoriser l’insertion des chômeurs de longue durée. Ce projet, qui s’inscrit dans le cadre du dispositif national Territoire zéro chômeur, prévoit l’embauche en CDI de personnes très éloignées de l’emploi sur des activités jugées non solvables hors subventions publiques.
https://www.mediacites.fr/enquete/lille/2023/04/26/heurs-et-malheurs-des-territoires-zero-chomeur-de-la-metropole-europeenne-de-lille/
Sur tous les fronts
Ni une, ni deux, l’EBE est créée …