« Aberration écologique et environnementale », « projet obsolète et incohérent », « projet écocidaire, d’un autre temps », « hérésie »… De Noyon dans l’Oise à Cambrai dans le Nord, en passant par Péronne dans la Somme, ils sont plusieurs centaines d’habitants à avoir écrit au printemps leurs inquiétudes à l’occasion de la dernière enquête publique préalable aux travaux de construction du canal Seine Nord Europe.
« Que faites‐vous lors des sécheresses de plus en plus courantes ? Comment va‐t‐on gérer l’usage de l’eau ? On nous a interdit d’arroser tout l’été et là on va capter des millions de mètres cubes ! Le niveau de l’Oise ne sera certainement pas suffisant pour alimenter le canal 90 % du temps », proteste, par exemple, Emmanuelle Goubet, depuis Pontoise‐lès‐Noyon (Oise).
Cette autoroute de l’eau est le plus important projet d’aménagement actuellement en France, soit un canal de 107 kilomètres de long sur 54 mètres de large contenant trente‐cinq millions de mètres cubes d’eau. Son entrée en service, à l’horizon 2030, fait craindre une crise de l’eau inédite dans les secteurs traversés par l’ouvrage. L’eau nécessaire pour l’alimenter sera directement puisée dans l’Oise pour permettre la navigation de bateaux de grands gabarits, allant jusqu’à 185 mètres de long.
Ce sillon doit raccorder le nord du pays, en particulier via la Seine, aux grands ports européens avec l’ambition de désengorger l’autoroute A1 (Lille‐Paris) d’une partie de ses milliers de camions qui y circulent quotidiennement. Un chantier colossal, dans les tiroirs depuis trente ans, financé par l’Etat, la région Hauts‐de‐France et l’Union européenne, pour un coût estimé d’environ sept milliards d’euros.
Un rapport du Ceser retravaillé ?
« Le canal se fera, il y aura de l’eau. Mais reste à savoir au détriment de qui, de quoi ? », s’interroge Laurent Degroote, président du Conseil Economique Social et Environnemental Régional Hauts‐de‐France (Ceser), dans une interview publiée par le Courrier Picard en 2022. La région est très touchée par les épisodes de sécheresse, amenés à se multiplier dans un contexte de réchauffement climatique, « alors que la question de l’alimentation en eau du canal pour son bon fonctionnement risque de se poser de manière critique dans les années à venir », rappelle d’ailleurs un