« Il a tenu combien de temps Jacky ? », demande Jean‐Michel Caetano. « Il est parti à la retraite le 1er novembre 2007 ; nous avons détecté son cancer en décembre 2008 et il n’a pas tenu jusqu’à Noël », répond Chantal Dezarnaud à propos de son mari, dont la disparition l’émeut toujours aux larmes dix ans après. Jacques Dezarnaud, comme son ami d’enfance Jean‐Michel Caetano, travaillait pour un sous‐traitant de la plateforme de Roussillon, un des « poumons économiques » du couloir de la chimie qui s’étire au sud de Lyon jusqu’en Isère. Une ville dans la ville : ce vaste site industriel de 150 hectares – très longtemps désigné par le nom de son exploitant, Rhône‐Poulenc – a compté jusqu’à 4 900 salariés en 1955. Ils sont aujourd’hui 1 400 à y travailler pour le repreneur Solvay.
Rhône‐Poulenc était connu pour son généreux comité d’entreprise : colonies de vacances pour les enfants, jardins ouvriers offerts. Mais c’est aujourd’hui le souvenir de l’amiante qui hante les salariés et sous‐traitants qui ont travaillé sur la plateforme avant le 1er janvier 1997, date à laquelle l’usage de l’amiante a été interdit en France. En décembre 2017, Santé publique France, un organisme dépendant du ministère de la Santé rendait public un rapport que Mediacités reproduit ci‐dessous. Ses conclusions sont sans équivoque : on dénombre cinq fois plus de cancers de la plèvre (mésothéliome) parmi la population masculine vivant à proximité du site industriel que dans le reste de l’Isère. Cette maladie de la membrane protectrice du poumon est « en excès sur le secteur », commentait Santé publique France et cet « excès » est « largement imputable à une exposition professionnelle à l’amiante utilisée au sein de la plateforme chimique ».