C’est le fleuron du monde hospitalier lyonnais. Une vitrine internationale, avec ses services de pointe en chirurgie, en immunologie ou dans le domaine des transplantations. Là, a eu lieu la première greffe mondiale de la main en 1998 puis la double greffe de bras en 2017. C’est aussi un établissement familier de la vie des Lyonnais : premier service d’urgence de l’agglomération, et même de la région avec 100 000 passages par an, des centaines de milliers de patients chaque année et 4000 professionnels – médecins, infirmiers, aides‐soignants, techniciens – répartis entre les pavillons des années 1930 de Grange‐Blanche. C’est aujourd’hui un des symboles du profond malaise qui mine l’hôpital public français.
L’hôpital Edouard‐Herriot (HEH), géré par les Hospices civils de Lyon (HCL) souffre. Jusqu’à l’explosion : ces derniers mois – du 2 février jusqu’à sa suspension le 20 avril –, la grève des soignants et des agents paramédicaux des pavillons d’urgences, A et N, a jeté une lumière crue sur leurs conditions de travail. Manque de bras, de draps, de temps… Au‐delà du mouvement social, notre plongée dans la crise traversée par HEH désigne à l’origine du malaise un délétère cocktail de restrictions budgétaires, de course à la productivité – imposée par le système de « la tarification à l’acte médical » – et d’application des principes du « lean management ». Inspiré à l’origine du constructeur automobile japonais Toyota, ce concept en vogue vise à « optimiser » le temps de travail – autrement dit : traquer les temps morts ou les gestes considérés comme superflus – en impliquant le salarié. En théorie.
URGENCE AUX URGENCES… ENTRE AUTRES
C’est aux urgences que la situation est la plus critique. Initiative plutôt rare, dès ce début d’année 2018, les médecins des services concernés se sont fendus d’une lettre à la direction dans laquelle ils appuient les revendications des agents mobilisés. Mediacités s’est procuré le courrier [lire ci‐dessous]. Les praticiens s’alarment notamment des conséquences encourus par les patients.
Courrier de soutien des médecins aux grévistes.
« Juste pour le pavillon N, nous avons vu notre activité augmenter de 13% en quatre ans, souligne Sarah Verborg, infirmière au sein de cette unité depuis sept ans. Mais nos moyens sont restés les mêmes, quand ils ne se sont pas dégradés… Avec la problématique du linge par exemple ! Depuis trois ans, nous alertons la direction sur le manque de draps, de chemises, de couvertures… Rien n’est fait. Problèmes d’effectifs aussi, avec des aides‐soignantes qui doivent effectuer le travail des brancardiers. » Résultat d’une impatience grandissante, la mobilisation des personnels a pris la direction de court. « On avait prévu de renforcer les effectifs avec quatre brancardiers dès le 1er mars mais la grève s’est déclenchée avant », défendait, en avril, la directrice de l’établissement depuis 2015 Valérie Durand‐Roche, chez nos confrères de Mag2Lyon.
Les urgences, partie émergée de l’iceberg ? Tous services confondus, l’absentéisme dépasse les 8% dans les unités d’Edouard-Herriot, un chiffre légèrement au‐dessus de la moyenne nationale. Ce taux, signe d’agents à bout, ne baisse pas depuis dix ans. « On a procédé à des rabotages aveugles un peu partout, déplore Olivier Brun, délégué CFDT. Mais à certains endroits, comme les unités de soins, les gains de productivité ne sont pas faciles à trouver. Même l’informatisation ne représente pas toujours un gain de temps. » L’absentéisme désorganise les services. « Bien souvent, les congés maladie ne sont pas remplacés. Dans mon service, quand un aide‐soignant est en arrêt, on se retrouve seul pour effectuer les toilettes et les entrées avec les deux infirmières pour 19 patients », témoigne Gaël Lebon, aide‐soignant au pavillon 0 depuis cinq ans.
Lorsque la charge de travail s’intensifie, les risques de blessures et d’épuisement explosent. Entre 2015 et 2016, le nombre de jours de maladie suite à un accident du travail
Arrêts de travail
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