C’est un témoignage rare. De 2014 à 2017, Arnaud Lacheret a occupé le poste de chef de cabinet du maire de Rillieux‐la‐Pape. Dans un livre à paraître le 17 mai prochain, intitulé Les territoires gagnés de la Républiques ? (éd. Le Bord de l’eau), l’ex-collaborateur raconte ses trois années passées au cœur du pouvoir politique municipal, sans langue de bois et sans occulter les calculs politiques de son ancien patron. Au centre de son récit et de ses réflexions : l’attitude d’une collectivité locale confrontée aux demandes d’une communauté religieuse, en l’occurrence les musulmans de Rillieux. « Ce livre a l’ambition d’aller contre le discours de bistrot du « Y’a qu’à appliquer la loi ». Ce n’est pas aussi simple, il faut des accommodements en permanence. C’est un éloge du pragmatisme, mais au service de la République », confie l’auteur à Mediacités.
Arnaud Lacheret [voir sa courte biographie à la fin de l’article] débarque dans cette banlieue du plateau nord de l’agglomération lyonnaise après l’élection de l’ambitieux Alexandre Vincendet, alors 30 ans. Rillieux‐la‐Pape, fief socialiste, ses 30 000 habitants, ses 55% de logements sociaux et sa forêt de tours HLM de « la Ville nouvelle » (18 000 âmes) bascule à droite. Très vite, le maire et son cabinet doivent composer entre leurs principes républicains et les habitudes et coutumes religieuses. Faut‐il ouvrir un gymnase municipal aux prières de l’Aïd ? Faut‐il encadrer les barbecues qui se multiplient le temps du Ramadan ? Faut‐il empêcher l’implantation du Tabligh, un mouvement de prédication islamique ? Faut‐il laisser Tariq Ramadan venir s’exprimer à Rillieux‐la‐Pape ?
Ces questions sont d’autant plus sensibles que le nouvel élu véhicule une image droitière – Alexandre Vincendet a été formé à « l’école Copé », du nom de l’ancien patron de l’UMP Jean‐François Copé, dont il fut le collaborateur. « On est dans du bricolage, dans la recherche constante du point d’équilibre qui va dans le sens de nos valeurs – l’Etat de droit, la République, la laïcité. Mais les appliquer de but en blanc, ce n’est pas possible. Etre brutal dans ses décisions, comme le maire de Clichy‐la‐Garenne [en région parisienne] qui ferme une salle de prière et se retrouve avec des prières dans la rue, cela ne marche pas », commente Arnaud Lacheret. Mediacités publie ci‐dessous des extraits de son livre.
L’Aïd au gymnase Louison Bobet
« Le premier Ramadan du mandat d’Alexandre Vincendet à Rillieux‐la‐Pape se déroulait en plein été, dans une ambiance plutôt tendue avec l’interdiction des marchés illicites et des barbecues ainsi que de nombreux contacts assez complexes entre les jeunes et la police municipale, surtout en période nocturne, le tout avec un 14 juillet à gérer, toujours difficile à organiser dans une ville très populaire. Bien entendu, les quelques maladresses classiques de début de mandat ne firent rien pour contribuer à la sérénité de la situation.
A quelques jours de la fin du Ramadan, le chef du service de l’animation nous demande si on fait « comme d’habitude » pour l’Aïd el Fitr. Curieux de savoir ce qu’une commune doit faire de particulier pour une fête religieuse, j’interroge cet agent, très impliqué dans la vie associative (…). Il m’explique, ce que je sais déjà, que les fidèles musulmans prient collectivement pour l’Aïd el Fitr, puis 70 jours plus tard pour l’Aïd el Kebir et que leur nombre ne leur permet pas de le faire à la principale mosquée de la commune (qui peut pourtant accueillir jusqu’à 500 personnes, ce que nous avons pu constater durant nos visites nocturnes pendant le Ramadan). La municipalité leur octroie donc « depuis toujours » (il est amusant de constater que la plupart des entorses aux principes républicains que nous constatons ne peuvent que très difficilement être datées) le plus grand gymnase de la ville [Louison Bobet] gratuitement de 6h à 9h du matin pour ces deux jours.
(…)
Il ne reste que 4 ou 5 jours avant l’échéance et nous sommes complètement pris de court : tous nos principes vont évidemment dans le sens d’un refus de cette mise à disposition, mais le …