Ce 26 février 2019, il règne un petit parfum de printemps sur les hauteurs de Pierre‐Bénite. Massés devant les amphis 4 et 5 de la faculté de médecine de Lyon Sud, plusieurs centaines d’étudiants de première année commune des études de santé (Paces) attendent le début des cours. Comme tous les mardis du second semestre, la journée est consacrée au séminaire « Santé, société, humanités » (SSH). Objectif : prodiguer une culture de base en sciences humaines aux futurs soignants. Dès l’ouverture des portes, c’est la ruée pour trouver une bonne place ! Il s’agit de ne manquer aucune des interventions du professeur Gilles Freyer, coordinateur pédagogique du module, cancérologue de renom des Hospices civils de Lyon et orateur charismatique.
L’intervention du jour s’attaque à un sujet pour le moins délicat : les conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique. Il l’est d’autant plus que la faculté Lyon Sud est loin d’être une bonne élève en la matière. Au contraire ! Depuis deux ans, les mauvaises notes s’accumulent. Elle a été reléguée en 2017, puis en 2019, tout en bas du classement du Formindep, association pour une formation médicale indépendante au service des seuls professionnels de santé et des patients [lire L’œil de Mediacités Lyon du 6 février dernier]. Elle a aussi été épinglée pour son amphithéâtre « Boiron » financé à 50 % par le laboratoire d’homéopathie… Enfin, elle a été pointée du doigt pour son refus de déclarer à ses étudiants les liens d’intérêts de ses enseignants. A commencer par ceux du professeur Gilles Freyer.
> Actualisation 25 mai : suite à nos révélations sur les enseignements de Gilles Freyer, la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal a annoncé, le 24 mai, avoir saisi l’inspection générale pour mener une enquête sur le professeur de Lyon Sud. Lire notre complément d’enquête : « Affaire Freyer – Lyon Sud : la ministre de l’Enseignement supérieur exige une enquête »
Deux ans après le premier classement Formindep, la faculté a‑t‐elle fait amende honorable ? Pas vraiment. Dès les premières minutes du cours de Gilles Freyer, le ton est donné. Ses conflits d’intérêts, il ne les déclarera (toujours) pas : « Nous ne sommes pas dans un espace public comme ça peut être le cas dans les congrès, nous sommes dans un lieu d’enseignement ! » assène‐t‐il, faisant fi des recommandations de la Charte éthique établie fin 2017 par la Conférence nationale des doyens de la faculté de médecine. Celle‐ci préconise la déclaration des conflits d’intérêts des enseignants en début de cours, à titre d’exemple à donner. « Alors que vous n’en avez rien à foutre ! » commente celui qui est aussi vice‐doyen de la faculté Lyon Sud, devant ses étudiants et étudiantes (les amphis de Paces sont majoritairement féminins).
Selon lui, la préoccupation actuelle en faveur d’une réduction des liens d’intérêts entre médecins et industrie pharmaceutique relèverait d’une forme d’idéalisme manichéen à combattre : « La bien‐pensance est une opinion qui consiste à dire que les médecins sont sous influence idéologique et financière de l’industrie pharmaceutique. Or vous ne pouvez pas faire de recherches sur le médicament …