Combien de communes basculeront‐elles à droite ou à gauche le 15 ou le 22 mars prochains ? La République en marche conservera‐t‐elle Lyon ? Et dans quelles villes le parti présidentiel s’implantera-t-il ? Le Parti communiste sauvera‐t‐il ses bastions de Vénissieux et Givors ? Et le Parti socialiste, celui de Villeurbanne ? Le Rassemblement national réussira‐t‐il à conquérir un hôtel de ville ? Comme à chaque scrutin, les résultats des élections municipales seront analysés commune par commune mais aussi à l’échelle du Grand Lyon.
En attendant, à quelques jours du premier tour des élections municipales et métropolitaines, les étudiant.e.s du master “Datajournalisme et enquête” du CFJ et de Sciences Po Lyon [lire ci‐dessous l’encadré En coulisses] ont compilé les résultats des précédents scrutins municipaux des 59 communes du territoire de la Métropole depuis 1977 – date de la première élection de Gérard Collomb au conseil municipal de Lyon. Leur travail, que Mediacités reproduit ici, se révèle riche d’enseignements sur l’histoire politique récente de l’agglomération lyonnaise. Il permet notamment d’identifier les villes propices à l’alternance ou, au contraire, les fiefs imprenables.
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Et retrouvez ci‐dessous, les maires élus depuis 1977 dans les 59 communes du Grand Lyon, et leur étiquettes politiques.
Huit communes n’ont pas connu l’alternance depuis 1977
Première constatation, les communes du Grand Lyon, dans l’ensemble, goûtent assez peu les alternances à répétition. La plupart ont gardé la même couleur politique durant plusieurs mandats successifs. Huit n’ont d’ailleurs pas viré de bord depuis quarante‐trois ans : quatre à droite, quatre à gauche.
Albigny‐sur‐Saône, Fontaine‐sur‐Saône et Montanay élisent des maires divers droite depuis 1977. A Jonage, ce sont des élus RPR, devenu l’UMP et aujourd’hui LR, qui dirigent la ville (pour les élections 2020, le maire sortant Lucien Barge n’est pas soutenu par son parti qui lui a préféré l’opposant Laurent Chervier). À gauche, le PS règne sur Villeurbanne et Bron depuis 1977. Quand Vénissieux, comme Givors, font figures de bastions communistes [(re)lire l’enquête de Mediacités : « Le lent crépuscule des banlieues rouges lyonnaises »].
A noter le cas particulier de Vaulx‐en‐Velin resté également à gauche sur toute la période de notre étude mais qui a toutefois connu « une alternance » aux précédentes municipales entre le PC et le PS avec la victoire d’Hélène Geoffroy. Les élections 2014 font d’ailleurs exception à la tradition de continuité des communes du territoire avec le basculement à droite de plusieurs villes de l’Est lyonnais : Saint‐Priest, Décines‐Charpieu, Rillieux‐la‐Pape et Mions. Par ailleurs, au sud de l’agglomération, deux fiefs du PC – Pierre‐Bénite et Grigny – sont aussi passés à droite.
Une soixantaines de barons et baronnes
Au‐delà des étiquettes, nous nous sommes intéressés aux noms des premiers édiles. Là encore, le Grand Lyon fait preuve d’une certaine stabilité… Nous avons comptabilisé les maires qui ont enchaîné au moins trois mandats (soit 18 ans au pouvoir) ou qui sont en train de terminer leur troisième mandat. D’après notre décompte, ces baronnes ou barons sont une soixantaine, toutes couleurs politiques confondues.
En 1977, huit maires entraient dans cette catégorie. Ce chiffre grimpe à 23 en 2014. Après quelques démissions, notamment suite à la loi de 2017 interdisant le cumul des mandats de parlementaire et de maire, on en compte actuellement 18 (Gérard Collomb à Lyon, Jean‐Paul Bret à Villeurbanne, Alain Galliano à Craponne…) dont trois maires d’arrondissements lyonnais (Denis Broliquier dans le 2e, Nathalie Perrin‐Gilbert dans le 1er, Christian Coulon dans le 8e). Seulement cinq d’entre elles.eux se représentent aux municipales cette année, parmi lesquels Max Vincent, inoxydable maire de Limonest depuis 1979, qui brigue son huitième mandat ou Nathalie Perrin‐Gilbert en lice, avec le soutien de la France insoumise, pour la mairie de Lyon. Le baron Gérard Collomb, maire depuis 2001, a lui choisi de laisser l’hôtel de ville pour tenter de reconquérir la présidence de la Métropole, la loi interdisant à partir de mars 2020 de cumuler les postes de maire de Lyon (ou de tout autre commune) et de président du Grand Lyon.
À Lyon, la dernière alternance remonte à 2001, année de l’élection de Gérard Collomb à la tête de la ville. Le PS et ses alliés remportent cette année‐là une majorité d’arrondissements. Cette tendance se confirme lors des élections suivantes. Résultat : en 2014, seuls le maire du 6e arrondissement Pascal Blache (divers droite, candidat aujourd’hui sur les listes du LR Etienne Blanc), celui du 2e arrondissement Denis Broliquier (« Nouveau centre », candidat à la mairie de Lyon) et celle du 1er arrondissement Nathalie Perrin‐Gilbert (« Gram », candidate elle aussi à la mairie, ex‐membre de la majorité) siégeaient dans les rangs de l’opposition. La situation s’est quelque peu complexifiée depuis que la majorité municipale s’est divisée entre les partisans de Gérard Collomb et ceux du duo David Kimelfeld‐Georges Képénékian.
Une métropole qui penche à droite
Autre enseignement de notre recensement : depuis 1977, plus de la moitié des maires élus dans le Grand Lyon (56%) pointent à droite ou au centre‐droit. Dans le détail, celles et ceux qui portent l’étiquette « divers droite » sont les plus nombreux.ses : 28%, soit plus d’un.e sur quatre. La « famille » des maires socialistes arrive, elle, en seconde position (19%). Le Front national, devenu Rassemblement national, est, quant à lui, le grand absent de notre étude : depuis 1977, il n’a remporté aucune ville du territoire malgré sa présence aux scrutins. En 1995, par exemple, la majorité des communes du Grand Lyon comptait un candidat estampillé FN.
Sur‐représentation masculine
Ce n’est pas un scoop : les femmes sont rares à la tête des mairies de l’actuelle Métropole de Lyon. Même si leur nombre augmente (lentement). En 1977, seules deux communes élisent une femme : Marie‐Claude Reverchon (sans étiquette) à Feyzin et Marie‐Josèphe Sublet (PS) à Charbonnières‐les‐Bains. Quarante‐trois ans plus tard, on reste encore loin de la parité. Treize femmes ont été élues aux municipales de 2014, soit 19.12% des maires de la Métropole.
Près de 52% de #femmes dans la population française mais seulement 16% parmi les maires et 7,7% à la tête d’une interco… Localement, la #parité en #politique est encore – très – loin d’être une réalité.@HCEfh @elueslocales @EllesAussihttps://t.co/sFEunEo39j
— Mediacités (@Mediacites) December 10, 2018
2001 marque une étape. C’est la première élection suite à la loi du 6 juin 2000 qui instaure la parité sur les listes municipales. Mais l’effet sur la composition des exécutifs municipaux reste limité dans l’ensemble des communes. Dans les neuf arrondissements de Lyon, quatre femmes (Pierrette Augier dans le 9e, Alexandrine Pesson dans le 5e , Nathalie Perrin‐Gilbert dans le 1ier et Nicole Chevassus dans le 6e) accèdent toutefois au poste de maire.
Evolution de la proportion de femmes maires dans les communes de la Métropole de Lyon
Malgré une faible proportion de femmes maires, la Métropole de Lyon fait mieux que la moyenne nationale. Les chiffres de l’Insee sur l’évolution de la parité montrent qu’en 2014, les Français.es avaient élu 16.1% de femmes maires, contre 18.24% dans le Grand Lyon. Depuis 2014, le départ de certains maires touchés par le cumul des mandats a permis à des femmes de devenir maire [lire plus bas]. En 1983, le nombre de femmes augmente aussi suite à l’instauration, pour la première fois, de l’élection des maires d’arrondissement. En 1989 par exemple, trois des quatre femmes maires dans le Grand Lyon le sont d’un arrondissement.
Evolution du nombre de femmes maires par grandes orientations politiques (les femmes élues « sans étiquette » n’ont pas été prises en compte)
Dans les années 1980 et 1990, la majorité des femmes maires étaient de droite ou de centre droit. En 1995, sur huit femmes maires, cinq sont issues du RPR ou se réclament de la droite. La tendance s’inverse ensuite. En 2008, sur les 11 femmes maires, six sont issues de la gauche (PS et PC).
Entre 2014 et 2019, treize communes ont changé de maire. Résultat : la Métropole compte six femmes maires de plus qu’à la précédente élection municipale. Trois d’entre elles remplacent un homme touché par la limitation du cumul des mandats (entrée en vigueur en 2017) : les députés Yves Blein à Feyzin et Thomas Rudigoz dans le 5e arrondissement, et le sénateur François‐Noël Buffet à Oullins.
À l’assemblée métropolitaine (composée à partir des membres des conseils municipaux des 59 communes du Grand Lyon), la parité est encore un lointain horizon… Les femmes ne représentent que 32% des vices-président.e.s. Et sur l’ensemble des conseillers métropolitains, seuls 38.18% sont des femmes.
Le casse‐tête du choix des couleurs
Une fois les noms des maires et leurs tendances politiques collectés, quelles couleurs leur accoler ? Depuis 1977, des partis ont disparu et d’autres ont été créés. Comment rendre lisible notre tableau ? Nous avons fait le choix de reprendre la nomenclature du ministère de l’Intérieur et les couleurs habituellement utilisées : rouge pour le PCF, rose pour le PS, bleu marine pour le RPR/UMP/LR, etc. Pour les nombreux maires étiquetés divers droite (DVD), nous avons opté pour un bleu plus clair. De même, un rose plus clair a été attribué aux divers gauche (DVG).
Restait la question des partis centristes : l’UDF, le MoDem et l’UDI. Certains maires ont successivement arboré les trois étiquettes. Difficile pourtant de leur attribuer la même couleur : l’UDF et l’UDI se positionnent (ou se positionnaient) au centre droit, le MoDem au centre tout court. Le orange a donc été choisi pour ce dernier (ainsi que pour le Nouveau centre) et un jaune pâle pour l’UDF et l’UDI. A noter l’absence de La République en marche, pas encore créée au moment des dernières élections municipales de 2014. Nous avons enfin opté pour un rouge foncé (comme pour le PC) pour le Gram (Groupe de réflexions et d’actions métropolitaines), parti de gauche cofondé en 2011 par Nathalie Perrin‐Gilbert et Renaud Payre (qui l’a depuis quitté).
Depuis décembre dernier, et le début de notre partenariat avec Mediacités pour la réalisation de cette enquête, nous nous sommes plongés dans les chiffres des précédentes élections. Des données sur les municipales, ce n’est pas ce qui manque sur Internet ! En nous y mettant à quatorze, nous pensions les trouver sans difficulté ! Erreur : seuls les résultats des élections depuis 2001 ont été numérisés par le site du ministère de l’Intérieur.
Pour les scrutins plus anciens, nous sommes allé.e.s explorer les archives du Progrès, disponibles dans des recueils ou sur micro‐films à la bibliothèque municipale de Lyon Part‐Dieu. Puis, à la main, nous avons reportés dans un tableur les résultats des élections municipales de 1977, 1983, 1989 et 1995, des 59 communes du Grand Lyon. Un véritable travail de fourmi ! Les données manquantes ont par ailleurs été complétées en appelant les mairies.
Puis il a fallu passer à la construction des cartes interactives. Manipuler autant de données nous a aussi donné du fil à retordre. Les frontières de chaque commune de la Métropole sont mises à disposition sur le site de la collectivité data.grandlyon.com. Pour les exploiter, notre professeur de datajournalisme Lucas Piessat, nous a recommandé de nous tourner vers un logiciel en ligne, Datawrapper. Une fois nourri avec nos données et les résultats des municipales, le logiciel nous a permis de créer sept cartes, une par élections. Il ne restait qu’à les assembler en une carte animée à l’aide d’un autre outil en ligne, “Ifram Scaffholder”, et le tour était joué !
Les étudiants du master « Datajournalisme et enquête » du CFJ et de Sciences Po Lyon
Cette enquête ayant été réalisée dans le cadre d’un travail étudiant et sans rémunération des auteurs de la part de Mediacités, nous avons bien entendu décidé de la publier en accès libre.
La rédaction de Mediacités
Bonjour,
Etonnant, à la veille d’une bascule possible de Lyon pour le vote écologiste, celui‐ci n’apparaît pas dans votre étude ??
Bien cdt
PhL