Avez‐vous déjà entendu parler d’Ecolyo ? Cette application développée par la métropole de Lyon centralise le suivi des compteurs d’électricité, de gaz et d’eau et accompagne les usagers dans la réduction de leurs consommations. Au bas du site internet dédié au dispositif, on trouve les logos de la collectivité, du gouvernement, de la Banque des territoires et, en petit, le drapeau européen.
De fait, Ecolyo a bénéficié d’une aide en provenance de Bruxelles – le financement du poste d’une animatrice pendant cinq ans – dans le cadre de l’appel à projets « Horizon Europe » de la Commission européenne. De cette enveloppe, la métropole et la ville de Lyon ont respectivement obtenu 1,1 million d’euros et 382 000 euros pour mettre en œuvre des quartiers à énergie positive dans le secteur de la Confluence. Parmi les concrétisations, on trouve donc l’application Ecolyo, dont le développement a coûté 350 000 euros, d’après une délibération votée par la Métropole en juin 2021.
Pour des institutions aux budgets de près de 4 milliards d’euros (la métropole de Lyon) et de 970 millions d’euros (la ville de Lyon), les sommes peuvent paraître minimes. Mais le projet Ecolyo illustre une stratégie de recherche de fonds européens tous azimuts. « Le manque d’argent est une problématique générale à toutes les collectivités territoriales. Elles sont obligées d’aller en chercher là où il y en a », résume Adrien Alberni. Ce dernier parle en connaissance de cause : Adrien Alberni a été, entre 2019 et 2022, correspondant de la métropole et de la ville de Lyon à Bruxelles. Il a depuis rejoint le Secrétariat général des affaires européennes, un service rattaché au Premier ministre.
[Série] L’argent de l’Europe, de Bruxelles à Lyon
A quelques semaines des élections européennes du 9 juin, Mediacités vous propose une plongée dans le maquis des subventions de Bruxelles à Lyon et dans sa région.
- (Re)lire l’épisode 1 : Bio : quand la Politique agricole commune européenne « entrave » les plans des écologistes du Grand Lyon
- (Re)lire l’épisode 2 : En Auvergne‐Rhône‐Alpes, le tourisme haut de gamme rafle l’argent de l’Europe
- (Re)lire l’épisode 3 : Vallée de la chimie : quand l’Union européenne subventionne le pollueur Arkema
« Ambassade » lyonnaise
Concrètement, à partir de 2014, les deux collectivités lyonnaises ont disposé d’une « ambassade » à Bruxelles. Celle‐ci a été ouverte concomitamment à la transformation de la communauté urbaine en métropole, sous l’impulsion de Gérard Collomb. Pour l’ancien baron de l’agglomération, il s’agissait de « se mettre au niveau dans les affaires européennes, avec un objectif de développement économique », reprend Adrien Alberni. A partir de 2016 et jusqu’à l’an dernier, le bureau bruxellois était mutualisé, via une convention, entre la Ville et la Métropole.
Comme l’a découvert Mediacités, cette convention a pris fin en novembre dernier. Le Grand Lyon a gardé un binôme [lire plus bas] qui travaille pour les intérêts locaux dans la capitale européenne. De son côté, la municipalité de Grégory Doucet est en cours de recrutement pour y garder une représentation permanente.
« Les équipes étaient tiraillées entre les objectifs de la Ville et de la Métropole »
Les raisons de cette séparation restent obscures. « Il n’y a pas de projet politique qui a acté la fin du dispositif. Les équipes étaient tiraillées entre les objectifs de la Ville et de la Métropole », justifie Sonia Zdorovtzoff, adjointe au maire de Lyon chargée des Relations internationales et des Affaires européennes.
Contactée, sa collègue Hélène Duvivier, vice‐présidente du Grand Lyon chargée des Relations européennes et internationales, n’a pas répondu à nos sollicitations. Mais, du côté de la rue du Lac (où se trouve le siège de la collectivité), Odile Huiban, responsable du service des Affaires européennes, indique que « le président de la Métropole et le maire [de Lyon] ont estimé avoir des stratégies différentes ». Surprenant pour deux responsables de la même couleur politique et élus, en 2020, sur un programme commun…
Guetter les opportunités
Si, depuis la fin des années 1980, la plupart des régions françaises – qui gèrent aujourd’hui la distribution d’aides européennes – comptent un bureau de représentation à Bruxelles, c’est plus rarement le cas des autres collectivités locales. « Lyon fait partie des quelques villes françaises à en posséder un, avec la métropole de Lille, celle de Grenoble ou encore Rouen, Caen et Le Havre, représentés par une seule personne », énumère Adrien Alberni.
Deux des cinq salariés du service des Affaires européennes du Grand Lyon sont basés à Bruxelles. Charge à eux de guetter les opportunités de financements de projets. Depuis l’arrivée des écologistes aux manettes, leur rôle est d’autant plus stratégique. Comme mentionné précédemment, outre l’État, les régions gèrent la majorité des subsides européens, notamment à travers le Fonds européen de développement régional (Feder) et le Fonds social européen (FSE). Or, « avec la Région [présidée par Laurent Wauquiez], nous ne partageons pas les mêmes orientations politiques. Parfois ils [la Région] vont chercher ou obtiennent des fonds qui ne nous intéressent pas », souligne Sonia Zdorovtzoff.
« Si on candidate à cinq appels à projets dans l’année, c’est déjà pas mal »
L’élection des écologistes Grégory Doucet et Bruno Bernard a marqué un tournant dans la chasse aux fonds européens. Alors que les thématiques prioritaires étaient plutôt l’innovation, le numérique et le développement économique, « nous travaillons aujourd’hui sur deux objets principaux : la transition écologique et la justice sociale », explique Amélie Smethurst, actuelle correspondante à Bruxelles de la métropole de Lyon.
D’après les données de la collectivités, qui nous ont permis de réaliser la visualisation ci‐dessous, la recherche de fonds s’avère moins efficace qu’auparavant : 7,4 millions d’euros pour la période 2014–2020 (six ans) contre 1,9 millions d’euros pour la période 2021–2024 (trois ans). Ces aides sont obtenues via des candidatures à des appels à projets, qui prennent en général des mois à être constituées. « Si on candidate à cinq appels à projets dans l’année, c’est déjà pas mal », confie Amélie Smethurst.
Le plaidoyer de Renaud Payre
Au‐delà des questions sonnantes et trébuchantes, être présent à Bruxelles permet à la Métropole de pousser ses positions auprès des décideurs européens. En clair : de faire du lobbying. C’est le cas sur le sujet de la crise du logement. « On essaie d’influencer les futurs projets qui seront votés et les financements qui seront alloués », raconte Amélie Smethurst. En novembre 2022, le vice‐président Renaud Payre, chargé du logement, s’était ainsi rendu à Bruxelles pour plaider en faveur de financements pour lutter contre le sans‐abrisme.
Heureux de retrouver Kim van Sparrentak
Nous avons échangé sur la nécessité d’une action européenne de lutte contre le mal logement à l’heure de la financiarisation du logement, de la crise énergétique. pic.twitter.com/MhTDDBqZBw— Renaud Payre (@RenaudPayre) November 30, 2022
Le même élu était de retour dans la capitale belge les 23 et 24 janvier derniers, « afin de poursuivre le plaidoyer européen de la métropole de Lyon face à la crise du logement », a communiqué le Grand Lyon.
Avec les représentants d’autres villes (Barcelone, Munich, Gand…), il y a rencontré le commissaire européen Nicolas Schmit, chargé des droits sociaux. Il en a aussi profité pour rendre visite à l’eurodéputé Raphaël Glucksmann, tête de liste pour le Parti socialiste, au scrutin du 9 juin prochain.
Cet article ayant été réalisé dans le cadre d’un travail étudiant du master de journalisme de données et d’enquête du CFJ‐Sciences Po Lyon, en partenariat avec Mediacités, et sans rémunération des auteurs de la part de notre journal, nous le publions en accès libre.
La rédaction de Mediacités
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