Comment se porte la recherche française ? Couci‐couça. Certes, il y a les prix Nobel et les médailles Fields, l’extraordinaire épopée de Rosetta ou le prometteur développement du cœur artificiel Carmat. Mais il y a aussi le manque de moyens et la difficulté à trouver des financements, les complications administratives et la fuite des cerveaux, phénomènes dénoncés à longueurs de colonnes par la communauté scientifique, du grand ponte au simple laborantin. Si l’on s’en tient aux chiffres, elle peut s’enorgueillir de voir les dépenses de recherche et développement dans l’Hexagone (47,9 milliards d’euros) représenter 2,24% du produit intérieur brut (PIB), devant le Royaume‐Uni (1,7%). Et déplorer de rester loin derrière la Corée du Sud (4,3%), Israël (4,1%) ou le Japon (3,6%). Elle peut se féliciter d’avoir vu le nombre de ses publications scientifiques augmenter de 40 % entre 2000 et 2015. Et s’inquiéter dans le même temps d’être passée du cinquième au septième rang mondial, doublée par la Chine et l’Inde, comme l’indique un tout récent rapport du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres).
Et Nantes, dans tout ça ? Avec ses facs, ses 10 grandes écoles, ses 14 pôles de compétitivité et clusters, ses labos estampillés Inserm et CNRS, la cité des Ducs compterait au total 2 200 chercheurs, dont 1 218 pour la seule université. Classée 24e du « Top 30 » des meilleures universités et grandes écoles publiques françaises par le Time Higher Education, cette dernière a vu le nombre de ses publications scientifiques grimper de 33 % entre 2010 et 2014. Un bon résultat, mais qui ne dit finalement pas grand chose de la façon dont travaillent les chercheurs, de leurs succès et de leurs échecs, de leurs euphories et de leurs frustrations. C’est la raison pour laquelle Mediacités a voulu pousser la porte des labos pour dresser le portrait de 10 d’entre‐eux, dont les découvertes nous changeront peut‐être bientôt la vie.
Médecine, mathématiques, intelligence artificielle, criminologie, écologie… Ces dix chercheurs, dont seulement trois femmes – une façon de souligner le manque de parité dans le domaine : elles ne représentent aujourd’hui que 26 % des 266 700 chercheurs français – exercent leurs talents dans des disciplines variées et pour différentes tutelles (CNRS, université, INSERM, grandes écoles…). Leur point commun ? Faire avancer la science dans leur domaine, pour améliorer ou mieux comprendre la vie des hommes. Certains sont connus, d’autres gagnent à l’être. Visite guidée dans leurs laboratoires…
Jérémy Pruvost, précurseur des micro‐algues, l’or vert de demain
Professeur à l’université de Nantes et directeur de la plate‐forme Algosolis, il est l’un des premiers à s’être intéressé à ces micro‐organismes aquatiques pleins de promesses.
Pour rencontrer Jérémy Pruvost, il faut rejoindre le campus universitaire de Saint‐Nazaire. Dans la ville qui construit de si imposants bateaux et avions, ses micro‐algues sont invisibles à l’oeil nu (un millième de millimètre !). Elles s’épanouissent dans les bassins de la plateforme Algosolis. « Cet organisme vivant d’origine végétale pousse dans l’eau par photosynthèse, explique ce chercheur de 44 ans, à la tête d’une équipe de 40 personnes. Si vous laissez une piscine sans la nettoyer pendant quelque temps, son eau va devenir verte et remplie de micro‐algues. » Quand il rédige sa thèse en génie des procédés sur le sujet au début des années 2000, pas grand monde ne croit encore à leur potentiel. « Personne ne s’y intéressait dans le secteur industriel. On nous faisait des yeux ronds, se souvient‐il. Mais j’ai toujours cru à ce que je faisais, et aujourd’hui, tout le monde ne jure que par ça. Sauf que nous avons un temps d’avance ! » De fait, les micro‐algues, faciles à cultiver sans rogner sur des terres agricoles, ont de nombreuses applications. Elles peuvent servir de biocarburant – des projets ont d’ailleurs été menés avec Peugeot ou Airbus pour les moteurs des voitures et des avions ; mais aussi de compléments alimentaires (comme la spiruline), de produits cosmétiques (non chimiques) ou encore de biomatériaux (en alternative au p …