Ce n’est qu’une coïncidence, mais alors que le quotidien L’Équipe consacre cette semaine plusieurs articles aux malheurs du FC Nantes, s’ouvre la troisième saison des Football Leaks. Cette série d’enquête menée par l’EIC, un consortium de 15 journaux européens, à partir de la fuite de 70 millions de documents (lire plus bas) fait trembler depuis cinq ans le monde du football sur ses bases. Corruption, fraude, dopage, transferts, agents, évasion fiscale, exploitation des mineurs, achats de matchs, influence politique… la face noire d’un sport devenu business est pour la première fois exposée au grand jour.
Comme c’était le cas lors des deux premières saisons, Mediapart, l’un des membres de l’EIC, a choisi de partager les résultats de ces investigations avec Mediacités. Si ces nouveaux documents concernent cette fois moins directement les clubs des quatre villes où est implanté notre média (Lille, Lyon, Toulouse et Nantes), il nous a néanmoins semblé intéressant de partager avec nos lecteurs nantais le résultat de l’enquête menée par nos confrères belges du Soir et de De Standaard. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle concerne Mogi Bayat, agent de joueur franco‐iranien, considéré par beaucoup comme le directeur sportif officieux du FC Nantes.
A 46 ans, l’ancien directeur général du Sporting Charleroi, en Belgique, devenu depuis agent de joueurs, est un personnage influent dans le monde du football. Et central dans celui du football nantais. Il est présent à La Beaujoire aux côtés de Waldemar Kita et de son fils Franck (directeur général) lors de toutes les rencontres ou presque. Présenté comme un simple « conseiller » par le propriétaire du club, il fait en réalité la pluie – souvent – et le beau temps – parfois – sur le mercato nantais depuis plusieurs années. « C’est simple, à Nantes, tu laisses un message à la direction, c’est Mogi qui te rappelle », confiait à 20 Minutes un représentant de joueur français, en février 2020.
« Il arrive que Waldemar Kita accueille les représentants d’un joueur dans les locaux parisiens du club avant de s’éclipser pour laisser le duo Bayat‐Sanogo gérer les négociations », relevait à nouveau L’Équipe, le 17 février. La plupart des anciens entraîneurs ou agents interrogés par le quotidien sportif disent tous la même chose : l’agent à la haute main sur la politique de recrutement du club. Interrogé par mail Mogi Bayat se décrit simplement comme « un fournisseur privilégié ». Très privilégié, même, puisque c’est lui qui est derrière les principales transactions du club ces dernières années (Gillet, Diego Carlos, Lima, Rongier, Kayembe, Coulibaly, El‐Ghanassy, Mbodji, Lucas Evangelista, Limbombe, Appiah, Simon, Benavente, Wague, Emond, etc). Comme nous le révélions en décembre dans l’enquête menée avec Mediapart sur les acrobaties fiscales de Waldemar Kita, certaines de ses transactions intéresseraient de près la justice française.
Une influence qui, toujours selon L’Équipe, le conduirait à mettre la pression sur certains joueurs pour qu’ils intègrent son « écurie » et scellerait le destin des entraîneurs. En refusant de lui accorder une entrevue, Raymond Domenech, viré début février, se serait ainsi « tiré une première balle dans le pied ». Interrogé, Mogi Bayat se défend : « Je suis un intermédiaire (…) Il y a énormément de clubs où je suis au moins aussi actif, mais on n’en parle pas ou moins. Il semble manifestement que Kita + Bayat, ça fait vendre et polémiquer. »
A voir. Car l’omniprésence de Mogi Bayat au sein du FC Nantes rappelle furieusement un autre épisode de sa carrière : son passage au RSC Anderlecht, le plus prestigieux club de football belge. C’est cette histoire que racontent aujourd’hui nos confrères belges à partir des documents des Football Leaks. Et même si elle ne concerne pas …