C’est une longère en pierres comme la ville de Villemeux‐sur‐Eure (Eure‐et‐Loir) en voit tant. Sur l’un des murs intérieurs, le portrait du général de Gaulle veille. Il garde un œil sur un vieux piano, orné de chandeliers éteints, que personne n’utilise. Devant la maison, une voiture cabossée, garée à même la pelouse du jardin, dont le rétroviseur droit ne tient qu’à un bout de scotch et beaucoup de chance. Elle vient d’ailleurs de perdre une nouvelle pièce. La faute au trottoir trop haut qui a éraflé le dessous du capot.
Cette voiture, c’est Michel Leclerc qui la conduit. On se demande bien comment d’ailleurs, car l’octogénaire ne peut compter que sur son œil droit pour le guider. L’autre « est mort » dans une mauvaise chute contre le coin du canapé il y a bien longtemps. Au volant, il n’hésite pas à décrocher son vieux téléphone à clapet, vestige des années 2000. Par miracle, ou peut‐être grâce à des années de pratique, le voici arrivé à bon port, sur la pelouse de sa maison en pierres, à Villemeux‐sur‐Eure, non loin de Dreux.
Michel Leclerc voit le jour en 1939, benjamin d’une grande et illustre fratrie de 15 frères et sœurs. « Le dernier et le seul qui reste ! », souligne l’homme de 85 ans, qui se plaît à raconter ses premières années, animé par un devoir de mémoire et le plaisir de s’écouter parler. Car Michel Leclerc, c’est surtout un excellent orateur, un genre de père Castor en costume bleu. « Je suis né la veille de la déclaration de guerre, le 21 août 1939, annonce‐t‐il, solennel. Ça n’a pas été une vie facile au départ. »