Il y a eu le 22 mars à Nanterre. Ce sera le 25 avril à Toulouse. Ce jour‐là de 1968, près de quatre cents étudiants de la faculté des Lettres se barricadent dans l’amphi qu’ils occupent rue Lautman pour y débattre de la situation générale de l’université. Ce sont d’abord les étudiants en droit qui prétendent les en chasser, jetant pierres et pétards à travers ses fenêtres. C’est le ministre de l’Education Alain Peyrefitte qui décide ensuite de l’évacuation des lieux, y dépêchant les CRS. Une fois expulsés, les deux camps étudiants s’affrontant à grands moulinets de barre de fer et chacun de ces camps s’opposant aux matraques des forces de l’ordre, la fin d’après‐midi dans les rues voisines résonne de cris sauvages, de chocs métalliques et de pas de course.
L’étudiant en Economie qui préside l’Assemblée générale des étudiants de Toulouse de l’UNEF, l’AGET‐UNEF, n’est pas le dernier dans la chasse à l’étudiant d’extrême droite qui s’ensuit. Alain Alcouffe est allergique aux tenants de l’Algérie française et de l’Espagne franquiste qui fréquentent encore l’université sur les bancs enseignants ou enseignés. Il ne garde pas ses coups de poings dans les poches. Ni ne lésine sur l’aide à apporter aux moins aguerris. Ses exploits en la matière lui valent d’être promené le 9 mai sur les épaules de deux gaillards en tête d’une manifestation contre la répression policière. Il s’est en effet fait cabosser l’avant‐veille rue Gambetta, s’étant interposé entre une haie de CRS et le premier rang essentiellement lycéen d’une manifestation.
Ce président de l’AGET‐UNEF aurait aussi pu se retrouver proclamant la Commune de Toulouse depuis le balcon de l’Hôtel de Ville. Il y a, à cette date, bientôt un mois déjà que les étudiants miment la révolution. Il serait peut‐être temps de la faire.
Il fait très beau ce vendredi 24 mai. Le pays est en panne. Toulouse ne fonctionne plus que sur les pompes à essence du marché‐gare Raynal ravitaillées depuis le port de Sète par une flotille de camions‐citernes. Le commissariat central est muet, bouclé de l’intérieur. Le préfet Alexandre Stirn ne sort plus de sa préfecture. Une délégation d’appelés du contingent vient d’informer Pierre‐Cours‐Salies du service d’ordre étudiant que l’armée serait elle‐même empêchée d’intervenir tant les jeunes militaires s’y opposeraient, tant il manquerait de pièces sur les véhicules de transport et de percuteurs dans les armureries. Il y a une pointe de rêve et de romantisme dans le discours.
L’idée d’Alain Alcouffe …