« Six, il y en a eu six, je crois : le petit Nabil, le pauvre Walid, celui de l’an dernier… » Assise à la petite table du local de l’association Izards Attitude, ce 3 septembre au matin, Inès* recompte sur ses doigts en se concentrant. Combien de morts dans le quartier depuis la première victime, en 2013, de ces « règlements de compte » liés au marché local de la drogue ? Elle en oublie deux : huit sont tombés en moins de sept ans (voir encadré) et au moins 10 blessés sérieux dont un est toujours en fauteuil roulant. Le dernier, 24 ans, a été « rafalé » mercredi 16 septembre au soir, place Micoulaud, à deux pas de la sortie de métro, au cœur du quartier. Vendredi 18, il était encore hospitalisé.
Situé au nord de Toulouse, le quartier des Izards Trois‐cocus – environ 5 500 habitants et une hausse démographique de 29 % en 5 ans, selon les chiffres 2016 de l’Insee -, a vécu un été sanglant. Une série démarrée le 10 août, qui a fait trois morts. Selon les versions de la préfecture et des services de police, abondamment relayées dans la presse depuis un mois, cette crise meurtrière est la conséquence du démantèlement, en juin, d’un réseau de stupéfiants qui s’est soldé par l’interpellation de 16 personnes entre Toulouse et Saint‐Tropez. « C’est surtout la suite d’une guerre commerciale entre groupes organisés pour des parts de marché et de territoire, estime Christophe Miette, policier chargé de mission police judiciaire et responsable de la zone sud du syndicat des cadres de la sécurité intérieure, joint par Mediacités. On est sur une logique commerciale poussée à son extrême : l’élimination de la concurrence dans sa réalité la plus pure. Et on n’est pas au bout de la séquence… »
Une autre journée de septembre, un camion de CRS entre dans la cité et s’engage rue des Chamois. Aussitôt, les cris des « choufs », ces jeunes embauchés par les réseaux pour surveiller le trafic et prévenir de l’arrivée des forces de police, résonnent entre les bâtiments : « A la Poooooste ! », « A la touuuuuur ! », « A la boucheriiiiiiie ! » Des cris lourds et entêtants pour signaler, en temps réel, les déplacements des « bleus » qui, ce jour‐là, ne prennent même pas la peine de descendre de leur véhicule. L’arrivée d’une autre voiture de police déclenche un regain de cris. « Je ne les entends plus, avoue Céline Pénétro, responsable du centre social depuis cinq ans. Ça fait partie de notre univers sonore, on vit avec tout le temps. » Confirmation de Yamina Aissa Abdi, la responsable de Izards Attitude, une association créée en 2013 qui tente de proposer une alternative au désarroi social du quartier et au climat anxiogène nés des fusillades : « Quand ça ne crie pas dans le quartier, les gens se demandent ce qu’il se …